Imágenes de páginas
PDF
EPUB

pointu dans leurs cheveux, et la spatule leur sert à écraser la vermine.

Les hommes ont renoncé à l'usage qu'ils avaient jadis de percer d'un trou leur lèvre inférieure, et d'y passer un morceau de bois court et un peu moins gros qu'un tuyau de plume. Quant aux femmes, elles continuent à se percer les oreilles, et elles y font entrer un brin de bois, qui dépasse à peine le trou où il est placé, et qui a la même grosseur que celui dont les hommes ornaient autrefois leur lèvre inférieure.

Tout l'ameublement des maisons des Macunís se compose de ces espèces de canapés rustiques qu'on appelle giraos. Au milieu de la chambre, on voit la place du feu qui reste presque toujours allumé. Quelques pots sont dispersés çà et là; dans un coin, sont des flèches et des arcs, et au toit, sont suspendues des plumes d'aras destinées à faire des flèches. Enfin dans une des maisons où j'entrai, la férule de bois destinée à corriger les femmes, pendait attachée également au plancher.

Les Macunís ne mangent point indistinctement toutes les espèces d'animaux : ils dédaignent plusieurs quadrupèdes, entre autres le fourmilier. Le gibier qu'ils tuent, les patates et le manioc, forment leur principale nourriture. La cuisine des Macunís n'est pas toujours aussi barbare qu'on pourrait l'attendre d'hommes accoutumés à vivre dans les bois. Ainsi, quand ils veulent manger un jacú (penelope), ils le mettent dans un pot, l'environnent de farine de manioc, et le font cuire à petit feu. Ils sont passionnés pour l'eau

de-vie, et lorsque quelqu'un leur donne une portion de cette liqueur, ils l'obsèdent de supplications, jusqu'à ce qu'ils aient vidé la bouteille ou qu'ils se soient enivrés.

La danse est le plus grand plaisir de ces Indiens; cependant ce n'est chez eux qu'un sautillement monotone qu'ils accompagnent de chants grossiers, et leurs chansons n'ont, pour ainsi dire, aucun sens. Ils en ont une, qui n'est qu'un long catalogue des animaux qu'ils tuent dans leurs chasses; d'autres sont plus ridicules encore, telles que celle-ci : abaai bitá popi amabá poaté poteice anári Lorsque les femmes vont uriner, les arbres regardent et ne disent rien.

Quand ils sont malades, ils ne font point d'autre remède que de prendre de l'ipécacuanha. Les parens de celui qui souffre pleurent autour de lui; mais ils ne lui donnent aucuns soins. Ils regrettent beaucoup leurs proches, surtout quand ils étaient habiles à la chasse, et il n'est point rare qu'un père se donne la mort lorsqu'il a perdu son fils.

On a vu que les Macunís avaient de l'industrie et qu'ils pouvaient apprendre à lire, à écrire, à compter, à servir comme soldats, à travailler la terre ; mais aussi l'on a vu qu'ils étaient insoucians, mobiles, paresseux, et qu'ils dissipaient follement leurs faibles ressources. Peut-être croira-t-on que ces défauts ne sont que le résultat passager de leurs anciennes habitudes, et qu'ils disparaîtront avec le temps et une civilisation plus avancée; mais l'exemple des autres nations indiennes ne permet malheureusement pas d'en concevoir l'espé

rance. Les Indiens, hommes comme nous, ayant avec nous une origine commune, sont également animés d'un souffle divin; mais il nous paraît incontestable que l'imprévoyance est attachée aux différences de forme que présente leur race, comme le même défaut a été attaché à l'organisation encore imparfaite de l'enfance, ou l'idiotisme aux difformités des cretins de la Suisse et de la Savoie. Nos enfans montrent souvent beaucoup d'esprit et d'intelligence; mais ils ne sauraient se diriger eux-mêmes, parce qu'ils manquent de prévoyance; et l'orphelin serait bientôt dépouillé, si le législateur n'avait pris les précautions les plus ingénieuses pour le mettre à l'abri de l'injustice. Condamnés à une sorte d'enfance perpétuelle, les Indiens se sont trouvés trop souvent sans appui, à la merci de notre barbare supériorité, et des nations entières ont disparu devant les hommes de notre race. Comme aux enfans, il faudrait aux Indiens des tuteurs intègres et vigilans, qui, excités par des sentimens chrétiens, fussent sans cesse occupés du bonheur de ces infortunés. Il pourra sans doute se rencontrer des hommes isolés, qui, tels que le vertueux Antonio Gomes, le Français Marlière ou l'abbé Chagas', sauront, pendant un certain nombre d'années, diriger quelques peuplades avec une sagesse paternelle; mais il est possible qu'après Antonio Gomes, les Macunís aient eu un directeur d'un caractère entièrement différent, et alors leur bonheur mo

Je parlerai de ces deux hommes recommandables dans ma seconde et dans ma troisième Relation.

mentané aura fait place à la misère et à la destruction. Il faudrait donc, pour faire subsister les peuplades indiennes, que non-seulement elles fussent soumises à une tutelle bienfaisante, mais encore que cette tutelle eût la garantie d'une longue continuité. Ces conditions se trouvèrent réunies jadis sur les bords de l'Uruguay. Les hommes qui, dans cette contrée, dirigèrent les Indiens, animés d'un esprit religieux, et ayant des intérets absolument identiques avec ceux des indigènes avaient imaginé une forme de gouvernement qui ne convenait qu'à ces derniers, mais qui, pour eux, était peut-être la plus parfaite possible '. Des circonstances semblables ne se représenteront plus, et l'on peut prédire, sans craindre de se tromper, la destruction prochaine des faibles. restes des Indiens du Brésil *. S'il

Nous reviendrons sur ce sujet, en parlant des missions de l'Uruguay.

que

2 Au reste, ce n'est seulement au Brésil pas la diminution des indigènes se fait sentir d'une manière effrayante. Il n'en existe plus à Haïti, la Martinique, la Guadeloupe, etc.; chaque jour ils deviennent plus rares sur le vaste territoire des États-Unis, et voici ce qu'on lit sur la population indienne de l'Amérique espagnole, dans un ouvrage imprimé en 1809: « L'usage immodéré des liqueurs fortes, et le ser«vice oppressif, connu sous le nom de meta, service qui, ar«< rachant l'Indien à sa femme et à ses enfans, le force à s'exiler <«< à deux cents ou à trois cents lieues, l'expose aux inconvé«niens du changement de climat, et le fait descendre dans les << entrailles de la terre, où il ne respire qu'un air pestilentiel, ont réduit le nombre des indigènes à sept cent mille, dans la

existait dans cette contrée plus de véritable christianisme, plus d'enthousiasme, plus d'esprit public, nous encouragerions les hommes vertueux à former, pour la civilisation et la conservation des Indiens, des associations libres, telles qu'il en a été créé chez nous pour des œuvres de charité, pour l'amélioration des prisons ou la propagation de l'enseignement; mais chez les Brésiliens qui sortent à peine de l'apathie où les avait plongés la longue oppression du système colonial, nous plaiderions probablement en vain une cause si belle. Que du moins on encourage les alliances légitimes des Indiennes avec des hommes de couleur ; on obtiendra par ce moyen une race mixte, moins dé

"

vice-royauté de Lima. Une semblable diminution s'est fait « remarquer en d'autres parties de l'Amérique méridionale. « L'an 1600, le diocèse de Mexico contenait, selon les documens les plus authentiques, cinq cent mille Indiens tri« butaires; et, lors du dénombrement, fait en 1741, il ne << s'en trouva plus que cent dix-neuf mille six cent onze. La population de la tribu de los Angelos, qui, à la pre« mière de ces époques, se montait à deux cent cinquante-cinq milie âmes, n'était plus que de quatrevingt-huit mille deux cents à la seconde. La tribu d'Oaxaca, qui, en 1600, se composait de cent cinquante mille individus, était réduite à quarante-quatre mille deux cent vingt-deux, aussi en 1741. Ce vide immense. <«< dans la population n'est pas restreint aux seules posscs«sions espagnoles; et il paraît qu'il est de la destinée des << nations sauvages de s'éteindre en s'approchant des peuples « civilisés. » (Voyages au Pérou, t. I, p. 139.)

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

་་

« AnteriorContinuar »