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point; nous eûmes le bonheur de voir la pluie continuer par intervalles, et nous n'éprouvâmes aucune fatigue. Ces pluies ne furent qu'un avant-coureur éloigné de la saison des eaux; mais si je ne me trompe, nous n'en avions pas vu tomber d'autres depuis que nous avions quitté S. Miguel de Mato dentro, ou peut-être Itabira, c'est-à-dire depuis environ six mois.

En sortant de Pedras dos Angicos, j'entrai dans des catingas différentes de celles que j'avais vues jusqu'alors. Les arbres qui les composent sont menus, droits, très - rapprochés, et elles ressemblent à nos taillis de dix à douze ans. Des feuilles couvraient la terre; cependant les arbres eux-mêmes en portaient encore un très-grand nombre qui étaient entièrement desséchées, comme en ont, pendant les premiers mois de l'hiver, nos chênes et nos charmes. Le sol qui donne naissance à ces catingas, beaucoup plus grandes que les carrasqueinos de Minas Novas, est plus sablonneux et moins gris que celui des catingas ordinaires. Tout à coup il devint encore plus sablonneux, la végétation changea brusquement, et aux catingas succéda un campo d'arbres rabougris, entremêlés de sous-arbrisseaux fort rapprochés. Auprès d'une habitation appelée Mocambó1, située à deux

• Mocambo est certainement un mot africain, et ne peut signifier qu'un village. On lit dans l'Histoire du Brésil que, lorsque des nègres fugitifs créèrent, dans la province de Fernambouc, cette singulière république de Palmares, qui dura trois générations et fut détruite en 1695, ils donnèrent à leurs postes militaires ou villages le nom de mocambos. Peut

lieues de Pedras dos Angicos, la terre redevint grisâtre, et les catingas ordinaires reparurent. C'est ainsi que les différences de végétation coïncident ordinairement avec celles qu'offre la nature du sol.

Dans le voisinage de Mocambó, il existe plusieurs petites maisons autour desquelles je trouvai des plantations de manioc, arbrisseau qui, comme je l'ai dit, est abondamment cultivé par les Sertanejos, et qui réussit bien dans les endroits sécs'.

Après Mocambó, j'eus le plaisir de revoir des campos dont tous les arbres n'étaient pas entièrement privés de leur feuillage. En général, les arbres des campos ne sont pas ordinairement aussi dépouillés que les catingas. Pendant que quelques-uns restent sans feuillage, d'autres reprennent leur verdure, et chez le plus grand nombre, des feuilles repoussent immédiatement après que les anciennes se sont détachées.

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être des nègres marrons formèrent-ils jadis quelque hameau au lieu où est aujourd'hui l'habitation dont je parle ici.

Le manioc est encore une de ces plantes dont l'examen philosophique doit être recommandé aux botanistes qui voudront bien ne pas dédaigner les espèces utiles à l'homme. Marcgraff et Pison ont donné sur le manioc les renseignemens les plus précieux, et nous devons à M. Martius d'avoir indiqué les principales variétés qui croissent dans le Sertão, et que l'on nomme, dit-il, mandiocca sutinga de galho, sutinga de agulhada, saracura, branca et tiriciri. Je parlerai, dans ma deuxième Relation, de la culture du manioc, de la manière de fabriquer la farine que l'on tire de ce végétal, et je dirai aussi quelque chose de la patrie du manioc.

Le campo absolument sans feuilles que j'observai le jour de mon arrivée à Capão, fait une exception à la règle générale; mais par la suite j'eus occasion de remarquer encore des exceptions semblables dans des terrains qui tenaient le milieu entre ceux des campos ordinaires et des catingas.

La petite fazenda de Logrador (le trompeur), où je fis halte le jour que je quittai le village de Pedras, est située dans un fond, et entourée de collines trèspeu élevées, couvertes de catingas. Un ruisseau coule près de cette habitation, mais alors la sécheresse l'avait presque tari.

Les propriétaires de Logrador n'étaient que de pauvres mulâtres; cependant ils possédaient une petite sucrerie. La canne réussit très-bien dans le Sertão, quand on choisit pour la planter des lieux humides, et que la sécheresse ne devient pas trop forte. Comme je l'ai déjà fait remarquer pour la canne de Minas Novas, pays également très-sec, la canne du Sertão contient plus de parties sucrées que celle qui a été produite par les terrains où pousse le capim gordura et la grande fougère (pteris caudata). Entre Salgado et le canton de Logrador, et sans doute aussi beaucoup plus près de la source du fleuve, les cultivateurs trouvent un débit facile de leur sucre pour le pays où sont situées les salines.

Le coton réussit parfaitement dans les catingas qui entourent Logrador, comme il réussirait sans doute, ainsi que je crois l'avoir dit, dans tous les autres bois de même nature. Lorsque la population aug

mentera, et que les terres seront plus divisées, la culture des cotonniers généralement établie dans les catingas, sera pour le pays une source de richesses qui compensera la diminution des bestiaux, si, comme cela est vraisemblable, on est alors forcé d'en élever un nombre moins considérable.

Les habitans de Logrador me donnèrent à souper; ils me firent également déjeûner avant mon départ, et, quoiqu'ils fussent peu aisés, ils ne voulurent rien recevoir de moi. Ce qui donne un mérite de plus à l'hospitalité que l'on trouve dans ce pays chez les gens les moins riches, c'est qu'elle est toujours accompagnée d'un air de satisfaction qui débarrasse le voyageur de toute espèce de gêne, et ce dernier serait presque tenté de croire que c'est lui qui oblige ses hôtes.

Entre Lógrador et Canoas, qui en est éloigné de trois lieues, et où je passai la nuit, je traversai plusieurs campos où l'on avait mis le feu pour reproduire des pâturages. Cette opération se fait principalement dans le voisinage des fazendas, parce que les propriétaires éloignent le moins possible leurs bestiaux et leurs bêtes de somme.

J'avais pris les devans sur ma caravane, et voulant me reposer un instant, j'entrai dans une petite maison habitée par une vieille mulâtresse. On me fit asseoir; on me débarrassa de mon chapeau et de mon portefeuille; on m'offrit du sirop sortant du moulin à sucre, et tout cela se fit avec une politesse pleine de bienveillance.

TOME II.

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La fazenda de Canoas (les pirogues) où je fis halte, paraissait avoir eu de l'importance; mais, ainsi que tant d'autres, elle était alors mal entretenue. Comme dans les grandes sucreries, c'était l'eau qui faisait ici tourner le moulin à sucre. Les gens pauvres, au contraire, qui possèdent de petites sucreries, ne se servent que de boeufs pour mettre leurs moulins en mouvement, et ils laissent ces derniers exposés aux injures de l'air.

Je ne veux point oublier de dire qu'auprès du moulin à sucre de Canoas, je vis une charrue brisée, la première qui se fût offerte à mes regards depuis que je voyageais dans la province des Mines. Elle avait sans doute été construite par quelque Européen qui aura tâché d'introduire dans cette contrée les pratiques de sa patrie, mais ses efforts auront échoué contre la routine et une paresse dont la cause première est le défaut de besoins.

Autour de Macauba, habitation où je passai la nuit après avoir quitté Canoas, et près d'une petite maison que je vis sur la route, l'herbe des campos avait été brûlée, et déjà un gazon fin et d'un vert tendre commençait à se montrer au milieu des cendres noires.

La fazenda de Macauba est située à trois lieues de Canoas, et tire probablement son nom de quelques palmiers qu'on voit autour d'elle. Elle avait eu sans doute ses instans de prospérité; mais, comme celle de

1 Macauba (acrocomia sclerocarpa, Mart.)

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