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j'arrivai à une montagne plus haute encore, qui se termine par un plateau, appelée dans le pays Chapada do Mato de Mandrú (la plaine du bois de Mandrú). L'aspect de la végétation de ce plateau me rappela assez exactement celle de certaines terres incultes de la Sologne. C'étaient également de très-pet tits arbrisseaux entremêlés de grandes touffes de graminées à feuilles raides et jaunâtres : une composée très-abondante, dont les feuilles sont étroites, imitait nos bruyères, et le mimosa dumetorum, N. notre genét anglican.

Ayant cheminé, pendant une heure, sur la Chapada do Mato de Mandrú, j'aperçus quelques chaumières éparses dans un vallon. C'était le petit village de Capellinha (la petite chapelle ). Je m'y rendis, et la première personne à qui nous demandâmes où il serait possible de trouver un gîte, nous offrit l'hospitalité de la meilleure grâce.

Il n'y a que seize ans (écrit en 1817), le hameau de Capellinha n'existait point encore. Les Botocudos firent des incursions sur les terres de quelques cultivateurs qui s'étaient rapprochés de leurs forêts; le poste militaire qui depuis a été établi à Alto dos Bois pour protéger les habitans du voisinage, n'avait pas encore été créé; la terreur s'empara des colons dont les habitations étaient les plus voisines du pays des sauvages; ils se retirèrent, et se réunirent sur les bords du Fanado. Une petite chapelle que l'on construisit donna son nom au hameau naissant; elle attira de nouveaux colons, et c'est ainsi que se forma le village de Ca

pellinha. Telle est l'origine de toutes les sociétés : la nécessité rapproche les hommes, et la religion vient ajouter des liens à ceux qui les ont réunis.

Capellinha est situé dans un vallon où coule, comme je l'ai déjà indiqué, la petite rivière de Fanado, qui, plus loin, donne son nom au chef-lieu du termo de Minas Novas, et va, ainsi que l'Itamarandiba, se jeter dans l'Arassuahy. Ce village se compose d'une cinquantaine de chétives habitations bâties dans le vallon ou sur le penchant des collines qui le bordent. Une église commencée et couverte en tuiles s'élève sur une hauteur. Au-dessus du village, les collines ont leurs flancs et leur sommet couverts de carrascos; mais le fond de la vallée présente une végétation moins triste, et lorsque les collines laissent entre elles quelque enfoncement, l'on y voit de grands arbres. Peu d'endroits offrent aussi bien que Capellinha l'image d'une colonie naissante. Les maisons sont éparses çà et là. On n'en voit guère que quatre ou cinq qui soient couvertes en tuiles; les autres le sont avec des feuilles de palmier ou celles d'une graminée que j'avais déjà observée sur les toits des cabanes de l'Aldea de S. Antonio. Quelques maisons n'ont pas même de murailles de terre; mais entre les morceaux de bois qui composent leur carcasse, on a entrelacé des branches d'arbre ou des feuilles de palmier.

Les habitans de Capellinha, à peu près tous hommes de couleur, s'appliquent à l'agriculture, et ont leurs plantations dans des bois situés à quelque distance de leur village. Ils récoltent des haricots, du riz et du

maïs qui leur rend au moins cent pour un : leurs terres sont également favorables au tabac; mais on n'y cultive point le coton. J'ai peine à croire que le seigle ne réussît pas sur les chapadas, et il serait à désirer qu'un agriculteur un peu instruit tentât quelques essais à cet égard.

Après avoir quitté Capellinha, je traversai encore plusieurs plateaux couverts de carrascos. Sur des côtes pierreuses, j'observai une composée qui croît en société, et mérite une mention particulière. C'est un arbrisseau qui atteint jusqu'à 6 pieds de hauteur, et dont la tige donne naissance à quelques rameaux qui, presque droits dans la jeunesse de la plante, se recourbent ensuite à la manière des candelabres. Ces rameaux couverts, ainsi que le tronc, d'une espèce de laine extrêmement serrée, sont nus dans presque toute leur longueur, et leur seule extrémité porte une touffe de feuilles longues d'environ un pouce et demi, linéaires, très-rapprochées, du milieu desquelles naissent des têtes de fleurs d'un violet purpurin (lychnophora, Mart.).

Ayant fait deux lieues depuis Capellinha, je m'arrêtai à la petite fazenda d'Antão Soares, qui se composait d'un misérable hangar et d'une chaumière dont les murs, mal garnis de terre, laissaient pénétrer partout le vent et l'humidité. Cette chétive demeure est située dans une vallée, sur le bord de la petite rivière de Fanado, dont les eaux, arrêtées par des rochers nombreux qui s'élèvent au-dessus de leur surface, s'écoulent en écumant. Un pont rustique très-pittoresque

traverse la rivière; les montagnes dont elle est bordée sont couvertes de bois épais, et, derrière la maison, sont d'autres bois qui bornent la vue. Ce lieu sauvage était habité par des mulâtres qui paraissaient extrêmement pauvres; les terres voisines de leur demeure étaient fort bonnes; mais ils n'avaient pas d'esclaves pour les faire valoir, et ils étaient réduits à leur propre travail. Ces excellentes gens me recurent avec l'hospitalité la plus touchante. N'ayant pas de maïs pour mes mulets, ils en achetèrent dans le voisinage; ils me servirent à souper ce qu'ils avaient de meilleur; ils me cédèrent leur lit, et cependant ils ne voulurent rien recevoir de moi. « Ces hommes, dit mon hôtesse à mon muletier Manoel da Silva, sont assez malheureux d'être si loin de leur pays; nous devons tâcher de leur rendre le nôtre plus supportable.

Entre la fazenda d'Antão Soares et Alto dos Bois, je traversai encore des chapadas entrecoupées de vallées peu profondes. Dans ce canton, la végétation est fort maigre, et l'on ne voit en général que des graminées au milieu desquelles croissent çà et là des arbres rabougris. Du sommet des plateaux, mes regards s'étendaient de tous côtés sur une longue suite de mornes découverts entre lesquels étaient des bouquets de bois; mais je n'apercevais ni habitations, ni troupeaux, ni champs cultivés: c'était partout la solitude la plus profonde.

Aucun ombrage ne me garantissait de l'ardeur du soleil; cependant la chaleur n'était pas extrême. Depuis quelque temps, j'avais toujours monté. Plusieurs

rivières, entre autres le Fanado, prennent leur source dans ce pays très-élevé ; le vent y était frais, et se faisait d'autant mieux sentir que, sur ces hauteurs, il n'est arrêté par aucune forêt.

Le chemin qui devait me conduire à Alto dos Bois était très-difficile à suivre : ce n'était qu'un sentier croisé par d'autres sentiers, et rien n'indiquait celui qu'il fallait choisir; nous nous égarâmes, mais un bon nègre nous remit dans notre route. A environ une demi - lieue de l'aldea, le chemin devient presque impraticable; il faut descendre des pentes très-raides au milieu des pierres et des rochers, et les mulets ont de la peine à se tenir. Cependant, après avoir fait deux lieues depuis la fazenda d'Antão Soares, j'arrivai, malgré ces difficultés, à Alto dos Bois.

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