Imágenes de páginas
PDF
EPUB

329 du sens individuel et défini, qui seul admet l'article, et du sens spécifique indéfini et qualificatif, qui n'est jamais précédé de l'article.

<< Telle est la justesse d'esprit et la précision que nous demandons dans ceux qui veulent écrire en notre langue, et même dans ceux qui la parlent. Ainsi, on dit absolument dans un sens indéfini : se donner en spectacle, avoir peur, avoir pitié, un esprit de parti, un esprit d'erreur. On ne doit donc point ajouter ensuite à ces substantifs pris dans un sens général, des adjectifs qui les supposeraient dans un sens fini, et en feraient des individus métaphysiques. On ne doit donc point dire se donner en spectacle funeste, ni un esprit d'erreur fatale, de sécurité téméraire, ni avoir peur terrible. On dit pourtant avoir grand peur, parce qu'alors cet adjectif grand, qui précède son substantif, et qui perd même ici sa terminaison féminine, ne fait qu'un même mot avec peur, comme dans grand messe, grand mère. Par le même principe, le P. Sanadon n'a pas parlé exactement quand il a dit (1): Octavien déclare en plein Sénat qu'il veut lui remettre le gouvernement de la République. En plein Sénat est une circonstance de lieu, c'est une sorte d'expression adverbiale, où Sénat ne se présente pas sous l'idée d'un être personnifié ; c'est cependant cette idée que suppose lui remettre. Il fallait dire : Octavien déclare au Sénat assemblé qu'il veut lui remettre, etc., ou prendre quelque autre tour. »

La règle de logique très-véritable que nous propose la Grammaire raisonnée (2), signifie que c'est proprement le sujet qui détermine l'extension de l'attribut dans les propositions affirmatives. Ainsi ce raisonnement: l'homme est animal, le singe est animal, donc le singe est homme, est un raisonnement faux, parce que les deux divers sujets, homme et singe, déterminent l'attribut animal (3) à signifier deux diverses sortes d'animaux; savoir: l'animal raisonnable et l'animal irraisonnable.

(1) Vie d'Horace, page 47.

(2) Présente édition, page 99.

(3) Voyez la Logique, seconde partie, chapitre VII (page 98, présente édition).

CHAPITRE XI.

Des Prépositions.

M. l'abbé Girard appelle prépositions (1) les mots « propres à indiquer les rapports qu'on met entre les choses, pour fixer l'idée de l'une par l'idée de l'autre. » Nos Grammairiens, dit-il un peu plus haut, n'ont pas encore expliqué la nature ni l'emploi de la préposition: je n'ai garde de leur en savoir mauvais gré, mon amour-propre se trouve trop satisfait de pouvoir, après un si grand nombre d'auteurs, présenter au public mou Ouvrage comme quelque chose de neuf. »

Cet habile académicien entre, sur l'emploi de la préposition, dans un détail métaphysique, dont il a quelquefois lieu de s'applaudir, il faut l'avouer; mais il n'en est pas tout-à-fait de même de ce qu'il dit sur la nature de la préposition. M. Du Marsais (2), dans son excellent Traité des Tropes, l'a beaucoup mieux définie. Voici comment il s'exprime : « La préposition supplée aux rapports qu'on ne saurait marquer, ni en latin par la terminaison, ni en français par la place des mots... La préposition marque un rapport général, une circonstance indéterminée, que le mot suivant détermine. »

M. Restaut définit les prépositions « des mots qui marquent les différents rapports que les choses ont les unes aux autres, et qui ne s'emploient pas sans régime. » En parlant de l'adverbe, nous ferons voir le défectueux de cette dernière définition.

Selon M. Le Batteux (3), « les prépositions ne sont que comme des caractères séparés, pour ajouter aux substantifs la manière de signifier qui convient à l'adverbe. Dans justement, la dernière syllabe est le caractère adverbial. Placez la

[blocks in formation]

préposition avec avant le nom justice, elle donnera au nom substantif justice, la même manière de signifier que da syllabe ment a donnée au nom adjectif juste.»

M. Le Blanc assure (1) que les prépositions sont de vrais noms adjectifs. Peut-être voulait-il dire que la préposition, jointe à son complément, équivaut quelquefois à un adjectif. Par exemple, de marmore équivaut à l'adjectif marmoreum ; ex auro équivaut à l'adjectif aureus.

<< L'usage, dit M. l'abbé Girard (2), a accordé à certaines prépositions la permission d'en régir quelquefois d'autres, c'està-dire, de les souffrir dans le complément dont elles indiquent le rapport; de façon qu'il se trouve alors un rapport particuJier compris dans un général : celui-ci est énoncé par da seconde, qui par conséquent se trouve avec son propre complément sous le régime de la première. Cette permission, ditil, n'est accordée qu'à ces quatre: de, pour, excepté, hors ; leur droit ne s'étend même que sur quelques-unes.

La préposition à pouvait bien être mise au nombre de celles auxquelles une pareille permission est accordée. Dans ces exemples, s'amuser à de la créme fouettée, s'attacher à de la viande solide, si l'on ne voulait point admettre d'ellipse, pourquoi faire de particule ? il n'y avait qu'à le faire préposition, exprimant un rapport particulier sous le régime de la préposition à, exprimant un rapport général. De dispose à prendre ce qui suit, non dans un sens absolu et général (3), mais uniquement dans un sens d'extrait. L'abbé Regnier a fait sur les prépositions inséparables des observations que M. l'abbé Girard n'aurait pas dû négliger.

La préposition ad entre dans la composition de plusieurs mots : adapter, adhérer, adopter, addition, admirer, adjectif, adverbe. Souvent d se change en la lettre qui commence le mot dont ad est inséparable; ainsi on dit : accumuler, affirmer, aggreger, annexer, applanir, arriver, associer, attribuer.

Cum, préposition latine, qui signifie avec, et qui s'écrit

(1) Théorie de la parole, pages 32 et 35.

(2) Tome II, page 242.

(3) Voyez Grammaire, tome II, page 218.

toujours par o quand elle est inséparable des mots, s'écrit aussi de même en français. Elle perd sa finale devant les voyelles, coadjuteur, coéternel, et quelquefois devant les consonnes, coseigneur, copatron. Elle retient sa finale devant b, m, p: combattre, commettre, compatir. Elle la change en l devant l, colloqué, en r devant r, corriger. Elle la change devant toute autre consonne, en n, etc.

La scrupuleuse attention de ce digne académicien, en parlant des prépositions inséparables, méritait d'être bien imitée par M. Restaut (1), qui aurait pu et aurait dû s'exprimer ainsi.

L'on doit être préféré à on après et, si, ou, que, lorsqu'il est suivi de mots qui ont la même syllabe initiale que ceux-ci, commence, continue, corrige, etc. Ainsi l'oreille (et même la décence) demande que l'on dise, et l'on travailla, si l'on peut, ou l'on veut, que l'on commence, que l'on continue, plutôt que, et on travailla, si on peut, ou on veut, etc. Par ces petites réflexions, et par quelques autres, M. Restaut aurait rendu ses principes plus exacts, et il les aurait débarrassés d'une choquante rencontre de lettres: obceniùs non concurrissent litteræ (2).

C'est des prépositions latines ad et de que sont empruntées les prépositions françaises à et de, dont la première (3) désigne un rapport d'attribution ou de tendance, et l'autre marque un rapport de dérivation ou de dépendance.

La préposition à sert en français, non pour le datif seul, comme le dit l'abbé Regnier (4), mais pour l'accusatif aussi, et même quelquefois pour l'ablatif; c'est-à-dire que, par un mot précédé de la préposition à, on peut exprimer en français une partie des rapports qu'on exprime en latin par le datif seul, ou par une préposition, soit énoncée, soit sousentendue, suivie tantôt d'un accusatif et tantôt d'un ablatif : emporter ses dieux au Latium, inferre deos Latio; conduire les Troyens au Latium, ducere Teucros in Latium; c'était la coutume au Latium, mos erat in Latio; régner au Latium, regnare Latio; la machine est conduite à la ville (1) Pages 86 et 388.

(2) Cic. Orat., no 154. (3) Regnier, page 596. (4) Page 150.

et au milieu, mediæque minans illabitur urbi; où portestu tes pas, Mæris? où vas-tu? est-ce à la ville? quỏ te, Mæri, pedes? an quò via ducit? in urbem? l'enfant se dispose à aller à la ville de Sidon ou de Carthage, ad urbem Sidoniam puer ire parat; nous montons à la haute ville de Buthrote, celsam Buthroti ascendimus urbem; il y avait un bois au milieu de la ville, lucus in urbe fuit mediâ; elle s'assit au milieu de la voûte du temple, mediâ testudine templi resedit.

La préposition de sert, non pour le génitif seul, comme le dit la Grammaire raisonnée, elle sert aussi pour l'ablatif; c'est-à-dire que par la préposition de, suivie d'un mot, nous exprimons plusieurs rapports que les Latins expriment par le génitif seul, ou par l'ablatif précédé d'une des prépositions de, a, ab, e, ex, énoncée ou sous-entendue : puiser de l'eau sous les murailles de la ville, sub mænibus urbis aquari; sortir précipitamment de la ville, totâque ex urbe ruere; mes enchantements, ramenez-moi Daphnis de la ville à la maison, ramenez-le-moi, ducite ab urbe domum, mea carmina, ducite Daphnim; Didon, échappée de la ville de Tyr, a établi son empire ici, imperium Dido Tyriâ regit urbe profecta.

Dans les doutes sur la langue française (1), l'ami que le P. Bouhours fait parler en homme qui est bon grammairien, et qui possède parfaitement la Grammaire générale et raisonnée, cite, sur le mot auparavant (2), la remarque de Vaugelas et celle-ci (3), comme une règle authentique. Cet ami, d'après Ménage, établit une règle pareille sur les mots autour et à l'entour, dont le premier est préposition, et le second eşt adverbe. Selon lui, il faut dire : quand la reine parut, elle avait toutes ses filles autour d'elle; on vit la reine et toutes ses filles à l'entour.

(1) Seconde édition, pages 152 el 155. (2) Troisième édition, page 90.

(3) Présente édition, page 104.

« AnteriorContinuar »