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en personnifiques, topographiques et chorographiques: Mars, Meudon, France. »

Faire du substantif et de l'adjectif deux parties d'oraison différentes, les séparer même par le traité du pronom, est-ce là poser de vrais principes?

Comme tout adjectif uniquement employé pour qualifier, est nécessairement uni à son substantif, pour ne faire avec lui qu'un seul et même sujet du verbe, ou qu'un seul et même régime, soit du verbe, soit de la préposition; comme on ne conçoit pas qu'une substance puisse exister dans la nature sans être revêtue d'un mode ou d'une propriété; comme la propriété est ce qui est conçu dans la substance, ce qui ne peut subsister sans elle, ce qui la détermine à être d'une certaine façon, ce qui la fait nommer tele; un grammairien vraiment logicien voit que l'adjectif n'est qu'une même chose avec le substantif, que par conséquent ils ne doivent faire qu'une seule et même partie d'oraison, que le nom est un mot géné– rique, qui a sous lui deux sortes de noms, savoir, le substantif et l'adjectif.

On sera peut-être bien aise de savoir ce qu'on doit entendre par ces termes, appellatifs, généraux ou génériques, individuels, etc. Je vais tâcher de les expliquer d'après M. Du Marsais (1).

<< Il n'y a en ce monde, dit-il, que des êtres particuliers : le soleil, la lune, cette pierre, ce diamant, ce chien, etc. On a observé que ces êtres particuliers se ressemblaient entre eux par rapport à certaines qualités : on leur a donné un nom commun à cause de ces qualités communes entre eux. Ces êtres qui végètent, c'est-à-dire, qui prennent nourriture et accroissement par leurs racines, qui ont un tronc, qui poussent des branches et des feuilles, et qui portent des fruits ; chacun de ces êtres, dis-je, est appelé d'un nom commun arbre: ainsi arbre est un nom appellatif, ou général, du latin appellativus, appellare.

« Le nom appellatif est opposé au nom propre ou individuel. Un tel arbre, ce noyer qui est devant mes fenêtres, est un individu d'arbre, c'est-à-dire, un arbre particulier. J'en dis de

(1) Voyez le mot appellatif dans l'Encyclopédie.

même de ce figuier, de cet amandier, etc.: comme ils se ressemblent entre eux par des qualités qui leur sont communes, générales, je puis donc les appeler du nom commun d'arbre. On les nomme appellatifs à cause de cette appellation commune aux individus de différentes ou de mêmes espèces.

«< Animal est un nom appellatif qui convient à tous les individus de différentes espèces; car je puis dire ce chien est un animal bien caressant, cet éléphant est un gros animal, etc. On appelle, à cause de cela, animal nom de genre; mais chien, éléphant, lion, cheval, etc., sont des noms d'espèces.

« Les noms de genre ou génériques peuvent devenir noms d'espèces, si on les renferme sous des noms plus étendus, plus généraux, par exemple, si je dis que l'arbre est un être ou une substance, et que l'animal est une substance. De même le nom d'espèce peut devenir nom de genre, s'il peut être dit des diverses sortes d'individus subordonnés à ce nom, par exemple, chien sera un nom d'espèce par rapport à animal; mais chien deviendra nom de genre par rapport aux différentes espèces de chiens, tels que dogues, épagneuls, etc. Comme les noms substantifs et les noms adjectifs sont susceptibles de nombres, et que les noms de nombres sont ou substantifs, ou adjectifs, on ne doit pas faire une partie d'oraison particulière des nombres ; il est plus naturel d'en parler à l'occasion des noms, comme fait la Grammaire générale, la Grammaire de Regnier, etc. >>

Selon le P. Buffier (1), « il y a des adjectifs de nombre, savoir, un, deux, trois, etc.; car c'est une pure circonstance ou qualité de l'objet d'être en tel ou tel nombre : mais si l'on dit quatre est la moitié de huit, quatre est alors substantif, parce qu'un même mot peut être adjectif ou substantif, mais sous différents regards. »

M. l'abbé Girard (2) reconnaît qu'il y a des adjectifs numéraux qui qualifient par un attribut d'ordre numéral; et il avoue même (3) qu'il a eu envie de renvoyer les nombres collectifs à l'espèce des substantifs, parce qu'ils énoncent

(1) N° 94.

(2) Tome I, page 367. (3) Tome II page 178.

en forme de dénomination. De son propre aveu, il est done inutile de faire du nombre une nouvelle partie d'oraison. D'ailleurs, comme en comparaison des autres discours celui des nombres est extrêmement court, M. l'abbé Girard aurait pu le faire d'une longueur plus raisonnable, en y insérant des choses essentielles qu'il a oubliées, entre autres la façon singulière dont nous nous exprimons sur les nombres.

Après vingt, trente, quarante, cinquante, nous mettons toujours et avant un: nous disons vingt et un chevaux, trente et un, quarante et un, cinquante et un, soixante et un, mais nous ne disons pas vingt et deux, vingt et trois; il faut cependant y faire sentir le t final comme s'il était suivi d'un e muet, et prononcer vingte-deux, vingte-trois. Nous disons soixante et deux, soixante et trois, ainsi de suite jusqu'à quatre-vingts, après quoi nous rejetons absolument et; car nous disons quatre-vingt-un, quatre-vingt-onze, etc., (qui se prononcent sans faire sentir le t final) (1). Serait-il impossible de supprimer cet et si inutile, et de rendre notre langue plus analogue? Si de bons auteurs voulaient donner Pexemple, ils seraient peut-être suivis peu à peu. Les joueurs de piquet s'accommoderaient les premiers de cette expression, car ils aiment à compter soixante. L'omission de et après ce nombre serait une petite peine épargnée : plusieurs prennent cette liberté.

Quelle bizarrerie encore dans la façon de compter nos livres et nos franes! Nous ne saurions dire deux francs, trois francs, cinq francs, et nous disons quatre franes, six franes, sept francs, etc. Il faudrait abolir le mot de franc, ou plutôt le mot de livre, pour venir à bout d'ôter ce radotage de notre idiotisme. Une grosse ou douze douzaines, la dîme, les décimes et le dixième, sont autant de mots qui pourraient fournir quelques réflexions, etc.

(1) Voyez Jugements, tome II, page 163.

CHAPITRE V.

Des Genres.

La Touche reproche à l'abbé Regnier (1) de n'avoir point donné des règles pour connaître le genre des noms. Cependant cet académicien, après avoir dit (2) que le genre est ce qui distingue un nom d'avec un autre, par rapport à la différence que la nature a établie entre les deux sexes, entre le mâle et la femelle, et que selon cette idée l'un de ces genres est appelé masculin, et l'autre féminin, ce savant académicien (3) fait un article particulier, t° du genre des noms en général, 2o de la marque du genre des adjectifs, 3° enfin de la marque des adjectifs féminins. Ces règles ont une juste étendue, et paraissent préférables à tout le fatras de La Touche, copié par M. l'abbé Vallart, que l'on traite comme auteur dans les Jugements (4), et à qui l'on attribue sur les noms des remarques utiles, qui donnent, dit-on, beaucoup de prix à son livre. Mais si ces remarques, dans la source même où on les a puisées, ne roulent que sur une foule de règles difficiles, suivies d'exceptions encore plus nombreuses et plus embarrassantes, qui surchargent le livre de l'original, comment pourront-elles donner beaucoup de prix au livre du copiste? Au reste, les recherches sur le genre ne doivent point paraître si étonnantes : les classes nombreuses qui partagent les noms masculins et féminins, ces tables qui, dit-on, sont fort bonnes, pourtant un peu trop décisives, et quelquefois opposées à nos auteurs classiques, n'ont pas dû coûter beaucoup à M. l'abbé Vallart, puisque La Touche en avait fait avant lui tous les frais.

«

Å-t-on jamais pensé à donner des règles pour les noms

(1) Préface.

(2) Page 141:

(3) Page 205;

(4) Tome II, page 158.

et masculins et féminins de la langue grecque et de la latine, dit l'auteur des Jugements? Il n'y a que Jean Despautère qui ait construit sur les genres, des règles en vers techniques latins (1), dont on ne fait plus aucun usage dans les collèges. »

Nous pouvons répondre que MM. de Port-Royal, dans la Méthode grecque et dans la latine, ont donné en vers techniques français, des règles pour les noms et masculins et féminins de ces deux langues.

Le P. Buffier dit (2), sans marquer aucune exception, que les adjectifs terminés en eur changent au féminin r final en se, railleur, railleuse, etc. M. l'abbé Vallart (3) s'applaudit beaucoup d'avoir donné des exceptions à cette règle, et l'auteur des Jugements (4) emploie une page tout entière à l'en féliciter; mais, selon La Touche (5), l'abbé Regnier (6), et M. Restaut (7), il y a des adjectifs en eur qui font leur féminin en eresse, pécheur, pécheresse, etc.; quelques-uns en teur le font en trice, acteur, actrice, etc,; quelques autres le forment par l'addition d'un e muet, meilleur, meilleure; d'autres enfin n'ont pas de féminin, comme auteur, vainqueur. Puisque ce qui avait échappé au P. Buffier avait été exprimé par d'autres, de quoi M. l'abbé Vallart avait-il à s'applaudir, et quel sujet avait-on de le tant féliciter?

M. Du Marsais a oublié de parler de cette sorte d'adjectifs dans l'Encyclopédie (8).

« Selon M. l'abbé Girard (9), la distinction du mâle et de la femelle a introduit pour les mots deux genres, le masculin et le féminin. Ils sont, dit-il, du premier genre lorsqu'ils expriment la chose avec un rapport au mâle, ou comme étant de ce premier sexe; et ils sont du second genre lorsqu'ils expriment la chose avec un rapport à la femelle, ou comme

(1) téxvn, art, adresse d'esprit, technique ou artificielle. (2) No 351.

(3) Préface, page 10.

(4) Tome II, page 162.

(5) Page 126.

(6) Page 214.

(7) Page 49.

(8) Tome I, page 136. (9) Tome I, page 160.

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