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faire un solecisme pour adoucir la prononciation, pour flatter l'oreille.

La Grammaire générale et raisonnée dit (1) que des est quelquefois génitif pluriel de l'article le, et quelquefois nominatif, accusatif, ablatif ou datif du pluriel de l'article un. Il ne manque donc au mot des que d'être vocatif pour marquer tous les cas. N'est-ce pas là indiquer bien nettement l'usage que l'on doit faire de la préposition de, incorporée avec Particle le, la, les-P

Il faut convenir que le docte Lancelot a répandu ici et ailJeurs, sur les idées du savant Arnauld, une obscurité qui est inconcevable, et qui paraît incompatible avec tant de principes lumineux dont ce petit livre est rempli.

CHAPITRE VIII.

Des Pronoms:

Individua substantia (ut physicè dicamus) meliùs et peculariùs explicatur per tria hæc pronomina, ego, tu, ille, quàm per nomina propria. Cùm enim dico, ego, nominem alium poteris intelligere. At cùm dico, Franciscus, etiam in alium potest transmitti intellectus (2).

On spécifie plus proprement chaque individu par les pronoms que par quelque nom que ce soit, parce que, lorsque je dis, par exemple, moi, il est impossible qu'on entende aucune autre personne.

Dans les discours où les personnes et les choses sont considérées comme présentes, elles peuvent être directement désignées par les pronoms. Lorsque je dis à quelqu'un je vous prie, donnez-moi cela, il est certain que les pronoms je, vous, moi, cela, désignent, marquent alors par eux-mêmes (3) la personne qui parle, celle à qui l'on parle, et

(1) Présente édition, page 69.
(2) F. Sanctii Minerva, page 15.
(3) Regnier, pages 226 et 229.

la chose que l'on demande : donc, en ce cas-là, on ne peut pas dire qu'ils soient mis à la place du nom.

<< Le pronom n'est qu'un vice-gérant, dont le devoir consiste à figurer à la place d'un autre, et à remplir les fonctions de substitut; les pronoms ne sont pas des dénominations précises, ils ne présentent point d'images décidées, leur propre valeur n'est qu'un renouvellement d'idées qui désigne sans peindre, dit M. l'abbé Girard (1).. »

A cela, M. Du Marsais oppose que le pronom est quelque chose de plus qu'un vice-gérant, dont le devoir consiste à figurer à la place d'un autre ; car c'est souvent par le pronom que commence le discours, en français comme en latin : ille ego, astego, etc. ; je soussigné un tel, certifie, reconnais, etc.; moi le Roi, io el Re, ainsi signe le roi d'Espagne.

D'ailleurs, en bien des occasions, mettez le nom même à la place de ce prétendu vice-gérant, et vous verrez qu'il s'en faut bien qu'alors le nom exprime toute l'idée, tout le point de vue de l'esprit, et tout le sentiment de celui qui parle.

Qui, moi, j'aurais voulu, honteuse, méprisée,

D'un peuple qui me hait,, soutenir la risée!

J'ai voulu, elc.

Mettez le nom à la place du vice-gérant, ce que vous perdrez du fond même de la pensée et de l'énergie vous fera voir que le pronom est quelque chose de plus qu'un simple substitut. Ce n'est donc pas donner une juste idée des pronoms, que de dire simplement qu'ils se mettent à la place du nom. Selon cette définition, tous les mots dans un sens figuré seraient autant de pronoms : ainsi, quand on dit cent voiles pour cent vaisseaux, voiles serait un pronom ; et quand les auteursdisent Cérés pour le pain, Bacchus pour le vin, Vulcain pour le feu, Jupiter pour l'air, etc., Cérès, Bacchus, Vulcain et Jupiter, seraient autant de pronoms. Il est donc vrai que les pronoms sont les dénominations précises des personnes, et qu'ils ne consistent pas simplement dans un renouvellement d'idées. «Souvent, dit l'abbé Regnier (2), les pronoms spéci

(1) Tome I, pages 47 et 283.

(2) Page 228.

fient bien précisément les personnes ; les pronoms personnels ne désignent pas simplement les dénominations, ne se mettent pas simplement au lieu du nom, mais ils désignent, ils marquent la personne même, ils se mettent au lieu de la personne même. » Le pronom sert donc quelquefois à marquer par lui-même une personne ou une chose; mais son usage le plus ordinaire est de servir à la place du nom d'une personne ou d'une chose, et alors il a toujours la même signification que le nom au lieu duquel on l'emploie.

Qui, quiconque, celui, ne tiennent jamais seuls la place du nom: chacun d'eux n'exprime pas de lui-même un objet déterminé dont on puisse rien affirmer, à moins qu'ils ne soient accompagnés de quelqu'autre mot, et surtout d'un verbe; par exemple: celui qui travaille mérite récompense, ou qui'conque fait du mal en reçoit. Le P. Buffier appelle ces sortes de pronoms, qui n'expriment l'objet qu'en partie, pronoms incomplets, pour les distinguer des pronoms qui expriment entièrement un objet, tels que moi, vous, lui, celui-ci (1). <<< Tous les mots, dit-il, qui marquent simplement un sujet dont on peut affirmer quelque chose, sont des noms. Outre le nom particulier que chacun porte, et par lequel on le désigne, il s'en donne un autre plus commun quand il parle lui-même de soi, et ce nom en français est moi ou je. Les noms plus communs moi, vous, lui, sont appelés pronoms, parce qu'ils s'emploient pour les noms particuliers et en leur place. »

M. l'abbé Girard (2), pour expliquer la syntaxe des pronoms démonstratifs celui-ci et celui-là, donne en exemple la phrase suivante:

Léon X et François Ier se firent par le Concordat chacun un beau présent: mais celui-ci demanda ce qu'il pouvait prendre, et celui-là obtint ce qu'il ne pouvait demander.

Le pronom réciproque est celui qui s'emploie avec les verbes qui signifient l'action de deux ou de plusieurs sujets qui agissent les uns sur les autres réciproquement, comme

(1) N° 82 et S6.

(2) Tome 1, page 342.

dans ces phrases: Pierre et Paul s'aiment l'un l'autre, Jacques et Jean se battent ensemble.

Mais dans les phrases où le sujet qui agit, agit sur luimême, comme Pierre s'aime, Caton s'est tué, le pronom que l'on joint au verbe doit être appelé pronom réfléchi. Ce que M. Restaut dit à ce sujet mérite d'être lu, aussi bien que ce qu'il dit sur chacun des autres pronoms en particulier.

A l'occasion de la table des pronoms, nous allons ajouter quelques remarques à celles de Port-Royal (1).

<< Il est vrai, dit l'abbé Regnier (2), que le datif et l'accusatif du pronom il, se mettent ordinairement après les verbes qui sont à l'impératif; mais ils ne s'y mettent pas toujours, car on peut parler à l'impératif, ou en commandant, ou en défendant, c'est-à-dire, ou sans négation, comme quand on dit, allez, ou avec négation, comme quand on dit, n'allez pas. Or, ces trois phrases, dites-lui, menez-le, conduisez-la, sont bonnes, parce qu'elles expriment un commandement sans négation; mais dès qu'on joint la négation au verbe pour exprimer une défense, la situation du pronom change, et il faut s'exprimer ainsi : ne lui dites pas, ne le menex pas, ne la conduisez pas.

<< De plus, dans la première sorte d'impératif, on peut encore, si l'on veut, mettre le datif et l'accusatif du pronom avant le verbe, quand cet impératif en suit un autre, et s'y trouve joint avec une particule conjonctive ou disjonctive, comme: allez la quérir et la conduisez, allez la trouver ou lui mandez. Les mots en et y suivent la même forme de construction, ils se mettent toujours après un impératif simple, prenez-en, allez-y; ils peuvent se mettre devant ou après un second impératif, allez-là et y demeurez, choisissez des étoffes et en apportez, quoiqu'il soit plus ordinaire de dire, demeurez-y, apportez-en. Mais dès que l'impératif est précédé d'une négation, alors en et y se mettent toujours devant le verbe, n'en prenez pas, n'y allez pas, etc. »

Le même abbé Regnier (3) avoue que se ne se dit jamais

(1) Présente édition, page 81.

(2) Page 242, etc.

(3) Page 241.

qu'avant le verbe, mais il soutient qu'il y a une occasion où me et te ne se mettent jamais qu'après le verbe qui les régit; c'est lorsqu'après ce verbe employé à l'impératif sans négation, me et te sont suivis du mot en, devant lequel ils perdent deur voyelle, et prennent une apostrophe, comme dans les exemples suivants: parlez-m'en, donnez-m’en, réjouis-ten, afflige-t'en, et dans une infinité d'autres façons de parler pareilles, qui sont constamment employées. Puisque moi et toi ne peuvent souffrir suppression de voyelle, ni prendre d'apostrophe, ce sont nécessairement me et de dont il faut se servir. Cela étant, la raison alléguée contre M. de Vaugelas, que menez-m'y n'est pas français, parce que menez-me ne l'est pas, devient nulle; car si elle était vraie, on ne pourrait pas dire, faites-m'en part, donnez-m'en, parce qu'on ne dit pas faites-me, donnez-me. Si on veut rechercher pourquoi me, suivi de en, se met après le verbe, et pourquoi il ne s'y met pas, suivi de y, on trouvera que c'est moins pour éviter la cacophonie que pour suivre le caprice de l'usage, qui permet de dire, il m'y a mené, et qui ne veut pas qu'on dise menezm'y; il faut dire menez-moi là.

Il y a une autre occasion où me et te, joints au mot en, se mettent devant le verbe à l'impératif; c'est quand ce verbe est précédé d'une négation, comme: ne me quittez pas, ne m'en parlez pas, ne te désiste pas, etc.

Selon M. l'abbé d'Olivet, il n'y a qu'un cas où me doive être mis après le verbe dans les propositions affirmatives; c'est quand il est suivi de en, parlez-m'en; car dans les négatives, me va toujours devant le verbe, ne m'en parlez pas. Ce dernier académicien 'n'avait qu'à dire aussi de te ce qu'il a dit de me et sa réflexion eût été tout-à-fait semblable à celle du premier.

M. Restaut (4) et M. Vallart (2) paraissent adopter l'erreur de la Grammaire raisonnée, l'un en disant que me, te, se, prennent l'apostrophe avant les verbes, et l'autre en avançant que me et te se mettent après les impératifs.

Si l'un et l'autre avaient fait attention à la remarque de

(1) Page 518.

(2) Page 162.

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