Imágenes de páginas
PDF
EPUB

fectueuse que la race américaine, et ce qui reste d'Indiens ne sera pas entièrement perdu pour la population d'un pays où l'on a un si grand besoin d'hommes.

Je profitai de mon séjour à Alto dos Bois, pour faire une excursion dans le voisinage, et, accompagné du commandant et du père du directeur, je me dirigeai vers un lieu où l'on avait établi un poste de soldats, destiné à protéger contre les Botocudos un champ de maïs, qui faisait la véritable limite du territoire portugais. Après avoir descendu le plateau sur lequel est situé l'aldea, nous passâmes par un bois d'une végétation un peu semblable, pour l'aspect, à celle de nos taillis, quand ils sont très-grands et très-fourrés. Ce bois paraissait avoir été battu mille et mille fois en tous sens; mais pourtant je n'y reconnaissais point les traces que des hommes auraient dû y laisser. « C'est ici, me dit le commandant, que viennent chasser les enfans des Macunís, et souvent ils y donnent des preuves d'une très-grande adresse.» Au-delà du bois dont je viens de parler, la végétation devint bientôt plus vigoureuse. De distance à autre, on avait ménagé sur le bord du chemin, dans l'épaisseur de la forêt, de petites places bien nettoyées, mais entourées de broussailles; et un homme, caché dans ces espèces de retraites, n'aurait pu être découvert par les passans, du moins avant qu'ils arrivassent devant lui. C'est là que les soldats indiens, qui font partie du détachement d'Alto dos Bois, se mettent en embuscade pour tirer des coups de fusil sur les Botocudos. Nous passâmes

devant une sentinelle ainsi postée, et enfin nous arrivâmes au champ de maïs, vers lequel nous avions dirigé notre promenade.

A l'extrémité du champ, dans l'épaisseur du bois, étaient les militaires portugais et indiens, chargés de protéger la récolte du maïs. Là, sur le bord d'un ruisseau, qui se jette dans le Fanado, les soldats avaient construit quelques baraques où ils couchaient et où ils faisaient cuire leurs alimens. Celles des Portugais, plus soignées, avaient la forme d'un toit ; elles étaient couvertes de feuilles qui empêchaient la pluie d'y pénétrer, et, dans leur intérieur, l'on voyait des canapés rustiques (giraos) qui, à cause du peu de hauteur de la hutte, ne s'élevaient guère qu'à un pied au-dessus du sol. Quant aux baraques des Macunís, elles avaient été construites par les femmes, et elles étaient absolument semblables à celles qu'elles faisaient autrefois, avant que la peuplade se fût réunie aux Portugais. C'étaient des espèces de berceaux formés par des perches courbées, et sur lesquelles des feuilles de palmier avaient été étendues sans aucun art. On ne saurait entrer dans ces huttes, sans se courber; elles n'ont guère que quatre pieds de large, mais trois ou quatre personnes pourraient facilement s'asseoir dans leur longueur.

Je passai une demi-heure dans une de ces huttes. Une Indienne y faisait du filet. Je lui donnai un collier de fausses perles qui parut lui faire un très-grand plaisir; et, en échange, je reçus d'elle de l'étoupe de cecropia, un sac et un bracelet. D'autres femmes

m'offrirent des bagatelles, et il fallut aussi leur faire de petits présens.

Le bracelet dont je viens de parler est, je crois, assez remarquable pour mériter une description particulière. Il est composé de tuyaux d'une substance dure et cornée, longs d'environ un demi-pouce, lisses', luisans et d'un noir de jayet. Ces tuyaux sont courbés ; ils vont en diminuant de grosseur d'une extrémité à l'autre, et ont la forme d'une corne tronquée au sommet; ils sont l'ouvrage et l'habitation d'une larve qui se trouve dans plusieurs rivières, et ils portent dans le pays le nom de grumichá.

Le détachement d'Alto dos Bois, originairement composé de trente hommes, ne l'est plus aujourd'hui (1817) que de dix. Cependant ce petit nombre de soldats suffit, parce qu'ils sont dans une continuelle activité, que le commandant met beaucoup de zèle dans son service, et que les Botocudos apercevant quelques militaires armés de fusil, craignent sans doute qu'il n'y en ait davantage.

-On a donné au poste d'Alto dos Bois des vestes mátelassées, semblables à celles que j'avais vues à Passanha (gibão); mais la pesanteur de ces espèces de cuirasses empêche le plus souvent les soldats de s'en servir. La guerre contre les Botocudos se fait ici de la même manière qu'à Passanha ; je ne répèterai point les détails dans lesquels je suis déjà entré ; j'ajouterai seulement que dans les attaques nocturnes, il faut nécessairement avoir les pieds nus, parce que les feuilles des arbres rendent bientôt les souliers très-glissans, et qu'il

devient alors impossible d'avancer. Les Macunís, engagés comme soldats, sont très - utiles dans les espèces de chasses que l'on fait aux Botocudos, non-seulement à cause de l'habitude qu'ils ont des forêts, mais encore parce qu'une haine sans bornes les excite contre l'ennemi.

Cette haine est produite sans doute non- seulement par la guerre que les Botocudos font aux autres nations indiennes, mais encore par l'opinion que l'on a généralement de leur anthropophagie. Le commandant d'Alto dos Bois me confirma ce que tout le monde raconte dans le pays, du goût de ces sauvages pour la chair de leurs semblables. Une couple d'années avant mon passage par l'aldea, 'ils avaient pris un nègre, et, peu de jours après, on trouva ses ossemens suspendus sur le bord d'un chemin. Dans une division où avait servi le commandant, on fit prisonnier, me dit-il, un Botocudo qui déjà était un homme fait; on parvint à le civiliser; on l'enrôla; il apprit le portugais, et fit un excellent soldat : cet homme ne cachait point son goût pour la chair humaine, et souvent, jetant des yeux d'envie sur la fille de M. de Magalhães, âgée de deux ou trois ans, il lui tâtait les bras et la paume des mains, et il s'écriait que ce serait un manger délicieux. Il importe trop à l'histoire de notre espèce de savoir si réellement il existe des anthropophages, pour que, dans le cours de mes voyages, je ne prisse pas à cet égard tous les renseignemens qui dépendaient de moi. J'ai rapporté les deux faits précédens tels qu'ils m'ont été racontés; mais il n'est personne qui ne sente

qu'ils n'ont rien de concluant. Comment prouver en effet que les ossemens, que l'on trouva suspendus, fussent réellement ceux du nègre qui avait été pris ? et le Botocudo civilisé, dont me parla le commandant, ne cherchait-il pas à accréditer, par des grimaces, une opinion qui rendait sa peuplade plus redoutable aux yeux des Portugais?

Pendant mon séjour à Alto dos Bois, j'eus beaucoup à me plaindre des curieux qui m'obsédaient, et me privaient du jour lorsque j'examinais mes plantes avec la loupe. Ce fut au reste le seul reproche que j'eus à faire aux habitans de ce village; car j'y fus traité avec une bienveillance et une hospitalité touchantes.

La situation d'Alto dos Bois est une des plus avantageuses de l'intérieur de la province des Mines. D'un côté, les cultivateurs ont un chemin magnifique jusqu'à Villa do Fanado, qui, certainement, deviendra un jour une petite ville importante; et, d'un autre côté, ils pourront facilement communiquer avec la mer, quand la civilisation ou la destruction des Botocudos permettra d'ouvrir une route directe de l'aldea des Macunís au village de Passanha, qui peut-être n'en est pas éloigné de plus de 25 à 30 lieues. La position élevée d'Alto dos Bois influe beaucoup sur sa température. Dès l'époque où j'avais quitté Villa do Principe, la saison des grandes chaleurs était passée, et j'avais toujours eu froid pendant la nuit, lorsque j'avais dormi dans mon hamac; mais nulle part je n'avais éprouvé un froid aussi vif qu'à Alto dos Bois, où cependant je couchais dans un lit. Le matin toutes les plantes étaient

« AnteriorContinuar »