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CHAPITRE V.

TABLEAU GÉNÉRAL DE LA VÉGÉTATION DANS LA PROVINCE DES
COTON DE MINAS NOVAS.

MINES.

Réflexions générales sur la végétation primitive.

Tableau succinct

-Des

des diverses sortes de végétation dans la province des Mines. cription des catingas. Trois arbres remarquables. — Aspect des champs de cotonniers; culture de ces arbrisseaux; récolte du coton. Machine à presser le coton; bruacas. Usages du commerce relatif au coton. Loi pour empêcher la fraude.

A l'exception de quelques sommets élevés, il n'est peut-être pas en Allemagne, en Angleterre, en France, un seul coin de terre qui n'ait été bouleversé mille et mille fois; et partout la végétation primitive' a disparu. Les sombres forêts où le druide célébrait ses mystères ont fait place à de fertiles moissons; les coteaux, sur lesquels croissaient sans doute des buissons épineux, se sont revêtus de vignes taillées avec soin; et des marais fangeux, où naissaient en liberté les nénuphars, d'obscures naïades, des scirpes et des joncs, offrent aujourd'hui des carrés de légumes symétrique

Par végétation primitive, j'entends celle qui n'a été modifiée par aucun des travaux de l'homme.

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ment rangés. Nos bois mêmes, coupés à des intervalles réglés, sont devenus notre ouvrage, et nos prairies, sans cesse retournées par la charrue et ressemées par la main de l'homme, sont aussi artificielles que les pâturages auxquels il nous a plu de donner plus particulièrement ce nom. Au milieu de tant de bouleversemens combien d'espèces ont disparu! combien d'autres se sont introduites avec nos plantes potagères, avec nos céréales, et, étrangères comme elles, 'passent aujourd'hui pour indigènes ! Cependant, si l'on excepte quelques traits de détail, l'histoire des changemens de la végétation européenne restera toujours inconnue, parce qu'on n'a point observé les faits dont la série composerait cette histoire '.

Une vaste portion de l'Amérique méridionale a déjà changé de face; la fougère, le sapé remplacent des forêts gigantesques, et, dans des espaces immenses,

Il est clair que les événemens qui ont dû occasioner les modifications les plus notables dans la végétation de la France, sont: 1° la fondation de Marseille par les Phocéens; 2o la conquête de Jules César; 3 les grands encouragemens accordés à la culture de la vigne par l'empereur Probus; 4° la création de certains ordres religieux, et les immenses défrichemens qui en ont été la suite; 5o les croisades; 6o la découverte de l'Amérique; 7o les encouragemens donnés à l'agriculture par Henri IV et Sully; 8° enfin la révolution qui a conduit une foule d'hommes éclairés à s'occuper de la culture des terres, et qui, par le partage des communaux et la division des grandes propriétés, a amené de nouveaux défrichemens.

tous les végétaux semblent fuir devant le capim gordura. Des plantes de l'Europe, de l'Afrique' et de l'Amérique du nord suivent les pas de l'homme, et se répandent avec lui; d'autres s'introduiront probablement encore, et à mesure que notre race s'étendra sur la terre des Indiens, la végétation primitive disparaîtra comme eux. Il est important de constater ce qu'est cette végétation si brillante et si variée avant qu'elle soit détruite ; aussi suis-je souvent entré sur ce sujet dans des détails qui, s'ils ne sont pas aujourd'hui sans intérêt, deviendront bien plus intéressans encore, lorsqu'il faudra les considérer comme appartenant uniquement à l'histoire de notre globe et à celle de la géographie botanique.

Les différences de la végétation primitive sont tellement sensibles dans la province des Mines, qu'elles ont frappé les hommes les plus rustiques, et qu'ils les ont désignées par des noms particuliers. J'ai fait connaître un grand nombre de ces différences, à mesure qu'elles se sont présentées à moi; et il ne me reste plus à décrire que les campos parsemés d'arbres rabougris, et les catingas. Je vais bientôt parler de celles-ci avec détail; mais auparavant j'offrirai, dans un seul cadre, le tableau succinct des principales nuances de végétation qui existent dans le pays des Mines, et je suivrai

• La cucurbitacée à pétales caduques appelée erva de S. Caetano. (Voy. mon Mémoire sur les Cucurbitacées inséré dans ceux du Muséum.)

2 Datura stramonium, L.

TOME II.

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la classification même qui en a été faite par les habitans de cette province.

Toute la contrée se distingue en matos, bois, et campos, pays découvert. Ou les bois appartiennent à la végétation primitive, ou ils sont le résultat du travail des hommes. Les premiers sont les forêts vierges (matos virgens); les catingas, dont la végétation est moins vigoureuse que celle de ces dernières, et qui perdent leurs feuilles tous les ans ; les carrascos, espèce de forêts naines, composées d'arbrisseaux de trois ou quatre pieds rapprochés les uns des autres; enfin les carrasqueinos', qui, plus élevés que les carrascos, forment une sorte de transition entre eux et les catingas. C'est encore à la végétation primitive qu'il faut rapporter les capões, bois qui, comme des espèces d'oasis, s'élèvent dans les fonds, entourés de tous les côtés par des campos. Quant aux bois dus, au moins d'une manière médiate, aux travaux des hommes, ce sont les capoeiras qui succèdent aux plantations faites dans des forêts vierges, et les capoeirões qui peu à peu remplacent les capoeiras, lorsqu'on est un certain temps sans couper ces dernières.

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Le mot campo indique un terrain couvert d'herbes, si l'on veut, tout ce qui n'est ni bois vierge, ni

Le mot de carrasqueino a souvent une autre signification, et désigne, dans les pays de bois, les arbrisseaux qui succèdent aux forêts vierges nées dans un terrain d'une nature inférieure.

capoeira, ni capoeirão, ni catinga, ni carrasco, ni carrasqueino. Le campo est naturel (campo natural) quand il n'a jamais offert de forêts; il est, au contraire, artificiel, lorsque les herbes ont succédé aux bois détruits par les hommes. Souvent on voit dans les campos naturels des arbres tortueux, rabougris, épars çà et là; mais cette modification n'empêche pas les terrains qui la présentent de conserver leur nom de campos.

Celui de geraes pour pastos geraes (pâturages généraux) se donne aux espaces couverts d'herbes, lorsqu'ils ont une très-grande étendue, soit que ces herbes remplacent des bois vierges, comme du côté de Catas Altas, Villa do Principe, etc., soit que la terre n'ait jamais produit autre chose que des herbes seulement entremêlées de sous - arbrisseaux ou parsemées d'arbres rabougris. Quand on veut indiquer de vastes contrées couvertes de bois, on dit aussi matos geraes; mais il ne saurait y avoir de confusion avec les campos geraes, parce que le mot de matos ne se supprime jamais, lorsqu'il est question de bois 1.

Lorsqu'un morne se termine par une petite plaine, celle-ci, selon son étendue, s'appelle, comme je l'ai dit, taboleiro ou chapada, et, suivant que la vé

J'ai pour garant de ce que je dis ici sur le mot geraes M. Manoel Ferreira da Camara Bethancurt e Sá; cependant, lorsque j'ai entendu dire, dans les Minas Novas, as Geraes, je crois que l'on entendait par là, sans aucune distinction, l'ancien pays des Mines (as Minas Geraes).

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