Imágenes de páginas
PDF
EPUB

A Coração de Jesus, comme ailleurs, nous excitions vivement la curiosité. On venait nous voir travailler, on s'établissait dans la chambre où nous étions logés, et les enfans comme les hommes restaient des heures entières sans remuer et sans rien dire, occupés à me regarder écrire ou à contempler mon domestique qui transportait des plantes d'une feuille de papier dans une autre. Au reste, ce climat est si chaud, que l'indolence des habitans me paraît excusable. Je travaillais sans cesse; mais il ne fallait rien moins qu'un sentiment d'honneur et l'amour du devoir pour me déterminer à me mettre à l'ouvrage. D'ailleurs, j'avais déjà fait à Rio de Janeiro l'expérience du mal que l'oisiveté cause dans ces climats, et la crainte de l'espèce d'hébêtement où elle plonge était encore une raison pour me la faire éviter.

Pendant que j'étais à Coração, je vis dans la rue un homme qui, tenant un sabre, en poursuivait un autre

vu qu'un seul blanc. C'était un excellent homme qui avait été long-temps employé comme feitor dans le District des Diamans, qui avait fait deux voyages à Angola en qualité de supercargue, et qui, ayant fini par se marier dans le Sertão, menait une vie pauvre et misérable. On sent que cet homme devait avoir quelques idées de plus que ses voisins; mais, si ma mémoire est fidèle, il ne demeurait pas dans le village; je crois me rappeler aussi que je ne le vis qu'à la fin de mon séjour à Coração de Jesus, et je ne pus par conséquent profiter beaucoup de sa conversation et de ses bons offices. Ce fut peut-être lui qui m'indiqua le chemin de Curmatahy.

[ocr errors]

seulement armé d'un bâton. Dans l'instant, chacun sortit de sa maison avec un sabre, et l'on sépara les combattans. Il était impossible, au reste, qu'il y eût une autre police dans ce village que celle que les habitans faisaient eux-mêmes; le commandant demeurait à plus de six lieues du côté de Curmatahy, et la médiocrité de sa fortune ne permettait pas qu'il eût une grande prépondérance; le juge ordinaire faisait sa résidence au village de Barra, et enfin le capitão mór vivait à une distance énorme, au Morro de Gaspar Soares. D'après cela, il n'est pas surprenant que les propriétaires eussent à se plaindre de vols de bestiaux, A peu près sûrs de l'impunité, comment les fainéans qui habitent les villages ne voleraient-ils pas; et s'ils ne volaient point, comment subsisteraient-ils ?

Lorsque Firmiano fut en état de se mettre en route, j'eus enfin le bonheur de quitter Coração de Jesus. Au moment de mon départ, le blanc dont j'ai déjà eu occasion de parler disait au Botocudo, en me montrant: << Voilà votre père.-Bah, mon père! répondit l'Indien. Ne suis-je plus ton père? m'écriai-je.

[ocr errors]
[ocr errors]

Ne parlons pas de père, répartit ce pauvre garçon, cela me rend malade. » Alors sans doute l'image de celui auquel il devait le jour s'était présentée à son esprit, et il s'était livré tout entier à ses premières affections et aux souvenirs de son enfance.

Entre Coração de Jesus et Curmatahy, dans un espace de vingt-huit lieues, je traversai un pays désert, peu près inculte, toujours ou presque toujours montueux ou inégal. Je revis des vallées marécageuses, de

[ocr errors]

tristes catingas et des campos parsemés d'arbres rabougris. La sécheresse continuait à être excessive, et j'eus encore à déplorer l'absence des fleurs.

Les mouvemens de terrain que j'observai, en me rendant de Coração à la fazenda de S. Bento, qui est éloignée de trois lieues, me firent paraître le pays moins monotone. Plus d'une vallée me frappa par l'aspect qu'elle présentait. Le feu avait été mis récemment aux herbes qui couvraient les collines environnantes, et l'on n'y apercevait encore aucune feuille nouvelle : les herbes de la vallée, au contraire, commençaient déjà à pousser; une rangée de boritys de différentes hauteurs s'élevait au milieu de ces tapis de gazon extrêmement fin, et les palmiers, ainsi que l'herbe naissante, contrastaient par leur verdure avec la terre noire et rougeâtre des collines dépouillées.

Sur un des plateaux que je traversai, je remarquai des carrascos qui couvraient un terrain de très-peu d'étendue. C'étaient, autant que je puis me le rappeler, les premiers que j'aperçusse depuis Taióba, et je ne crois pas en avoir revu depuis, pendant les cinq années environ que j'employai encore à parcourir le Brésil; ce qui prouve combien ce genre de végétation est peu commun, du moins dans la partie moyenne et les provinces méridionales de ce vaste empire'. Je

Dans les montagnes des pays de forêts vierges, il existe des bois auxquels on donne aussi le nom de carrascos, et qui se composent d'arbrisseaux rapprochés à tiges allongées et grêles. Il est clair que ce n'est point de ces carrascos, dus

dois même faire observer qu'au milieu des carrascos qui existent entre Coração de Jesus et S. Bento, je ne retrouvai plus la mimose qui caractérise généralement ce genre de végétation (M. dumetorum). Les arbrisseaux, hauts d'un ou deux pieds, qui composaient ces carrascos, étaient pour la plupart d'autres légumineuses qui venaient de se revêtir d'un feuillage nouveau, et dont la verdure semblait d'autant plus fraîche, que tous les arbres environnans étaient alors entièrement desséchés.

Ce jour-là et le suivant, je vis plusieurs de ces trous où les bestiaux vont manger la terre salpêtrée (barreiros). Les excrémens qu'ils avaient laissés autour de ces trous ne présentaient absolument que de la terre sans mélange d'aucune autre substance.

La fazenda de S. Bento, où je fis halte le jour que je quittai Coração de Jesus, n'est qu'une pauvre chau

à la maigreur du terrain, qu'il est ici question. Je ne veux des de parler dans ce moment que découcarrascos pays verts, ceux qui caractérisent les plateaux de Minas Novas. En allant de Tijuco au Serviço de Curallinho, dans le District des Diamans, je passai aussi par un lieu où les arbrisseaux, rapprochés les uns des autres, formaient des bois nains semblables aux carrascos; mais je n'y trouvai ni la mimose, ni l'anonée, etc., qui sont si communes dans les carrascos de Penha et de S. João; ainsi les carrascos du District des Diamans n'appartiendraient pas non plus à la végétation de Minas Novas, et, effectivement, le pays où ils naissent est entièrement différent de celui qui s'étend entre Penha et Villa do Fanado.

mière dans laquelle je fus reçu par un vieillard et par des enfans couverts de haillons. C'étaient, me dit mon hôte, les fermiers de la dîme (dizimeiros) qui l'avaient réduit à cet état de misère. Ils ne demandent que tous les trois ans ce qui doit leur revenir; ils trouvent les denrées que le cultivateur avait mises de côté pour eux mangées par les insectes, et alors ils exigent de l'argent. Mais comment pourrait-on leur en donner dans un pays où l'on ne cultive que pour soi et où il n'y a ni commerce ni débouchés? Le dizimeiro poursuit en justice le malheureux colon; la dette de celui-ci augmente, et souvent il finit par abandonner sa propriété. Aucun cultivateur ne se plaint de la dîme; mais tous voudraient la payer immédiatement après la récolte, comme la justice l'exige; et il est inconcevable que la clameur publique n'ait pas encore fait ouvrir les yeux à l'administration sur un objet d'une aussi haute importance (écrit en 1817)'. De S. Bento, j'allai chercher un autre gîte à Buraco (trou), habitation misérable qui appartenait au commandant de Coração de Jesus. La maison du maître n'était qu'une pauvre chaumière, et je n'eus pas même l'avantage de pouvoir y loger. Le propriétaire était absent, et un vieux nègre qu'il avait laissé chez lui m'établit dans une petite case qui servait sans doute d'abri à un de ses camarades absent comme le maître; mais, au reste, j'étais depuis

Dans une autre partie de mes Voyages, je donnerai sur la dîme des développemens plus étendus.

TOME 11.

29

« AnteriorContinuar »