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ment favorable pour le commerce; les terres du voisinage sont, comme je l'ai dit, très-propres à la culture; la rivière abonde en poissons délicats; enfin la campagne offre aux bestiaux de gras pâturages, et elle est couverte de cerfs et d'un grand nombre de gallinacées excellentes à manger. Comment est-il possible qu'on ait abandonné ce lieu charmant? Cela ne peut s'expliquer que par l'inconstance naturelle à l'homme ; il n'est jamais content sur la terre; et s'il ne change pas sans cesse, c'est peut-être parce qu'il lui est impossible de changer.

Entre Pedras de baixo et le Porto do Salgado, qui en est éloigné de deux lieues et demie, la sécheresse me parut encore plus grande que les jours précédens, et je trouvai les esponjeiras elles-mêmes dépouillées de feuilles.

Dans plusieurs endroits, on avait mis tout récemment le feu aux herbes des catingas. C'est, comme je l'ai dit, un usage assez général dans les parties de la province qui offrent des campos naturels, de brûler les pâturages vers la fin d'août ou le commencement de septembre. Le feu consume rapidement les herbes desséchées, mais il n'attaque pas leurs racines; les gemmes cachées sous la terre trouvent un engrais dans les cendres des anciennes tiges, et ne sont point gênées dans leur croissance par des amas de feuilles. Il est à remarquer que s'il arrive, par quelque accident, que le feu prenne aux campos avant le mois de septembre, les plantes ne repoussent point.

Je fis halte sur le bord du Rio de S. Francisco, à

l'espace du hameau où l'on traverse le fleuve pour se rendre à Salgado. Ce hameau se compose d'une demidouzaine de cabanes qui tombent en ruines et dont la plupart sont abandonnées. Le Porto do Salgado, que j'apercevais de l'autre côté de la rivière, ne se présente pas non plus avec l'apparence de la richesse. Cependant l'ensemble du paysage offre un aspect très-agréable. En cet endroit le fleuve coule avec une extrême lenteur et ressemble à un beau lac; les chaumières du Porto, éparses sur la rive gauche, sont entremêlées d'arbrisseaux qui avaient conservé leur feuillage, et enfin l'horizon est borné par des collines. Le coucher du soleil fut admirable; du côté de l'occident, le ciel était du plus beau pourpre que j'eusse jamais vu; la rivière réfléchissait cette brillante couleur; un calme profond régnait dans la nature; quelques pirogues 'semblaient voler sur les eaux et n'en ridaient pas même la surface.

Je passai la nuit couché sur mes malles auprès d'une de ces cabanes abandonnées dont j'ai parlé plus haut. Je ne m'étais établi dans aucune d'elles, parce que les puces pénétrantes sont en général très - nombreuses dans les maisons qui ne sont point habitées; mais si j'évitai ces animaux désagréables, je fus fort contrarié par la poussière dont la terre était couverte.

Peu après mon arrivée sur le bord du S. Francisco, j'avais fait porter au capitaine JoZÉ ANTONIO SERRÃO, l'un des principaux habitans de Salgado, une lettre de recommandation que le curé de Contendas m'avait donnée pour lui. Le lendemain au matin, le capitaine

m'envoya chercher par l'un de ses amis. Je laissai sur la rive droite du fleuve mes mulets et João Moreira, et je passai la rivière avec Silva, Prégent, le Botocudo et tout mon bagage.

Le Porto do Salgado n'est qu'un faible hameau où l'on aborde pour se rendre au village, et où l'on embarque les marchandises qui s'expédient par le fleuve'. Le capitaine Serrão avait envoyé des chevaux pour moi et pour Prégent, et un chariot pour transporter mes malles. Nous montâmes à cheval; nous traversâmes un campo formé d'arbres rabougris, d'arbrisseaux et d'herbes épaisses, qui doit être charmant pendant la saison des pluies; et après avoir fait une lieue, nous arrivâmes au village de Salgado.

Salgado ou Brejo do Salgado' est le chef-lieu d'une paroisse qui a quarante lieues de longueur, sur vingt de large, dont la population se monte à huit mille âmes, et qui s'étend sur le bord du S. Francisco jusqu'à la rivière de Carunhanha 4, limite des pro

Je crois que le hameau où j'avais couché, et qui est situé sur la rive droite, a aussi le nom de Porto do Salgado; ou, pour mieux dire peut-être, le Porto se compose de l'un et l'autre hameau. C'est ce qui semble résulter d'un passage de l'auteur des Memorias historicas.

• Nossa Senhora do Brejo do Salgado, Piz,

3 Trente-huit lieues, selon Pizarro.

4 Cette rivière prend sa source dans les déserts de Goyaz, On a aussi écrit Carynhanha, et l'on trouve tout à la fois dans Pizarro Carunhanha, Carynhanha et Carinhanha. Cela prouve combien l'orthographe des noms propres brésiliens a

vinces de Minas Geraes et de Fernambouc. Cette paroisse comprend deux succursales, S. João dos Indios, dont j'ai déjà parlé, et S. Caetano de Japoré; elle appartient à l'évêché de Fernambouc, et se trouve par conséquent située à cinq cents lieues de la résidence épiscopale. Pour ce qui regarde le civil, Salgado a long-temps dépendu de Sabará qui en est éloigné de cent cinquante lieues ; mais à présent ce village fait partie de la nouvelle comarca de Paracatú créée en 18151. Salgado n'est point un chef-lieu de termo, cependant on y a établi deux juges ordinaires, ce qui a valu à cette

peu de fixité, et doit rendre indulgent pour les fautes dans lesquelles peuvent, à cet égard, tomber les étrangers.

2

Voyez Pizarro.

Ayant à présent sous les yeux des notes que j'ai prises au Brésil, mais qui n'étaient point entre mes mains lors de la rédaction de mon premier volume, je crois devoir rectifier ou éclaircir ici ce que j'ai dit dans ce premier volume sur la nomination des juizes ordinarios. Les juges ordinaires se changent chaque année, mais les nominations ne se font que tous les trois ans; ainsi, il faut qu'à chaque élection on nomme les magistrats qui doivent être successivement en fonction pendant trois ans. A l'époque de l'élection, ceux des citoyens qui ont le droit de voter vont tour à tour donner, de vive voix, leur vote à l'ouvidor, et nomment de cette manière six électeurs. Ceux-ci se réunissent deux par deux, et chaque réunion (pauta) remet à l'ouvidor une liste qui désigne pour chaque année deux juges et les membres de la camara (camaristas). Dans les trois listes, l'ouvidor choisit les individus qu'il préfère; il écrit sur trois morceaux de papier séparés le nom de deux juges et des camaristas; il renferme chaque morceau de papier dans une boule de cire; on met ensuite les trois boules de cire dans un coffre à trois clés avec les

bourgade la qualification de julgado (justice) qu'on donne encore à d'autres villages tels que S. Rumão et Barra, qui jouissent du même avantage que le Brejo do Salgado. C'est une mesure sage que d'établir des justices dans les lieux très-éloignés des villes, et qui sont trop peu importans pour mériter un autre nom que celui de village, mais où l'on peut espérer de trouver des hommes capables d'exercer les fonctions de juges. Cependant le Brésil a été gouverné jusqu'à présent d'une manière si peu fixe et si peu homogène, que, tandis qu'on a refusé le titre de ville à Salgado, on a été jusqu'à l'accorder dans la province de S. Paul, à une réunion misérable de vingt-deux maisons.

On attribue à Salgado plus de cent ans d'existence, et ce furent encore des Paulistes qui jetèrent les fondemens de cette bourgade. Elle doit son nom à l'un de ses premiers habitans, et non, comme on pourrait le croire, à la qualité un peu saumâtre de ses eaux', ou au commerce de sel qui s'y fait aujourd'hui.

listes fournies par les électeurs, et, pour chaque année, on fait tirer au sort une des boules par un enfant. Les électeurs nomment le juge des orphelins en même temps que les juges ordinaires et les camaristas; mais comme le premier reste en fonction pendant trois ans, il n'est pas nécessaire de prendre pour sa nomination des précautions aussi minutieuses. Les seuls citoyens qui aient le droit de voter, sont ceux qui ont été eux-mêmes juges ordinaires ou camaristas, ou bien qui comptent parmi leurs ascendans ou ceux de leurs femmes quelqu'un qui ait occupé une de ces places.

Telle est cependant, je ne dois pas le dissimuler, l'opinion d'un écrivain extrèmement estimable, M. Jozé de

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