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que l'esprit fait de ces deux propositions. Pour abréger, on met le verbe de la seconde proposition à l'infinitif; et c'est un des plus grands usages de l'infinitif de lier ainsi deux propositions; par exemple: Pierre croit tout savoir, pour Pierre croit qu'il sait tout.

Un des usages de l'accusatif est d'être le suppôt de l'infinitif, comme le nominatif l'est avec les modes finis: Petrus legit, Pierre lit; Petrum legere, Pierre lire ; Petrum legisse, Pierre avoir lu, etc. Si l'on trouve quelquefois au nominatif un nom construit avec un infinitif, c'est par imitation des Grecs, qui construisent indifféremment l'infinitif avec un nominatif ou avec un accusatif, etc.

Le sens total exprimé par un accusatif avec un infinitif peut être et est souvent le sujet d'une proposition (1); ce que M. Duclos a fort bien remarqué : magna ars est non aparere artem, l'art ne point paraître est un grand art. Voilà comme on parle en latin; voici comme on s'exprime en français : empêcher l'art de paraître est un grand art. M. Du Marsais est le premier, ce me semble, qui ait levé les difficultés que les autres auteurs de Grammaires latines se sont formées gratuitement sur le que retranché, et sur les autres fantômes qui font tant de peine aux enfants, qui les fatiguent sans les éclairer, et qu'on oublie dès qu'on devient raisonnable, parce que ces règles prétendues n'ont aucun fondement dans la nature, quoiqu'on les honore du nom de principes (2).

CHAPITRE XVIII.

Des Verbes adjectifs, actifs, passifs, neutres.

« L'auteur qui, dans sa Grammaire générale et raisonnée, a essayé de comprendre aussi bien les principes de la Grammaire française que ceux de la Grammaire latine, soutient les

(1) Voyez, dans l'Encyclopédie, les mots accusatif, çonstruction. (2) Exposition d'une méthode, R., page 30.

verbes neutres contre Sanctius, dont il réfute très-bien l'opinion; et je souscris d'autant plus volontiers à cette décision, dit l'abbé Regnier (1), qu'outre le poids que le nom seul de l'auteur y pourrait donner, l'opinion de Sanctius se peut encore moins soutenir à l'égard de la langue française qu'à l'égard de la latine.>>

Le mot qui sert à exprimer ce qu'on attribue au sujet ou ce qu'on en affirme, le P. Buffier l'appelle Verbe (2). Il me semble que ce père confond ici ce qui affirme avec ce qui est affirmé. Ce qui affirme, c'est le verbe, et ce qui est affirmé, c'est l'attribut.

Pourquoi M. Vallart, après avoir dit qu'il doit toujours y avoir trois choses dans une phrase, un nominatif, un verbe et un régime, ajoute-t-il que dans cette proposition, Dieu punira les méchants, Dieu est le sujet, punira est le verbe, et les méchants l'attribut? Ce n'est pas là parler en bon dialecticien les méchants ne sont pas l'attribut de la proposition, c'est la punition des méchants que l'on attribue à Dieu. Le sujet, le verbe et l'attribut sont les trois mots essentiels à une phrase. Le régime n'est pas toujours essentiel; car il y a bien des phrases sans régime.

Ou le substantif marche après un verbe précédé d'un autre substantif, et sa fonction est d'exprimer ce qu'en logique on appelle l'attribut de la proposition: alors, dit M. l'abbé d'Olivet (3), nous le nommerons substantif régi, parce qu'en effet il est régi par ce verbe qui le précède. Ainsi, dans cette phrase, le peuple aime le roi, c'est le peuple qui est régissant, et le roi est régi ; dans cette autre, le roi aime le peuple, c'est le roi qui est régissant, et le peuple est régi.

Est-il bien vrai que la fonction du substantif régi par le verbe qui le précède, est d'exprimer ce qu'en logique on appelle l'attribut de la proposition? J'ai toujours cru que le substantif régi était le terme de l'action que le verbe signifie. Quand on aime, on aime quelque chose; ce qu'on aime s'appelle le terme ou l'objet de l'action d'aimer, et se met à l'ac

(1) Page 343.

(2) Nos 67 et 68.

(3) Opusc. gramm., page 22.

cusatif: populus amat regem, le peuple aime le roi. Ce mot regem, le roi, est l'accusatif; parce qu'il accuse, il déclare, il marque le terme ou l'objet de l'action du verbe amat, aime. Ce verbe est composé ou adjectif, il renferme le verbe simple ou substantif avec l'attribut: amat, aime, c'est-à-dire, est amans, est aimant. Cette phrase, le peuple aime le roi, équivaut à celle-ci, le peuple est aimant le roi. Le mot est, voilà le verbe, c'est-à-dire, le mot par lequel je juge, j'affirme que le peuple est aimant; aimant, voilà l'attribut, c'est-à-dire, ce que je pense, ce que je juge, ce que j'affirme du peuple, c'est la qualité que je lui attribue. C'est ce qu'en logique, comme en grammaire, on appelle l'attribut de la proposition. Le peuple est le sujet de la proposition, il est la cause ou le principe de l'action d'aimer, dont le roi est le terme ou l'objet, ce qu'en logique, comme en grammaire, on appelle le régime du verbe ou le substantif régi, chose bien différente de ce qu'on appelle attribut. Il est aisé d'analyser de même la phrase, Dieu punira les méchants.

C'est à peu près ainsi que M. Du Marsais analyse cette proposition-ci (1) Petrus percutit Paulum, Pierre bat Paul. Comme cette action qu'on dit que Pierre fait, part d'un principe corporel, c'est conséquemment une action réelle : Paul, à qui elle se termine, devrait être appelé sujet; cependant M. Du Marsais l'appelle objet. Ce Grammairien philosophe ne met apparemment aucune distinction entre le terme de l'action réelle de battre, et le terme de l'action intentionnelle d'aimer. Celle-ci, produite par un principe spirituel, a pour terme une personne ou une chose que la Grammaire raisonnée appelle objet (2).

M. Restaut distingue l'action réelle de l'action intentionnelle (3); il nomme le terme de l'une sujet, et le terme de l'autre, objet (4); mais ailleurs il paraît se contredire, en avançant que les choses molles, dures et liquides sont les objets du toucher. Toucher est une action réelle; si les choses

(1) Tropes, page 214.

(2) Page 129, présente édition.

(3) Grammaire, page 261. (4) Id., page 37.

que cette action a pour termes en sont les objets, pourquoi donc enseigne-t-il qu'il faut les appeler sujets? Pour ne pas être exposé à confondre le principe avec le terme, ni le terme avec le principe, j'appellerais toujours objet le terme d'une action, quelle qu'elle fût, intentionnelle ou réelle; et le principe d'une action, ou le nominatif du verbe, serait seul appelé sujet de la proposition ou sujet du verbe ; mais je reconnaîtrais le terme et le sujet pour objets de notre pensée.

Quoique dans toutes les langues nouvelles on évite comme une faute de joindre le nom au verbe dont il est formé, et que l'on ne dise pas combattre un grand combat, on dit pourtant chanter une chanson, danser une danse. Voyez le texte de la Grammaire raisonnée, page 178 et suiv.

CHAPITRE XIX.

Des Verbes impersonnels.

Ce chapitre manque tout entier dans la première édition de Port-Royal, faite en 1660 chez Le Petit.

La définition que l'on y donne du verbe impersonnel, est tirée de la Minerve de Sanctius, liv. I, chap. XII.

Impersonale illud omninò deberet esse quod numeris, personis et temporibus careret, quale est amare et amari; quod propterea verè dicitur infinitum, quod neque numeros, neque personas, neque tempora finiat, nec determinet: quæ omnia in verbis finitis, ut amabo, docebis, præscripta inveniuntur.

Ainsi ce que l'on appelle impersonnel ne l'est pas, même dans notre langue : car quand nous disons, on court, on aime, etc. Cet on vient du latin homo; nos pères disaient hom nou y a hom sus la terre. Les Allemands disent man sagt et man kan; comme nous disons, on dit, on peut. M. l'abbé Raguenet a remarqué que dans les anciens manu

cusatif: populus amat regem, le peuple aime le roi. Ce mot regem, le roi, est l'accusatif; parce qu'il accuse, il déclare, il marque le terme ou l'objet de l'action du verbe amat, aime. Ce verbe est composé ou adjectif, il renferme le verbe simple ou substantif avec l'attribut: amat, aime, c'est-à-dire, est amans, est aimant. Cette phrase, le peuple aime le roi, équivaut à celle-ci, le peuple est aimant le roi. Le mot est, voilà le verbe, c'est-à-dire, le mot par lequel je juge, j'affirme que le peuple est aimant; aimant, voilà l'attribut, c'est-à-dire, ce que je pense, ce que je juge, ce que j'affirme du peuple, c'est la qualité que je lui attribue. C'est ce qu'en logique, comme en grammaire, on appelle l'attribut de la proposition. Le peuple est le sujet de la proposition, il est la cause ou le principe de l'action d'aimer, dont le roi est le terme ou l'objet, ce qu'en logique, comme en grammaire, on appelle le régime du verbe ou le substantif régi, chose bien différente de ce qu'on appelle attribut. Il est aisé d'analyser de même la phrase, Dieu punira les méchants.

C'est à peu près ainsi que M. Du Marsais analyse cette proposition-ci (1) Petrus percutit Paulum, Pierre bat Paul. Comme cette action qu'on dit que Pierre fait, part d'un principe corporel, c'est conséquemment une action réelle : Paul, à qui elle se termine, devrait être appelé sujet; cependant M. Du Marsais l'appelle objet. Ce Grammairien philosophe ne met apparemment aucune distinction entre le terme de l'action réelle de battre, et le terme de l'action intentionnelle d'aimer. Celle-ci, produite par un principe spirituel, a pour terme une personne ou une chose que la Grammaire raisonnée appelle objet (2).

M. Restaut distingue l'action réelle de l'action intentionnelle (3); il nomme le terme de l'une sujet, et le terme de l'autre, objet (4); máis ailleurs il paraît se contredire, en avançant que les choses molles, dures et liquides sont les objets du toucher. Toucher est une action réelle ; si les choses

(1) Tropes, page 214.

(2) Page 129, présente édition.

(3) Grammaire, page 261. (4) Id., page 37.

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