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pendant un mois et quelquefois davantage. Peu à peu les eaux se retirent; elles s'écoulent dans le fleuve, et, au mois d'avril, la terre n'offre plus qu'un limon fangeux. Les matières animales et végétales en putréfaction corrompent l'air; et alors commencent les maladies qui règnent tous les ans sur les bords du Rio de S. Francisco, et qui les rendent si redoutables.

Des fièvres intermittentes attaquent les habitans de cette contrée; elles leur laissent souvent des obstructions qui conduisent au tombeau les individus d'un tempérament faible, et quelquefois elles prennent un caractère de malignité qui les rend très-dangereuses. Les enfans et les étrangers sont plus exposés à ces fièvres que les adultes et ceux qui sont nés dans le pays. Cependant il y a des personnes qui, nées dans le pays même et douées d'un tempérament robuste, sont malades régulièrement chaque année. Un vomitif pris après cinq ou six accès est considéré par les Sertanejos comme le remède le plus efficace. En général, toute la population des bords du Rio de S. Francisco a un air de langueur et un teint jaunâtre qui ne s'observent pas chez les habitans des autres parties de la province'.

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Les bords du Parannan, rivière qui coule dans la province de Goyaz, sont, dit-on, beaucoup plus malsains encore que ceux du Rio de S. Francisco; et les étrangers qui ne s'abstiennent pas des femmes pendant les cinq ou six premiers mois de leur séjour dans le pays, s'exposent à être enlevés par la maladie, comme ceux qui, arrivant sur la côte d'Angola, ne veulent point se soumettre à la même tempérance.

Vers la fin de juin, l'humidité a déjà entièrement disparu; l'eau ne se conserve que dans des lacs, et l'on peut habiter sans inconvénient les bords de la rivière. Les terrains qui ont coutume d'être inondés portent le nom d'alagadiços, et sont généralement indiqués par les deux plantes épineuses dont j'ai déjà parlé, le bauhinia à petites feuilles et la mimose à fleurs odorantes. Cependant bientôt la sécheresse se fait sentir; les arbres et les arbrisseaux perdent leur feuillage, les herbes se flétrissent, et l'on ne voit plus: de fleurs que sur quelques arbres, qui, comme nos amandiers et nos pêchers, fleurissent avant d'avoir des feuilles. Les mois d'août et de septembre sont les plus chauds de toute l'année. Alors la surface de la terre n'offre plus qu'une poussière fine qui brûle la plante des pieds; une vapeur rougeâtre obscurcit l'air'; les sables qui bordent le fleuve réfléchissent les rayons du soleil, et ils échauffent encore l'atmosphère. Vers la fin d'août et au commencement de septembre, on met le feu aux herbes des pâturages. C'est l'époque à laquelle les pluies commencent. D'abord elles sont peu abondantes; mais à peine est-il tombé de l'eau pendant quelques jours, que les champs reverdissent, et bientôt toutes les plantes sont couvertes de fleurs. Il ne faut pas croire que les pluies tombent pendant plusieurs mois sans interruption: elles durent trois, qua

Ces vapeurs, dont j'ai déjà parlé à la fin du chapitre précédent, seraient - elles simplement le résultat de l'incendie des pâturages?

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Quelquefois la sécheresse se prolonge jusqu'en octobre.

tre, huit ou quinze jours; puis viennent des intervalles de plusieurs jours de beau temps. On cite comme trèsextraordinaire une année où il plut durant quarante jours.

L'inondation ne survient pas tout à coup, mais il se passe dix à quinze jours entre le moment où elle commence et celui où elle s'arrête, et les nombreux bestiaux que l'on élève sur les bords du S. Francisco ne sont jamais surpris brusquement par le fleuve. Construites sur de petites éminences, les habitations n'ont rien à craindre des inondations, et forment alors des îles au milieu d'une immense étendue d'eau. Pendant les débordemens, les colons communiquent entre eux avec des pirogues. Ils se servent aussi de ces frêles nacelles pour aller à la recherche des bêtes à cornes qui, étant restées sur de petites collines, finiraient par être submergées; ils forcent ces animaux à se jeter à la nage, et ils leur font gagner la terre ferme '.

On a fait, dans une relation moderne, une effrayante. énumération des dangers qui attendent le navigateur dans ces courses. «< Il conduit avec peine sa nacelle vacillante à tra« vers les courans sans cesse exposé au danger d'être jeté <«< sur le sommet d'un rocher ou d'un arbre, ou de voir des << troncs renversés passer par-dessus sa barque. Des serpens « monstrueux et des caïmans se cramponnent dans la nacelle, et y montent pour se reposer. Le navigateur approche-t-il d'un arbre, des amas de fourmis s'y laissent tomber, et, tandis qu'il cherche à se débarrasser d'elles, un « tigre ou un serpent à sonnette saute dans la barque. S'il cherche à échapper, en se jetant dans l'eau, il court le

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Dans ces voyages, les bestiaux sont exposés à la rencontre d'un ennemi redoutable, le poisson qu'on appelle piranha (poisson-diable, myletes macropomus, Cuv. ex Spix). Ce beau poisson atteint à peine deux pieds de longueur; mais il va par bandes, et a les mâchoires armées de dents triangulaires et tranchantes. Lorsqu'un animal ou un homme tombe dans l'eau, il est ordinairement attaqué dans l'instant même par les piranhas. Leur morsure est tellement prompte et si vive qu'on la sent aussi peu que la coupure d'un rasoir; c'est du moins ce que m'assura le propriétaire de Capão, qui, étant tombé dans un marais, avait été mordu par des poissons-diables en deux endroits différens. Les piranhas habitent en très-grand nombre nonseulement le S. Francisco, mais encore les lacs fangeux (lagoas) qui sont si nombreux sur ses bords, et où l'eau séjourne toute l'année. La chair de ces poissons est ferme et d'un goût très - délicat; leurs arêtes n'ont point cette ténuité qui rend tant d'autres espèces désagréables à manger. On prend les piranhas avec le filet ou des lignes dormantes auxquelles on met pour appât un morceau de viande. Ces poissons ont une telle voracité, qu'ils se laissent prendre par la

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risque d'être mis en pièces par des nuées de piranhas. Par«vient-il enfin à ses bestiaux abandonnés, il les trouve affai<< blis par la faim, etc..... » J'avouerai bien franchement que l'on ne m'a point fait une si terrible peinture, et que l'on m'a tout simplement parlé du mal que peuvent causer les piranhas, dont je vais parler tout à l'heure,

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chair d'autres individus de leur espèce, et l'on assure même qu'ils se mangent entre eux.

Outre les piranhas', on trouve encore en abondance dans le S. Francisco plusieurs sortes différentes de poissons délicats. Étant au bord de la rivière, vis-à-vis le Porto do Salgado, je rencontrai deux enfans qui pêchaient à la ligne. Je leur demandai s'ils voulaient me vendre les poissons qu'ils avaient pris ; ils me les offrirent, et, quoique couverts de haillons, ils refusérent mon argent, en me disant qu'il leur suffirait de jeter leur ligne dans l'eau pour faire une nouvelle pêche. On met sécher au soleil le poisson du Rio de S. Francisco, principalement les suruby's et les dourados. J'ai mangé de ce poisson sec, et l'ai trouvé infiniment supérieur à la morue de Terre-Neuve, que l'on préfère pourtant dans ce pays, sans doute parce qu'elle y est plus rare. Le poisson sec du Rio de S. Francisco s'exporte des environs de Salgado pour l'intérieur de la province des Mines; mais c'est, à ce qu'il paraît, en petite quantité. Les poissons qui habitent le fleuve sont principalement le dourado et le surubý dont j'ai déjà parlé, le matrinchăn, le pacú, le piau, le traira, le mandy, le jondiá, le curvina, l'acari, le piabanha, le curma

J'ai fait préparer deux piránhas sur les bords du Rio de S. Francisco, et elles doivent se trouver au Muséum de Paris.

Je crois me rappeler que l'on distingue deux sortes d'acarí, le branco et le preto. J'ai déposé l'une des deux au

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