Imágenes de páginas
PDF
EPUB

trouvant arriéré, je restai un jour à Chapada, pour me mettre au courant, et, dans l'après-dînée, j'allai avec mon hôte me promener hors du village.

J'observai, dans cette course, qu'en plusieurs endroits les bois primitifs avaient été détruits, soit par caprice, soit pour satisfaire aux besoins de l'agriculture. Les bois actuels ressemblent encore à des taillis; cependant ils ont en même temps quelque chose de l'aspect de nos broussailles. La terre était alors extrêmement sèche ; parmi les arbrisseaux qui la couvraient, je ne trouvai aucune plante en fleur; plusieurs des arbrisseaux avaient perdu une partie de leurs feuilles, et l'on m'assura qu'il leur en serait resté bien moins encore, si, contre l'ordre habituel, il n'était survenu des pluies dans le courant du mois de mars.

Le curé me conduisit à un petit jardin qu'il cultivait auprès du village. Dans un vallon généralement très-resserré, où coule un ruisseau, il avait choisi un endroit où les montagnes, moins rapprochées, laissent entre elles un espace parfaitement plane et d'une forme à peu près ovale. Autour de cet espace, le propriétaire avait planté des orangers et des bananiers; une fosse, d'où l'on tirait jadis de l'or, était devenue un vivier; le terrain était couvert de riz et de légumes cultivés avec soin, et disposés avec un ordre que l'on ne retrouve nulle part dans ce pays; le ruisseau enfin fournissait de l'eau pour arroser les légumes, et il servait à défendre les jeunes plantes contre les ravages des grandes fourmis. Des arbrisseaux semblables à nos taillis couvraient les mornes qui entouraient ce

jardin; sur leurs flancs paissaient des vaches qui donnaient un excellent laitage; au bas des mornes était une humble chaumière, et une échappée de vue laissait apercevoir le village. Tout cet ensemble rappelait assez bien certains paysages de la Suisse.

Je quittai Chapada pour me rendre au village de Sucuriú, qui en est éloigné de cinq lieues, et bientôt je passai le ruisseau de Capivarhy. Dans ce ruisseau comme dans plusieurs autres qui lui sont parallèles et se jettent également dans l'Arassuahy, tels que le Rio do Fanado, le Rio d'Agua Suja (rivière d'eau sale), etc., on trouve un nombre de poissons beaucoup plus grand que dans les rivières voisines de Villa Rica, Villa do Principe, S. Miguel de Mato dentro, etc. Ainsi, outre le trahira, le bagre, le lambari, on pêche encore dans les ruisseaux que j'ai cités ci-dessus, le piabanha, le pidu, le piampara, etc.

Le chemin que l'on parcourt jusqu'à Sucuriú est montueux et descend d'une manière très-sensible. Le terrain est rougeâtre, pierreux et d'une sécheresse remarquable. On passe deux ruisseaux, celui d'Agua Suja, qui, comme on l'a vu, se jette dans l'Arassuahy, et celui d'Agua Limpa (rivière d'eau propre), qui réunit ses eaux à celles de l'Agua Suja. Dans toute la route je n'aperçus qu'une maisonnette, située dans un fond ; je vis à peine quelques fleurs, fort peu d'oiseaux et point d'autres insectes qu'un très-petit nombre de papillons. Quant à la végétation, elle présente une foule de nuances différentes, ce qui, peut-être, a pour cause les différences que le sol éprouve dans son élévation.

Les premiers mornes, sur lesquels on passe en sortant de Chapada, sont couverts de ces arbrisseaux qui ressemblent à nos taillis. Quelquefois on voit des carrascos très-bas, à peu près de la même nature que ceux de Penha et de S. João; ailleurs de petits arbres tortueux s'élèvent çà et là au milieu d'une herbe desséchée. Enfin, en s'approchant de Sucuriú, on traverse des catingas, bois que je ne connaissais point encore, et qui, plus élevés que toutes les sortes de carrascos que j'ai décrites jusqu'ici, sont pourtant beaucoup moins vigoureux que les forêts vierges, et s'en distinguent encore, parce qu'ils perdent leurs feuilles chaque année.

Les catingas n'étaient pas, au reste, entre Chapada et Sucuriú, les seuls bois que la saison eût en partie dépouillés de leur parure. Toutes les autres espèces de bois avaient eu le même sort; quelques arbres même n'avaient conservé absolument aucune feuille; et parmi ceux-ci, j'en vis qui, comme nos amandiers et nos pêchers, s'étaient couverts de fleurs avant d'avoir un feuillage nouveau : c'étaient, entre autres, une myrtée, une malpighiée et une malvacée à semences laineuses. Une teinte pourpre ou jaunâtre colorait les feuilles qu'avaient conservées les arbres épars et tortueux, dont le port est à peu près celui de nos pommiers, et j'aurais pu me croire à la fin de la belle saison dans un de nos vergers, si la nature, livrée à ellemême, pouvait avoir cette régularité que nous donnons à nos ouvrages.

Une autre végétation produisit en moi une illusion

bien plus complète encore. En descendant auprès de la petite maison dont j'ai déjà parlé, j'entrai dans un bois composé d'arbrisseaux serrés les uns contre les autres, et au milieu desquels s'élevaient de distance en distance des arbres d'une grandeur moyenne. Ces bois avaient une ressemblance parfaite avec ceux de nos taillis où on laisse çà et là croître des baliveaux. Les arbres conservaient à peine quelques feuilles jaunâtres ou d'un pourpre foncé ; la terre était jonchée de celles qu'ils avaient perdues, et, de temps en temps, il en tombait encore quelques-unes à mes pieds. Les gazons qui bordaient le chemin avaient été brûlés par l'ardeur du soleil ; une seule acanthée laissait apercevoir de petites fleurs à deux lèvres et à tube allongé; mais ses fenilles presque flétries retombaient sur la tige, et l'on aurait pu prendre cette plante pour notre galeopsis ladanum, tel qu'il se montre dans les plaines de la Beauce après la canicule. Le soleil était sur son déclin ; la chaleur avait diminué; aucun vent ne se faisait sentir, et le ciel n'offrait plus que des teintes affaiblies. Je me serais cru en France par une belle soirée d'automne, si quelques palmiers, que j'apercevais çà et là, avaient pu me permettre de m'abandonner à une erreur si douce. Ces palmiers, d'une espèce que je ne connaissais pas encore, avaient des tiges parfaitement droites, de la grosseur du bras, hautes de 25 à 40 pieds, et n'offraient aucun autre vestige des pétioles détachés que quelques marques circulaires d'un noir obscur. Des feuilles desséchées pendaient négligemment sur la tige; celle-ci se terminait par six autres feuilles

élégamment arquées, légères, et du vert le plus beau; du milieu d'elles s'élevait une flèche aiguë, formée par le bourgeon naissant, et un long régime de fleurs s'inclinait vers le sol, recouvert d'une spathe en nacelle. Cette végétation équinoxiale, environnée de formes européennes, formait avec elles le contraste le plus singulier'.

Je descendis à Sucuriú chez le desservant, pour lequel j'avais une lettre de recommandation. Il me reçut très-bien, et il me céda sa chambre et son lit. A notre arrivée, nous nous mîmes, moi à dessécher des plantes, et Prégent à préparer des oiseaux. Tout cela amusa beaucoup mon hôte, peu accoutumé à voir des étrangers, et lui parut tellement extraordinaire, qu'il envoya chercher ses voisins pour les rendre témoins de nos occupations. Bientôt la petite pièce où nous étions se trouva remplie de curieux, et j'avais à peine assez de place pour pouvoir faire le plus léger mouve

ment.

Le village de Sucuriú, succursale de la paroisse d'Agua Suja, est situé tout à la fois sur le penchant et

Le palmier dont il s'agit ici est le guariróba (cocos oleracea, Mart.), que j'ai depuis trouvé abondamment dans les catingas du Sertão ou Désert. Sa tige est parfaitement égale dans toute sa longueur; son écorce est d'un gris noirâtre et un peu fendillée longitudinalement; les feuilles paraissent petites, relativement à la hauteur du trone; le fruit est un drupe chanvreux; le noyau a la forme et la grosseur d'un œuf.

› Ce nom est celui d'une sorte de serpent (boa murina,

« AnteriorContinuar »