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seur, l'un en haut et l'autre en bas. Ces portes ressemblaient à nos jalousies, et, comme l'on voit, elles ne pouvaient arrêter les efforts des voleurs, ni même empêcher la fraîcheur et le vent de pénétrer dans l'intérieur de la maison.

La plupart des agriculteurs des alentours de Riacho de S. Lourenço ont à peine trois ou quatre vaches, et les gens les plus riches n'en possèdent pas plus de cent. On ne cultive que pour ses besoins; cependant il existe dans ce canton quelques petites sucreries, Chaque année les colons, voisins de Riacho de S. Lourenço, vont à S. Rumão, ou d'autres endroits sur les bords du Rio de S. Francisco, pour faire leur provision de sel, denrée qui, comme je le dirai ailleurs, vient des salines situées sur le territoire de la province de Fernambouc. Dans le canton de Riacho on n'élève point de cochons, et, tandis que les habitans des autres parties de la province se livrent beaucoup à l'éducation de ces animaux, je crois qu'en général on s'en occupe fort peu dans le nord du Sertão.

Entre Riacho de S. Lourenço et le village de Contendas, qui en est éloigné de quatre lieues, il existe plusieurs endroits marécageux. Dans la partie la moins élevée de ces marais, les boritys sont entremêlés d'arbrisseaux très-rapprochés, à tige élancée, à feuilles du plus beau vert, et ces végétaux forment ensemble une espèce de muraille de verdure, qui, s'étendant d'un bout du marais à l'autre, contrastait à l'époque de mon voyage, avec les arbres presque dépouillés des campos environnans.

Avant d'arriver à Contendas on descend peu à peu, et l'on traverse un bois d'une étendue assez considérable. Depuis plusieurs jours j'apercevais dans les campos un assez grand nombre de perroquets; mais nulle part je n'en avais vu autant que dans les bois dont je viens de parler. Ils faisaient entendre un ramage tellement bruyant, que je pourrais le comparer au bruit confus produit par la foule au milieu des plus grandes villes.

En arrivant à Contendas, je remis au curé, M. AnTONIO NOGUEIRA DUARTE, des lettres que j'avais pour lui. C'était un homme spirituel, fort gai, et qui avait quelque instruction. Je passai plusieurs jours chez lui, et je ne puis parler sans reconnaissance des bontés qu'il eut pour moi.

Le village de Contendas se compose uniquement d'une douzaine de maisons bâties sur un morne isolé d'où la vue s'étend au loin. Placé au milieu d'une espèce de plate-forme qui termine le morne, l'église est petite et me parut assez mal entretenue. Tout le pays environnant est boisé, et depuis que j'étais dans le Désert, je n'avais pas encore vu une aussi grande étendue de terrain couverte de bois. A l'époque de mon voyage, les arbres de ces bois, qui étaient des catingas comme tous ceux du Sertão, avaient perdu leurs feuilles, et les herbes étaient desséchées jusque sur les bords du ruisseau qui coule au-dessous du village.

Contendas n'est qu'une simple succursale. Le cheflieu de la paroisse, dont ce village fait partie, est Mor

rinhos, autre village qui possède, m'a-t-on dit, une des plus belles églises de la province des Mines, et qui est situé sur les bords du Rio de S. Francisco. Si les curés ont choisi Contendas pour leur résidence, c'est que Morrinhos est un lieu très-mal sain.

La paroisse de Morrinhos, sinon tout entière, du moins en partie, dépend de la comarca de Villa do Principe et de la petite justice de Salgado, où sont des juges ordinaires 1. Cette paroisse, divisée en sept succursales, a environ cent lieues portugaises en longueur, et soixante-dix en largeur, et elle ne contient pas plus d'onze mille habitans. Il est à présumer, au reste, que cette faible population augmentera rapidement, car les mariages sont, dans ce pays, d'une extrême fécondité3. Rien n'est plus commun que de

・ Ce que j'écris ici est le résultat de l'examen attentif des renseignemens que j'ai pris. Je ne chercherai point à les concilier avec l'article de M. Pizarro sur Morrinhos.

2 Un mot oublié dans mon journal m'empêche de dire bien positivement si ce chiffre indique les habitans en général ou simplement les communians; cependant je n'hésite guère à croire qu'il s'agit des habitans en général, car les enfans se trouvent compris dans les états de population dressés par les curés.

3 On peut, ce me semble, appliquer aux femmes du Sertão, ce que dit Barrow de celles du Cap de Bonne - Espérance. « L'histoire d'un jour est celle de toute leur vie; elles

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ne parlent et n'entendent parler de rien, sinon que tel ou «< tel est sur le point de partir pour faire un voyage à la « ville; que tel autre va se marier; que les Boschisman ont

rencontrer des pères de douze, quinze enfans et même davantage, et le curé m'a assuré qu'il avait dans sa paroisse une femme qui, après avoir eu dix-huit fils comptait à l'âge de 85 ans, deux cent treize enfans petits enfans et arrière petits-enfans 1.

L'air de la succursale de Contendas est tellement pur, les maladies y sont si peu communes, et la fécondité des femmes y est si grande, comme on l'a déjà vu, que, pour quarante naissances, on ne compte

« volé le bétail de tel autre, ou que les sauterelles ont dé« voré leur blé. Les jeunes gens n'ont, pour se récréer, au«< cun de ces rassemblemens en usage dans les campagnes en « Europe; ils ne connaissent ni les foires, ni la danse, ni «< la musique, ni aucun amusement quelconque. C'est peut« être à cette vie inactive que les femmes doivent leur éton<< nante fécondité. On regarde une famille comme peu nom« breuse, quand elle n'est composée que de six ou sept

enfans; il n'est pas rare d'en trouver dont le nombre s'é« lève jusqu'à douze et même vingt. » (Voyage en Afrique, vol. I, p. 147.) A la cause que Barrow assigne ici à la fécondité, je crois qu'il faut ajouter encore, pour les femmes du Cap comme pour celles du Sertão, l'espèce d'engourdissement dans lequel les unes et les autres laissent languir leurs facultés intellectuelles.

Ce que je dis ici de la fécondité des femmes du Sertão est entièrement confirmé par MM. Spix et Martius. Je ne sais s'il existe au Brésil quelque province où les femmes soient généralement moins fécondes que dans les parties tempérées de l'Europe; mais ce qui est certain, c'est qu'on ne doit pas, comme on l'a fait, étendre cette assertion à tout

le Brésil.

qué deux morts. Au reste, on en peut dire à peu près autant de toutes les parties découvertes du Sertão, qui n'avoisinent pas le Rio de S. Francisco et les rivières qui s'y réunissent.

Les maladies les plus communes dans la succursale de Contendas et les autres parties élevées et sèches du Désert, sont l'hydropisie, les pleurésies, et ces paralysies subites appelées ar ou stupor, qui résultent des transitions rapides du chaud au froid, transitions qui se font sentir chaque jour au coucher du soleil. Les phthisies pulmonaires sont à peine connues des habitans de ce pays, et la petite vérole ne l'est pas davantage. Le curé de Contendas m'a raconté que cette dernière maladie s'était déclarée chez un étranger arrivé depuis peu de temps dans sa paroisse, mais qu'elle ne s'était communiquée à personne, et, ce qui est fort remarquable, on m'avait raconté un fait analogue, à Villa do Fanado.

Les maladies vénériennes sont communes dans cette

! Pison avait déjà donné, en 1648, des détails sur le stupor (De Med. Bras., lib. I, cap. IV), et voici comment s'expriment sur cette singulière maladie deux médecins modernes, MM. Spix et Martius : « Les Sertanejos appellent ar ou stu« por des attaques subites de paralysie qui sont assez com«munes après des transpirations arrêtées et qui peuvent « devenir très-sérieuses. Quelquefois, témoins de ces paralysies aux bras, à la langue, aux orteils, nous ne fûmes pas moins effrayés de la violence du mal, que surpris de « la promptitude avec laquelle nous le faisions céder à l'u« sage d'un bain chaud, à celui de quelques sudorifiques 24

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TOME II.

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