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Italiens confondent quelquefois ces deux prétérits, les prenant l'un pour l'autre,

Le futur peut aussi recevoir les mêmes différences; car on peut avoir envie de marquer une chose qui doit arriver bientôt : ainsi nous voyons que les Grees ont leur paulapost-futur, per' onyov μéλawv, qui marque que la chose se va faire, ou qu'on la doit presque tenir comme faite, comme enroja, je m'en vas faire, voilà qui est fait; et l'on peut aussi marquer une chose comme devant arriver simplement, inca, je ferai; amabo, j'aimerai.

Voilà pour ce qui est des temps, considérés simplement dans leur nature de présent, de prétérit, et de futur.

Mais, parce qu'on a voulu aussi marquer chacun de ces temps, avec rapport à un autre, par un seul mot, de là est venu qu'on a encore inventé d'autres inflexions dans les verbes, qu'on peut appeler des temps composés dans le sens; et l'on en peut remarquer aussi trois.

Le premier est celui qui marque le passé avec rapport au présent, et on l'a nommé prétérit imparfait, parce qu'il ne marque pas la chose simplement et proprement comme faite, mais comme présente à l'égard d'une chose qui est déjà néanmoins passée. Ainsi, quand je dis, cùm intravit cœnabam, je soupais lorsqu'il est entré, l'action de souper est bien passée au regard du temps auquel je parle; mais je la marque comme présente au regard de la chose dont je parle, qui est l'entrée d'un tel.

Le deuxième temps composé est celui qui marque doublement le passé, et qui, à cause de cela, s'appelle plus-que-parfait, comme cœnaveram, j'avais soupé; par où je marque mon action de souper non seulement comme passée en soi, mais aussi comme passée à l'égard d'une autre chose qui est aussi passée; comme

quand je dis, j'avais soupé lorsqu'il est entré, ce qui marque que mon souper avait précédé cette entrée, qui est pourtant aussi passée.

Le troisième temps composé est celui qui marque l'avenir avec rapport au passé, savoir : le futur parfait, comme cœnavero, j'aurai soupe; par où je marque mon action de souper comme future en soi, et comme passée au regard d'une autre chose à venir, qui la doit suivre, comme, quand j'aurai soupé, il entrera : cela veut dire que mon souper, qui n'est pas encore venu, sera passé, lorsque son entrée, qui n'est pas encore venue, sera présente.

On aurait pu de même ajouter encore un quatrième temps composé, savoir, celui qui eût marqué l'avenir avec rapport au présent, pour faire autant de futurs composés, que de prétérits composés ; et peut-être que le deuxième futur des Grecs marquait cela dans son origine, d'où vient même qu'il conserve presque toujours la figurative du présent : néanmoins dans l'usage on l'a confondu avec le premier, en latin (même, on se sert pour cela du futur simple : cùm cœnabo intrabis, vous entrerez quand je souperai; par où je marque mon souper comme futur en soi, mais comme présent à l'égard de votre entrée.

Voilà ce qui a donné lieu aux diverses inflexions des verbes, pour marquer les divers temps; sur quoi il faut remarquer que les langues orientales n'ont que le passé et le futur, sans toutes les autres différences d'imparfait, de plus-que-parfait, etc., ce qui rend ces langues sujettes à beaucoup d'ambiguités qui ne se rencontrent point dans les autres.

CHAPITRE XVI.

Des divers Modes, ou Manières des Verbes.

Nous avons déjà dit que les verbes sont de ce genre de mots qui signifient la manière et la forme de nos pensées, dont la principale est l'affirmation; et nous avons aussi remarqué que les verbes reçoivent différentes inflexions, selon que l'affirmation regarde différentes personnes et différents temps. Mais les hommes ont trouvé qu'il était bon d'inventer encore d'autres inflexions, pour expliquer plus distinctement ce qui se passait dans leur esprit : car premièrement ils ont remarqué qu'outre les affirmations simples, comme, il aime, il aimait, il y en avait de conditionnées et de modifiées, comme, quoiqu'il aimát, quand il aimerait. Et pour mieux distinguer ces affirmations des autres, ils ont doublé les inflexions des mêmes temps, faisant servir les unes aux affirmations simples, comme aime, aimait, en réservant les autres pour les affirmations modifiées, comme aimât, aimerait: quoique ne demeurant pas fermes dans leurs règles, ils se servent quelquefois des inflexions simples pour marquer les affirmations modifiées et si vereor, pour et si verear; et c'est de ces dernières sortes d'inflexions que les Grammairiens ont fait leur Mode appelé subjonctif.

De plus, outre l'affirmation, l'action de notre volonté se peut prendre pour une manière de notre pensée; et les hommes ont eu besoin de faire entendre ce qu'ils voulaient, aussi bien que ce qu'ils pensaient. Or, nous

pouvons vouloir une chose en plusieurs manières, dont on en peut considérer trois comme les principales.

1. Nous voulons des choses qui ne dépendent pas de nous, et alors nous ne les voulons que par un simple souhait : ce qui s'explique en latin par la particule utinam, et en la nôtre par plût à Dieu. Quelques langues, comme la grecque, ont inventé des inflexions particulières pour cela; ce qui a donné lieu aux Grammairiens de les appeler le Mode optatif : et il y en a dans notre langue et dans l'espagnole et l'italienne, qui s'y peuvent rapporter, puisqu'il y a des temps qui sont triples. Mais en latin, les mêmes inflexions servent pour le subjonetif et pour l'optatif: et c'est pourquoi on a fait fort bien de retrancher ce mode des conjugaisons latines, puisque ce n'est pas seulement la manière différente de signifier (qui peut être fort multipliée), mais les diffé→ rentes inflexions, qui doivent faire les modes.

2. Nous voulons encore d'une autre sorte, lorsque nous nous contentons d'accorder une chose, quoiqu'absolument nous ne la voulussions pas; comme quand Térence dit, profundat, perdat, pereat; qu'il dépense, qu'il perde, qu'il périsse, etc. Les hommes auraient pu inventer une inflexion pour marquer ce mouvement, aussi bien qu'ils en ont inventé en grec pour marquer le simple désir; mais ils ne l'ont pas fait, et ils se servent pour cela du subjonctif; et en français, nous y ajoutons que : qu'il dépense, etc. Quelques Grammairiens ont appelé ceci : modus potentialis, ou modus concessivus.

- 3. La troisième sorte de vouloir est quand, ce que nous voulons dépendant d'une personne de qui nous pouvons l'obtenir, nous lui signifions la volonté que nous avons qu'il le fasse. C'est le mouvement que nous avons quand nous commandons, ou que nous prions : c'est pour marquer ce mouvement qu'on a inventé le

mode qu'on appelle impératif, qui n'a point de première personne, surtout au singulier, parce qu'on ne se commande point proprement à soi-même; ni de troisième en plusieurs langues, parce qu'on ne commande proprement qu'à ceux à qui on s'adresse, et à qui on parle. Et parce que le commandement ou la prière qui s'y rapporte, se fait toujours au regard de l'avenir, il arrive de là que l'impératif et le futur se prennent souvent l'un pour l'autre, surtout en hébreu, comme, non occides, vous ne tuerez point, pour ne tuez point. D'où vient que quelques Grammairiens ont mis l'impératif au nombre des futurs.

De tous ces modes dont nous venons de parler, les langues orientales n'ont que ce dernier, qui est l'impératif; et au contraire, les langues vulgaires n'ont point d'inflexion particulière pour l'impératif; mais ce que nous faisons en français pour le marquer, est de prendre la seconde personne du pluriel, et même la première, sans pronoms qui les précèdent. Ainsi, vous aimez, est une simple affirmation; aimez, un impératif; nous aimons, affirmation; aimons, impératif. Mais quand on commande par le singulier, ce qui est fort rare, on ne prend pas la seconde personne, tu aimes, mais la première, aime.

REMARQUES.

Puisqu'on n'a multiplié les temps et les modes des verbes que pour mettre plus de précision dans le discours, je me permettrai une observation qui ne se trouve dans aucune Grammaire sur la distinction qu'on devrait faire, et que peu d'écrivains font du temps continu et du temps passager, lorsqu'une action est dépendante d'une autre. Il y a des occasions où le temps présent serait préférable à l'imparfait qu'on em→ ploie communément. Je vais me faire entendre par des exemples: on m'a dit que le roi était parti pour Fontainebleau,

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