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tous les verbes actifs, avec le réciproque se, qui marque que l'action a pour sujet ou pour objet, celui même qui agit. »

Me, te, nous, vous, marquent, comme se, que l'action a pour objet la personne même qui agit: je me suis blessé; tu t'es blessé toi-même; nous nous sommes blessés; vous vous êtes blessés vous-mêmes; Caton s'est tué; Razias de Jérusalem et Caton d'Ulique se sont tués eux-mêmes; il s'est distingué, ils se sont distingués eux-mêmes; quand on s'est élevé mal à propos, on doit craindre d'être rabaissé. Dans toutes ces phrases, celui qui fait l'action, et celui sur qui tombe l'action, est la même personne; et pour parler exactement, il faudrait nommer identique ou réfléchi, le pronom qui précède tout verbe dont l'action se termine à la personne même qui agit. C'est avec beaucoup de raison que M. l'abbé de Dangeau appelle ces sortes de verbes, verbes identiques. On ne devrait nommer réciproque que le pronom qui précède des verbes dont le sujet ou le nominatif est pluriel, et signifie des personnes qui agissent réciproquement les unes sur les autres.

Il est bon d'observer qu'être et avoir ne marquent pas euxmêmes ni l'action, ni la passion; l'une et l'autre ne sont marquées que par le participe, et les façons de parler dont il s'agit en cet endroit ne viennent que de l'usage (1).

CHAPITRE XXIII.

Des Conjonctions et des Interjections.

Les conjonctions ne signifient pas proprement l'objet de notre pensée, elles ne signifient que la manière dont notre esprit considère tout ce qui peut être l'objet de notre pensée; elles n'expriment que l'opération de notre esprit qui joint ou disjoint les choses, qui les assure ou les nie, qui les considère absolument ou relativement. Par exemple, il n'y a point hors de notre esprit d'objet qui réponde à ces conjonctions, si, non, mais il est clair qu'elles marquent le jugement que (1) Grammaire raisonnée, page 147, présente édition.

nous faisons qu'une chose est ou n'est pas une autre (1).

« Comment caractériser ce qu'on appelle tour d'expression ou mouvement d'âme, demande M. l'abbé Girard (2), par exemple, l'interrogation, la démonstration, l'aveu, l'assertion, le commandement, l'imprécation, l'admiration, l'extrait, la sensibilité et autres tours pareils? Car l'homme a non seulement envie de faire connaître (les objets) l'essentiel et l'étendue de sa pensée, il veut de plus en manifester (la forme) la manière, c'est-à-dire, ce dont l'âme est elle-même affectée dans sa propre opération. Il faut donc que la parole puisse également. présenter les images que nous formons, et les impressions que ces images font sur nous, ou que nous voulons qu'elles fassent sur ceux à qui nous les communiquons.»>

« Les conjonctions, dit cet académicien (3), sont proprement la partie systématique du discours, puisque c'est par leur moyen qu'on assemble les phrases, qu'on lie les sens, et que l'on compose un tout de plusieurs portions, qui sans cela paraîtraient comme des énumérations ou des listes de phrases, et non comme un ouvrage suivi et affermi par les liens de l'analogie, par les conséquences et les enchaînements de la raison. >>

L'ordre que M. l'abbé Girard a gardé, a été suivi par M. Du Marsais (4), qui finit son traité de la conjonction en avertissant qu'il y a des adverbes et des prépositions qui sont aussi des conjonctions composées; par exemple, afin que, parce que, à cause que, etc., sont des mots bien différents du simple adverbe et de la simple préposition, qui ne font que marquer une circonstance ou une manière d'être du nom ou du verbe.

L'usage ordinaire de la conjonction est de joindre ensemble deux noms, deux verbes, deux circonstances, deux phrases etc. : un bon officier est soldat et capitaine, il sait obéir et commander, il agit prudemment et courageusement, il aime la guerre et estime les sciences.

(1) Si (affirmation) et non ne sont pas des conjonctions; ces deux mots équivalent à des verbes. (Note de l'Editeur.)

(2) Tome I, page 77.

(3) Tome II, page 257.
(4) Voyez l'Encyclopédie.

DES INTERJECTIONS.

Ce qu'on appelle communément interjection est, selon le P. Buffier (1), un terme de supplément, lequel étant joint à certains gestes ou tons de voix, supplée quelquefois, nonseulement à des mots, mais encore à des phrases entières qui exprimeraient de la douleur, du mépris, de l'étonnement, ou tout autre mouvement de l'âme ; par exemple, ouf supplée à ces termes : je ressens une vive et subite douleur. La plupart des interjections sont d'une seule syllabe, comme si l'âme voulait marquer dans ses mouvements l'impatience où elle est de s'énoncer.

M. l'abbé Girard n'a pas donné à cette partie d'oraison le nom d'interjection (2), parce que ce mot ne lui paraît pas avoir l'air assez français, et que le sens en est trop restreint. Il l'appelle particule, c'est-à-dire, non en général une petite partie du discours ou une sorte de petits mots, mais en particulier un mot dont l'emploi modificatif consiste à énoncer une affection dans la personne qui parle. La particule, selon lui, ajoute à la peinture de la pensée l'image de la situation; soit de l'âme qui sent, soit de l'esprit qui peint. Cette double situation a produit deux ordres de particules, les unes de sensibilité auxquelles il donne le nom d'interjectives, les autres de tournures de discours qu'il appelle discursives.

On ne sait pourquoi M. l'abbé Girard se sert ici du nom d'interjectives, lui à qui le nom d'interjection ne paraît pas avoir l'air assez français.

<«< L'interjection, considérée par rapport à la nature, est peutêtre la première voix articulée dont les hommes se soient servis, dit l'abbé Regnier (3). Quoique l'interjection, considérée par rapport à la Grammaire, contribue fort à l'expression des sentiments, comme elle ne contribue en rien à la liaison et à la forme du discours, on la place d'ordinaire ça et là en parenthèse, de manière qu'en la détachant de la phrase le sens n'en souffre point. >>

(1) N° 163.

(2) Tome I, page 80; tome II, page 310. (3) Page 562.

Le Grammairien italien (1) qui admet deux sortes de particules, dont il fait deux parties d'oraison différentes, paraît avoir donné à M. l'abbé Girard l'idée de partager la particule en deux ordres, sous une seule partie d'oraison. Il vaut mieux mettre au rang des particules discursives, assertives, c'est-à-dire, au rang de ce qu'on appelle communément interjections, les mots certes, oui, non, ne, pas, point, plus, peut-être, etc., que de les mettre au rang des adverbes, comme M. Restaut l'a fait. Les mots qui ne peuvent pas être réduits à une préposition suivie de son complément, ne sont point des adverbes non, ne, sont des particules négatives, dit M. Du Marsais (2). A l'égard de oui, c'est le participe passif du verbe ouïr: nous disons oui par ellipse, cela est ouï, cela est entendu; les Latins disaient dans le même sens, dictum puta (3). On peut néanmoins regarder oui comme adverbe d'affirmation, parce qu'il équivaut à une préposition suivie de son complément, cum auditione, avec l'ouïe. Par la même raison, l'on peut admettre des adverbes de négation, de doute et d'interrogation.

Soit, esto, est une particule ou une interjection; mais soit, sive, est une conjonction hypothétique, qui exprime une variété énumérative de suppositions (4): soit goût, soit raison, soit caprice, il aime la retraite. Ni est conjonction, c'est sans raison qu'on le fait adverbe.

Selon la Grammaire raisonnée (5), notre langue n'admet jamais deux e féminin de suite, parce que les principes de l'harmonie demandent que la pénultième soit fortifiée, si la dernière est muette, dit M. l'abbé d'Olivet (6).

Dans l'ouvrage de M. l'abbé Girard, on trouve sur les prépositions, sur les adverbes, sur les conjonctions et sur les particules, quantité d'observations utiles, qui donnent lieu d'en faire d'autres que l'on n'aurait peut-être jamais faites, si on n'avait point lu les Vrais principes avec réflexion. Presque

(1) Voyez Regnier, pages 136 et 565.

(2) Dans l'Encyclopédie, le mot adverbe.
(3) Térence, Andr., acte I, scène I.

(4) Girard, tome II, page 265.
(5) Page 156, présente édition.
(6) Prosodie française, page 71.

tout y est traité avec beaucoup d'ordre, et avec une exactitude peut-être un peu trop scrupuleuse. Ce subtil Grammairien y entre dans des discussions fines et délicates, dont la justesse en certains endroits ne le cède guère à celle des Synonymes.

CHAPITRE XXIV.

DE LA SYNTAXE.

De la Construction et de l'Inversion des mots.

<< Il est essentiel, dit M. l'abbé Girard (1), de connaître quelle place chaque mot doit occuper, et sous quelle forme il doit paraître. C'est-là ce qu'on nomme en français Construction, et ce que les Grammairiens traitent sous le nom de Syntaxe, terme grec d'origine, cúvτağış, qui signifie précisément la même chose que le terme français : oùv, cum ; tàśw, ordino, struo.»

Comme ce digne académicien, dans son troisième discours (2), a pour but les principes et non les élégances de la parole, après avoir dit, en passant, des choses extrêmement sensées sur le style, qu'il fait consister dans des rapports de convenance, dont le goût fait choix pour la conduite du discours, il abandonne toutes les observations qu'on pourrait faire à ce sujet, et se borne uniquement à ce qui regarde le régime, qu'il fait consister dans des rapports de dépendance, soumis aux règles pour l'union grammaticale des mots, c'està-dire, pour la construction de la phrase.

Les mots d'une phrase, dit-il, concourent tous à l'expression d'un sens ou d'une pensée ; ils sont tous en régime, mais de trois manières diffrentes, ou en régime dominant, ou en régime assujéti, ou en régime libre.

Le régime ou le concours des mots pour former un sens,

(1) Tome I, page 83 et suiv.

(2) Page 86, etc.

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