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au pied d'un morne au-dessous duquel coule une petite rivière, appelée également Sucuriú. Il est difficile de rien voir de plus affreux que ce village. Ses maisons, au nombre de 60 à 80, ont été bâties à peu près sans ordre. Elles sont petites, extrêmement mal entretenues, et n'annoncent que l'indigence. On ne les a point construites avec des adobes, comme celles de Villa do Fanado et de Chapada, mais simplement avec des morceaux de bois croisés, dont les interstices sont bouchés avec de la terre. Des pierres remplissent les rues, et celles de ces dernières qui s'étendent sur la pente du morne, sur lequel le village est en partie situé, sont très difficiles pour les bêtes de somme.Tandis que, dans la plupart des bourgades, les églises s'élèvent isolées sur des places publiques, celle de Sucuriú, bâtie au pied du morne, se trouve resserrée entre des maisons. La colline qui, de l'autre côté du ruisseau, fait face au village, et celles qu'on aperçoit aux alentours, sont couvertes de carrascos semblables à nos taillis. La rivière de Sucuriú a peu de largeur; ses eaux sont très-sales, et cependant on y pêche un assez grand nombre d'espèces de poissons; celles connues dans le pays sous les noms de trahira, lambari, piampara, piabanha, curmatán, tamburé, roncador, bagre, suruby.

Les premiers habitans de Sucuriú y furent attirés par le désir d'avoir de l'or. Il paraît qu'autrefois ce

L. ex Mart.). Je ne crois pas qu'il faille écrire sucruyù avec M. Pizarro, ni Sucuriuh, comme on l'a fait en Allemagne.

lieu en a fourni beaucoup ; mais on s'empara d'abord de celui qui était le plus voisin de la surface de la terre; le travail est ensuite devenu plus difficile ; en même temps les esclaves ont manqué, et à peine quelques nègres vont aujourd'hui chercher des paillettes dans le ruisseau du village.

Au reste, les terrains des environs de Sucuriú procurent à ses habitans des ressources mieux assurées que celles qu'offrent les lavages. Comme le pays est plus rapproché du bassin de l'Arassuahy que Villa do Fanado et Chapada, il est aussi moins élevé et plus chaud, et l'on y cultive les cotonniers avec beaucoup de succès.

Presque toutes les femmes de Sucuriú filent du coton, et, dans la plupart des maisons de ce village, on fait des toiles plus ou moins grossières. Les plus fines se consomment dans l'intérieur même des familles, et l'on vend les autres, dont le fil ne donne pas autant de peine à filer, et qui en même temps trouvent un débit plus facile.

Un des principaux fabricans du village de Sucuriú s'était servi d'un courant d'eau pour faire mouvoir à la fois plusieurs de ces petites machines que j'ai déjà décrites, et qui servent à séparer le coton de ses graines. A l'axe d'une roue extérieure et verticale était attachée, dans l'intérieur du bâtiment, un tambour de quatre pieds de diamètre, sur lequel on avait passé plusieurs cordes. Les petites machines à ôter les graines étaient telles que je les ai fait connaître; mais au lieu d'être terminé par une manivelle, chaque cylindre en

trait à son extrémité dans une petite roue pleine, d'énviron quatre doigts de diamètre, placée en dehors des montans. Sur chacune de ses deux roues était passée une corde qui venait du tambour, et quand celui-ci tournait, il faisait mouvoir en sens contraire les deux roues, et par conséquent les cylindres ; et le coton se nettoyait de la manière que j'ai indiquée ailleurs. (V.vol. 1, p. 406.)

Pendant que j'étais à Sucuriú, plusieurs personnes. m'apportèrent diverses plantes usuelles, et j'én reçus principalement d'un bon vieillard qui en connaissait un grand nombre. Comme il n'y a, dans cette contrée lointaine, ni médecins, ni chirurgiens, les habitans pour se guérir ont essayé les végétaux qui les environnaient, et il n'est pas de colon qui n'ait autour de lui sa matière médicale. Quelques plantes médicinales ont été indiquées aux Portugais par les Indiens qui sans doute les connaissaient depuis long-temps; une ressemblance plus ou moins frappante avec les espèces usitées en Europe, un goût, une odeur particulière, et souvent peut-être la seule fantaisie, ont décidé du choix des autres plantes usuelles. Les noms vulgaires des espèces employées comme remèdes peuvent au reste servir en grande partie à dévoiler l'histoire de la découverte de leurs propriétés réelles ou imaginaires. Ainsi les mots guaranis, caapia (dorstenia), ipecacuanha (cephaelis ipecacuanha), sambaiba (curatella sambaiba), etc., désignent assez des espèces dont la connaissance est due à des Indiens; les noms de barbasco et de centaurea maior ou menor ont été appliqués par les

Portugais à un ou plusieurs budleia et à des chironia, qui leur rappelaient la moléne ou la centaurée de leur patrie; enfin les mots de padre salema (gomphrena officinalis), quina de remijo (cinchona remijiana, Aug. S. Hil.), anna pinta (une cucurbitacée), sont évidemment ceux des personnes qui, les premières, ont employé ces végétaux comme remèdes. Quoi qu'il en soit, on sent que la matière médicale des Brésiliens, fondée sur le seul empirisme, doit être fort imparfaite. Cependant, parmi tant de plantes auxquelles on attribue faussement des propriétés merveilleuses, il en est qui incontestablement fournissent des remèdes trèsefficaces. S'il existait au Brésil un plus grand nombre d'hommes instruits, le gouvernement de ce pays ferait une chose extrêmement utile, en nommant dans chaque province une commission qui serait chargée de soumettre à un examen attentif toutes les plantes dont les colons font usage pour soulager leurs maux. Par ce moyen, on pourrait arriver à avoir pour les végétaux une matière médicale brésilienne, qui éclairerait les colons sur des remèdes insignifians ou dangereux, et qui, en même temps, ferait connaître aux nationaux et aux étrangers un grand nombre de végétaux salutaires. Un tel travail ne pourra se faire sans doute d'ici à de longues années. Puisse, en attendant, l'ouvrage que j'ai publié sur les plantes usuelles du Brésil' remplacer,

Plantes usuelles des Brésiliens, in-4° avee fig., à Paris, chez Grimbert et Dorez, rue de Savoie, no 14. Entre autres espèces intéressantes que j'ai signalées dans cet ouvrage, je ne

autant qu'il est possible, une matière médicale plus approfondie, et montrer aux Brésiliens le désir que j'avais de leur prouver ma vive reconnaissance par un travail qui pût leur être utile!

puis m'empêcher de rappeler les cinchona ferruginea, Vellozii et remijiana, le strychnos pseudo-quina, le solanum pseudoquina, le gomphrena macrocephala, l'evodia febrifuga, les exostema australe et cuspidatum, le richardsonia rosea, l'ionidium poaya, les spermacoce ferruginea et poaya, etc. On doit aussi à M. Bernardino Gomes (Mem. Acad. Lisb. 1812) la connaissance de quelques plantes employées par les Brésiliens dans les besoins de la vie. Je citerai encore les notes précicuses que M. Spix et Martius ont publiées sur des espèces médicinales du Brésil (Reis. I, p. 279, 543, 787). Ce sont de tels travaux qui honorent véritablement le botaniste, et je regrette amèrement que de tristes circonstances m'aient forcé d'interrompre ceux de ce genre que j'avais déjà commencés avec tant de zèle.

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