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uno, una, au singulier, et disent unos hombres, unas mugeres, au pluriel, dans le même sens que nous disons des hommes, des femmes. Une autre raison qui semble encore exclure un, une, du rang des articles, c'est qu'en bien des phrases on serait presqu'aussi fondé à recevoir pour articles indéfinis tout, quelque, certain, plusieurs, puisque l'on dit, tout crime Emérite la mort, comme l'on dit, un crime mérite la mort.

Que le mot un soit article ou non, dit le P. Buffier (1), au lieu d'en disputer inutilement, il suffit de dire qu'il est usité en manière d'article, etc.

M. l'abbé Girard (2) soutient que dans cette phrase, un homme d'esprit ne se laisse pas attraper deux fois, un a une valeur bien différente de celle de l'article; cependant cette expression, l'homme d'esprit, équivaut à celle-ci, un homme d'esprit, et forme le même sens. Le mot le, ainsi que le mot un, fait un extrait dans la totalité de l'espèce, en réduisant la dénomination à un individu : par conséquent un et le expriment tous deux une espèce d'unité vague et purement ségrégative, qui prend indistinctement dans la totalité de l'espêce un individu comme exemple, pour présenter cette totalité par un des sujets qui la composent, et non pour exclure les autres.

Quand un exprime une unité certaine et calculative, qui présente une idée numérale, et fixe la dénomination à un sujet unique, avec exclusion de tous les autres, alors un est un nom de nombre; il n'est pas article, mais il peut être accompagné de l'article. Exemples: de ces deux réflexions, l'une est bonne, l'autre est mauvaise; de tous ces principes, les uns sont vrais, les autres ou quelques-uns sont faux; parmi ces maximes, les unes sont utiles et les autres pernicieuses.

Les latins ont dit au pluriel uni, unœ: ex unis geminas mihi conficiet nuptias; aderit una in unis ædibus. Et au singulier: quis est is homo ? unus-ne amator (3)? quel est cet homme? est-ce un amoureux? Hic est unus servus violentissimus (4), c'est un esclave très violent; sicut unus patcr fami

(1) N° 345.

(2) Tome I, page 200.
(3) Téren., Andr., Eun.
(4) Plaut., Truc.

liás (1), comme un père de famillé; qui variare cupit rem prodigaliter unam (2); celui qui veut embellir un sujet, unam rem, en y faisant entrer du merveilleux.

Les Grammairiens, dit M. Du Marsais, ont appelé articles, certains petits mots qui ne figurent rïen de physique, qui sont identifiés avec ceux devant lesquels on les place, et qui les font prendre dans une acception particulière.

Les prénoms ou adjectifs prépositifs, indicatifs, démonstratifs et métaphysiques, qui marquent, non des qualités réelles des objets, mais seulement des points de vue de l'esprit, ou des faces différentes sous lesquelles l'esprit considère le même mot, sont tout, chaque, nul, aucun, quelque, certain (dans le sens de quidam), un, ce, cet, cette, ces, le, la, les, auxquels on peut joindre encore les pronoms de la troisième personne, is, hic, ille, iste, et les adjectifs possessifs tirés des pronoms personnels; tels sont mon, ma, mes, et les noms de nombre cardinal, un, deux, trois, etc.

Le, la, les sont des adjectifs, puisqu'ils modifient leur substantif, et qu'ils le font prendre dans une acception particuliére, individuelle et personnelle; ce sont des adjectifs métaphysiques, puisqu'ils marquent, non des qualités physiques, mais une simple vue particulière de l'esprit.

M. l'abbé d'Olivet met le, la, les au rang des pronoms: la vertu est aimable, aimez-la. Selon M. Du Marsais, le premier la est adjectif métaphysique, ou, comme on dit, article; il précède son substantif vertu, il personifie la vertu, il la fait regarder comme un individu métaphysique; mais le second la, qui est après aimez, rappelle la vertu, c'est pour cela qu'il est pronom et qu'il va tout seul; alors la vient de illam, elle, aimez-la, suppléez vertu, qui est sous-entendu ; par conséquent le, la les sont toujours adjectifs métaphysiques, ou, comme dit M. l'abbé d'Olivet, pronoms adjectifs, et partout de même nature.

Le, la, les sont articles simples; du, au, des, aux sont articles composés. M. l'abbé Girard assure qu'il a entendu dire aux paysans de la lisière du Bourbonnais et de l'Auvergne,

(1) Cic., Orator. 1.

(2) Horat. Art. poët.

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voilà bien de les feuilles, c'est bien le cas de les chèvres pour des feuilles, des chèvres. Le P. Buffier a remarqué qu'en Artois et en Picardie, où subsiste encore une partie du vieux français on dit de le mien, à le mien, pour du mien, au mien.

On lit dans Villehardouin, traduit par Vigenère, al temps Innocent III, au temps d'Innocent III; l'apostoile mandu al prodome, le pape envoya au prud'homme; la fins d'el Conseil si fut tels, l'arrêté du Conseil fut; Gervaise d'el Castel, Gervais du Castel.

Les Espagnols disent, lo bueno, le bien, de lo bueno, de le bien, a lo bueno, à le bien; pluriel, los buenos, les biens, a los buenos, de les biens, a los buenos, à les biens. La mano, la main, de la mano, de la main, a la mano, à la main; plu→

riel, las manos, les mains, de las manos, de les mains, a las

manos, à les mains; el ojo, l'œil, d'el ojo, al ojo, los ojos, les yeux; el alma, l'âme, d'el alma, al alma, las almas, les âmes, se déclinent au pluriel comme les noms précédents.

M. Fabbé Antonini, dans sa Grammaire, qui n'est pas à beauconp près ni aussi pratique, ni aussi raisonnée qu'il se l'imagine, dit que les Anglais n'ont point d'article; et cependant the chez eux est article de tous les genres et de tous les nombres: the king, le roi; of the king, de le roi; to the king, Mà le roi; the king, le roi; o king, ô roi; from the king, de le roi. Pour le pluriel, on ajoute seulement s à king: the kinhs, les rois; of the kings, de les rois; to the kings, à les rois ; from the kings, de les rois; the queen, la reine; the queens, les reines; the emperor, l'empereur; the emperors, les empereurs. NOTA. The man, l'homme; (the men, les hommes), the woman, la femme (the women, les femmes), changent a en e pour former leur pluriel, au lieu de prendre s, etc. Of, to et from sont trois prépositions qui, avec l'article the, servent à exprimer les mêmes rapports que le génitif, le datif et l'ablatif des latins.

Selon M. Restaut (1), le génitif ou ablatif des articles partitifs se forme par la simple addition de la marque du génitif, qui est de.

(1) Pages 74 et 77.

1o Comme de en français, dans le sens de ce Grammairien, n'est pas plus la marque du génitif que de l'ablatif, voici, ce me semble, comme il aurait dû s'exprimer : « Le génitif ou l'ablatif des articles partitifs se forme par la simple addition du mot de, qui est la nature de ces cas. »

2o La règle que M. Restaut veut établir ici, est manisfestement fausse; car, de son propre aveu, on a dit et on dit au génitif, comme à l'ablatif, de pain, de viande, de bon pain, de bonne viande, d'esprit, d'eau, d'honneurs; voilà l'usage constant. On n'a jamais dit de du pain, de de la viande, de de bon pain, de de bonne viande, de de l'esprit, de de l'eau, de des honneurs; on n'a donc jamais été dans le cas de faire une contraction absurde et chimérique, pour éviter la prétendue rudesse d'une prononciation barbare qui n'est qu'imaginaire, puisqu'elle n'a jamais été usitée. Le génitif et l'ablatif des articles partitifs ne se forment donc point par l'addition d'un double de.

L'erreur de M. Restaut a sans doute été occasionnée par la page 68 de la Grammaire raisonnée (1). Pour bien juger de cette remarque, il faut se rappeler ce qui est dit 1° pages 58 et 66 (2): « La langue française n'a pas proprement de cas ni dans les noms, ni dans les articles; » 2o page 68 (3): « de et à sont non seulement des marques du génitif et du datif, mais aussi des prépositions qui servent encore à d'autres rapports; » c'est-à-dire que de et à, avec leur régime, servent non seulement aux rapports marqués en latin par le génitif et le datif, mais encore à d'autres rapports exprimés par des prépositions suivies de leur complément; car, quand on dit, il est sorti de la ville; il est allé ou il demeure à la campagne, de ne marque pas le même rapport que le génitif, mais il exprime le même rapport que l'une des prépositions de, ab, ex, énoncée ou sous-entendue: egressus est de, ab, ex urbe; à ne marque pas le même rapport que le datif, mais il exprime le même rapport que la préposition ad ou in, énoncée ou sous-entendue, abiit ad, ou in villam, manet in villá.

(1) Présente édition.

(2) Ibid. (3) Ibid.

Puisque les noms et les articles français n'ont point de cas, le mot un, pris comme nom ou comme article, n'a donc point de cas il paraît donc fort inutile de prendre tant de peine pour expliquer de quelle manière devraient se former des cas qui n'existent point en notre langue : Grammatico non tam despiciendum quid potuit fieri, quàm quod factum sit, dit Vossius (1).

dit

Quand l'usage a mis de la différence entre les choses, fort bien M. l'abbé Girard (2), l'une ne peut être la règle de l'autre. Le mot un n'a pas de pluriel formé de lui-même, des ou de est pris d'ailleurs : il n'y a donc ici aucune analogie, et on ne devrait point y en chercher.

Comme de et à ne sont que des prépositions qui servent à indiquer (3), non divers cas, mais divers rapports; comme la diversité des cas latins s'exprime en français (4), soit par le seul arrangement des termes, soit par le sens qui résulte de leur assemblage, il faut examiner, non les cas, mais les rapports exprimés par de et à; nous reconnaîtrons alors que la raison eût été choquée autant que l'oreille, si l'on eût dit : la punition de des crimes horribles; il est accusé de de grands crimes.

Dans le premier exemple, j'ai substitué ces mots la punition à ceux-ci il est accusé, parce que, comme il s'agit de la formation du génitif, ce n'est qu'à la suite d'un nom substantif ou de l'équivalent que de peut être la marque du génitif, dans le système de Port-Royal et de M. Restaut; car à la suite du verbe accuser, de doit être la marque de l'ablatif. Au second exemple, j'ai laissé les mots il est accusé, afin que l'on trouve un modèle des deux prétendus cas.

L'Ancien que Port-Royal cite en cet endroit, est Cicéron, qui, dans son Traité intitulé Orator, dit (5) : impetratum est (non à ratione, mais) à consuetudine, ut peccare suavitatis causâ liceret: on a obtenu de l'usage (6) qu'il fût permis de

(1) De Art. gram., livre V, chapitre II.

(2) Tome II, page 219.

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