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Etiam dotatis soleo.- Chr. Quid in nostra? — Phorm. Nihil, la dernière syllabe de nostra paraît être nécessairement longue, et par conséquent à l'ablatif. Mais, répond Perizonius, les vers iambiques de la comédie, comme Horace s'en plaint dans son Art poétique, sont susceptibles de tant de licences, qu'on n'en peut rien prouver ni pour, ni contre. D'ailleurs, ajoute le même Perizonius, je pense qu'on doit lire et scander ainsi ce vers :

Etiam dotatis soleo. — Quid id nostra? — nil.

Il est certain que Térence fait a bref dans ce sens :

Fac tradas, mea nil refert, dum potiar modo (1).

La seconde raison sur laquelle Vossius appuie son sentiment, c'est que dans ces sortes de phrases il y a une ellipse, dont il croit avoir trouvé le supplément dans ce passage de Plaute :

Mea istuc nihil refert, tua refert gratia.

Il pense donc que toutes les fois qu'on dit refert, interest mea, tua Ciceronis, il faut sous-entendre gratia.

Vossius avait pris ce passage tel qu'il est rapporté dans le le Lexicon philologique de Martinius, et l'auteur de la Méthode latine n'a fait que copier mot à mot Vossius. Aucun des trois n'a vérifié ce vers on le trouve dans Plaute, Persa, act. IV, scen. III, v. 68, mais tout-à-fait différent. Le voici tel qu'il est dans les éditions que Perizonius, que Magnié (2), que M. Du Marsais a lues, que j'aï lues moi-même, et que tout le monde peut lire :

Mea quidem istuc nihil refert, tua ego refero gratia.

Par où l'on voit que gratia ne se rapporte point du tout à la phrase mea, tua, refert; par conséquent Martinius, Vossius et Lancelot, qui s'appuyaient sur cet unique passage, n'ont plus aucune raison de soutenir leur sentiment: car on ne dit pas en latin, hoc interest mea gratia, ni refert mea gratia; mais on dit fort bien, hoc interest inter mea negotia, et par abré

(1) Eunuch, acte II, scène IV, v. 28.

(2) C'est l'auteur d'un excellent dictionnaire latin, intitulé Novitius.

viation, hoc interest mea. De même on dit refert mea, au lieu de refert ad mea negotia. Une preuve incontestable de ceci c'est que Plaute, dans la même comédie, act. IV, sc. III, v. 44, a dit:

Quid id ad me aut ad meam rem refert.

CHAPITRES XX, XXI ET XXII.

Des Participes. - Des Gérondifs et des Supins.
Des Verbes auxiliaires.

Nous réunissons ces trois chapitres ensemble, parce que ce n'est qu'à l'occasion des verbes auxiliaires que nous proposerons nos éclaircissements sur les participes, sur les temps composés, sur les gérondifs et sur les supins.

La Grammaire raisonnée (1) reconnaît dans nos verbes deux sortes de prétérits : l'indéfini, j'aimai, je sentis, je vis; le défini, formé du participe passé, aimé, senti, vu, et du verbe avoir, j'ai aimé, j'ai senti, j'ai vu: de ce prétérit défini, en français comme en latin, il se forme d'autres temps, tels que d'amavi, amaveram, amaverim, amavissem, amavero, amavisse; de j'ai aimé, j'avais aimé, j'aurais aimé, j'eusse aimé, j'aurai aimé, avoir aimé. Bien plus, le verbe avoir, comme auxiliaire, n'a ces sortes de temps que par luimême et par son participe eu: j'ai eu, j'avais eu, j'aurai eu, j'eusse eu, j'aurais eu; mais j'avais eu et j'aurai eu ne sont point auxiliaires des autres verbes. On dit bien, sitôt que j'ai eu dîné, quand j'eusse eu dîné ou quand j'aurais eu dîné, c'est ce qu'on peut appeler temps doublement composés ou surcomposés ; mais on ne dit pas j'avais eu diné, ni j'aurai eu diné. Tout cela se disait apparemment au siècle de Robert Etienne, car dans les conjugaisons de la Grammaire française (1) Page 141, présente édition.

imprimée en 1569, on trouve tous ces temps-là, j'ai eu aimé, j'avais eu aimé, j'eusse eú aimé, j'aurai eu aimé, etc.

La Touche (1) admet un parfait indéfini double, dès que j'ai eu dîné, sitôt qu'il a eu écrit, j'ai eu bientôt fait, elle a eu fait en un moment, etc. « Il y a, dit-il, des gens habiles qui condamnent entièrement l'usage de ce temps, et M. Regnier ne l'a point mis dans sa Grammaire; c'est aussi par cette raison que je l'ai retranché des conjugaisons.>>

« Quelquefois, remarque le P. Buffier, les temps sont doublement composés, comme j'ai eu fini, etc., mais ces sortes de temps s'expriment communément par des temps simples, ainsi il ne paraît pas fort nécessaire de s'embarrasser de cette double composition de temps. >>

M. Restaut n'a pas mis dans la conjugaison de ses verbes les temps sur-composés ; cependant il reconnaît qu'il y en a quelques-uns qui sont d'usage, et il a adopté la dénomination que M. l'abbé de Dangeau leur a donnée.

M. Vallart (2) a done tort d'assurer que nos auteurs de Grammaires n'ont pas connu les temps sur-composés. La preuve qu'il prétend avoir faite de l'existence de ces temps est donc en pure perte.

La Grammaire raisonnée dit (3) que nos deux participes aimant et aimé, en tant qu'ils ont le même régime que le verbe, sont plutôt des gérondifs que des participes, c'est-àdire, sont incapables de divers genres et de divers nombres. L'abbé Regnier avoue qu'il est de cet avis (4); mais il ne convient pas du principe sur lequel cet avis est appuyé.

On dit en style de pratique, la rendante compte, l'oyante compte, ses ayants cause, les gens tenant notre cour. Voilà des participes féminins et des participes pluriels qui ont le régime actif de leurs verbes. D'ailleurs, quad on dit : c'est un homme craignant Dieu, c'est une femme craignant Dieu, ce sont des gens craignant Dieu; dans ces trois phrases, craignant a le régime de son verbe, il devrait par cette raison être au gérondif: cependant, à considérer la nature du gérondif suivant

(1) Art de bien parler français, tome 1, page 298.

(2) Préface VIII.

(3) Page 145, présente édition.

(4) Pages 519 et 528.

les règles et l'usage de notre langue et de quelque langue que ce soit, il est impossible que craignant soit autre chose qu'un participe.

Le gérondif est ordinairement, par l'expression, semblable au participe actif; mais on les peut distinguer de deux façons: 1° par la connaissance de la nature de l'un et de l'autre : le gérondif ne désigne qu'une circonstance, une manière, ou un moyen de l'action exprimée par le verbe principal auquel il est subordonné ; au lieu que le participe marque toujours ou l'état du sujet auquel il se rapporte, ou la raison et le fondement d'une action exprimée par quelque verbe. 2o Quoique le gérondif soit souvent employé sans être précédé de la préposition en, on peut néanmoins toujours la mettre devant quelque gérondif que ce soit, excepté ayant et étant, comme l'a très bien remarqué M. Duclos ; au lieu que le participe se résout par le pronom qui ou par les conjonctions comme, lorsque, quand, et le présent, l'imparfait ou le futur de l'indicatif : je le vois courant, ou qui court; je l'ai vu courant, c'est-àdire, qui courait, comme ou quand il courait; jc le verrai courant, c'est-à-dire, quand ou lorsqu'il courra.

Rendons cette différence encore plus sensible par des exemples; en voici un pris du titre même de l'ouvrage : Une grammaire génerale et raisonnée, contenant les fondements de l'art de parler, mérite d'étre lue avec attention. Contenant marque la raison, la cause de l'action, exprimée par les verbes, mérite d'étre lue; c'est-à-dire que la Grammaire générale et raisonnée mérite d'être hue avec attention, par la raison que, à cause qu'elle contient les fondements de l'art de parler; et l'on ne pourrait pas dire, sans faire violence à l'usage et à la raison même, une Grammaire générale et raisonnée, en contenant les fondements de l'art de parler, mérite d'étre lue, etc. Par conséquent contenant est participe.

Je suis persuadé qu'en étudiant bien pendant six mois la Grammaire, vous la posséderez passablement. Etudiant n'exprime qu'une manière ou moyen de l'action signifiée par le verbe, vous la possèderez, c'est-à-dire, un moyen de la posséder passablement, etc.; et on peut y joindre en sans changer le sens de la phrase, comme, je suis persuadé qu'en étu

diant pendant six mois, etc., par conséquent étudiant est gérondif.

L'abbé Regnier dit (1) qu'il « ne comprend pas pourquoi le participe, quand il ne se décline point et qu'il régit le cas du verbe, doit perdre son nom de participe, et prendre celui de gérondif. Car dans toutes les langues, et même dans la latine, une des principales fonctions du participe est de régir le cas du verbe ; et l'appeler alors gérondif, c'est vouloir introduire une nouvelle dénomination, qui n'est fondée ni sur le génie du français, ni sur celui du latin. Pourquoi donc dans ces phrases, le roi a aimé la gloire, le roi a vaincu les ennemis: aimé, vaincu, seraient-ils gérondifs? et pourquoi dans celle-ci, la gloire qu'il a aimée est encore chère à son grand cœur, les ennemis qu'il a vaincus sont jaloux de ses victoires : aimée, vaincus seraient-ils participes ? N'est-ce pas le même mot qui est employé, tantôt comme déclinable, et tantôt comme indéclinable? Cette différence d'emploi ne doit donc pas produire différence de nom dans une même chose, ni changer l'essence et la nature d'un mot. Sans doute aimé, vaincus, sont régis par le verbe avoir; mais ils ne le sont pas davantage que aimée, vaincu, dans il a aimé la gloire, il a vaincu les ennemis : quoiqu'ils soient régis par le verbe avoir, ils ne laissent pas de régir eux-mêmes le cas de leurs verbes, savoir, le relatif que; car dans le premier exemple que est pour laquelle, et ne peut être gouverné par le verbe avoir, parce qu'on ne peut pas dire la gloire qui a; que est done nécessairement gouverné par le participe aimée. Dans le second exemple, les ennemis qu'il a vaincus, veut dire, non qu'il a des ennemis, mais que les ennemis qu'il avait ont été vaincus par lui. De là on ne peut tirer aucune induction pour montrer que avoir en français doit suivre le même régime que habere en latin : quam habeo amatam ne veut pas dire que j'ai aimée, il veut seulement dire que j'aime, quam habeo caram; et si on voulait rendre le sens du français en latin par le verbe habere, il faudrait dire, quam habui amatam, et c'est ce qui ne se dit point. La Grammaire latine n'a en

(1) Page 491.-Grammaire raisonnée, page 145, présente édition.

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