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gus, Lavinaque venit littora, dit, sciendum est usurpari ab autoribus ut vel addant vel detrahant præpositiones.

A tous ces passages cités par Sanctius in Minervâ (1), ́ M. Du Marsais en ajoute un déjà cité par le même Sanctius, rapporté en partie par Perizonius, et tiré de la vie de l'empereur Auguste par Suétone, chap. LXXXIX. Je vais le rapporter tout entier ; il me paraît fort propre à guérir bien des gens de leurs préjugés scolastiques.

Augustus genus loquendi secutus est elegans et temperatum, vitatis sententiarum ineptiis atque inconcinnitate, et reconditiorum verborum, ut ipse dicit, fætoribus, præcipuamque curam duxit sensum animi quàm apertissimè exprimere ; quod quo faciliùs efficeret, aut necubi lectorem vel auditorem obturbaret ac moraretur, neque præpositiones verbis addere, neque conjunctiones sæpiùs iterare dubitavit, quæ detracta afferunt aliquid obscuritatis, etsi gratiam augent.

Selon Sanctius (page 127), Augustus DICTIONIBUS præpositiones addebat. Perizonius (page 501) a remarqué que dans les éditions de Salamanque, Grævius a corrigé neque præpositiones URBIBUS addere. Qu'on lise urbibus, dictionibus ou verbis, on voit toujours qu'Auguste lui-même, pour mettre plus de clarté dans ses discours, avait coutume d'exprimer les prépositions qu'il est plus élégant de sous-entendre.

On peut, on doit même les exprimer à l'exemple de cet empereur, pour rendre le latin plus intelligible aux commençants, ut plena et integra sit oratio; pour faire connaître le rapport naturel de certains mots, enfin pour réduire le discours à la construction simple avant que de mener à l'élégante.

C'est par ces observations, et par beaucoup d'autres pareilles, que M. Du Marsais répond d'une manière aussi ingénieuse que solide, à la critique de l'exposition de sa Méthode raisonnée pour apprendre la langue latine (2); critique insérée à la page 44 du Journal des savants de Paris, janvier 1724.

Feu M. l'abbé Bignon, juste appréciateur des talents des hommes et du mérite de leurs ouvrages, fut si enchanté de

(1) Franequeræ, 1693.

(2) Chez Ganneau, 1722.

cette réponse, qu'il voulut qu'elle fût imprimée dans ce même journal, précédée d'un petit avertissement qu'il composa exprès, et qui fit autant d'honneur à ce savant et illustre bibliothécaire du roi qu'à M. Du Marsais même.

Dès le mois d'août 1723, à l'occasion des articles 52 et 53 des Mémoires de Trévoux du mois de mai précédent, au sujet de ladite Méthode raisonnée, le même M. Du Marsais avait donné des remarques (1) justificatives, pleines d'érudition et de justesse. Depuis, dans le Mercure de juin 1731, sur la Méthode pour commencer les humanités grecques et latines, de M. le Fevre de Saumur (2), et sur les notes de M. Gaullyer, M. Du Marsais fit encore des réflexions aussi fines que judicieuses, qui ont beaucoup de rapport à celles qu'il a fait imprimer à la suite de sa préface sur la manière d'enseigner les belles-lettres selon M. Rollin (3).

Il paraît que M. Du Marsais peut se glorifier d'être entré mieux que personne dans les vues principales de cet habile homme, sur la façon de montrer le latin, et que les pratiques proposées par ce profond Grammairien ne sont que des moyens qui rendent plus facile l'exécution des avis de ce grand rhéteur. Ce que nous allons dire sur l'inversion en est une nouvelle preuve.

DE L'INVERSION.

M. l'abbé Batteux, dans son Cours de belles-lettres distribué par exercices, à la fin du tome II, parlant de l'inversion, prétend que les Latins ne renversent point, et que c'est nous qui renversons.

« Je ne voudrais pas avancer une pareille proposition généralement et sans distinction, dit l'auteur de la Lettre sur les sourds et muets (4), parce que l'inversion proprement dite n'étant autre chose qu'un ordre dans les mots contraire à l'ordre des idées, ce qui sera inversion pour l'un, souvent ne le sera pas pour l'autre ; car, dans une suite d'idées, tout le monde n'est pas toujours également affecté de la même. Par

(1) Chez Quillau, etc.

(2) Chez Brocas.

(3) Tome I, chapitre III.

(4) Page 88, etc.

exemple, si de ces deux idées, serpentem fuge, je vous demande quelle est la principale, vous me direz, vous, que c'est le serpent, mais un autre prétendra que c'est la fuite, et vous aurez tous deux raison. L'homme peureux ne songe qu'au serpent, mais celui qui craint moins le serpent que ma perte, ne songe qu'à ma fuite : l'un s'effraie, l'autre m'avertit. D'ailleurs, dans une suite d'idées que nous avons à offrir aux autres, toutes les fois que l'idée principale qui doit les affecter n'est pas la même que celle qui nous affecte, cu égard à, la disposition différente où nous sommes nous et nos auditeurs, c'est cette idée qu'il faut d'abord leur présenter. Appliquons ces réflexions à la première période de l'oraison pro Marcello.

« Diuturni silentii, Patres Conscripti, quo eram his temporibus usus... finem hodiernus dies attulit.

« Je me figure Cicéron montant à la tribune aux harangues, continue l'auteur de la Lettre (1). Je vois que la première chose qui a dû frapper ses auditeurs, c'est qu'il a été longtemps sans y monter: ainsi diuturni sileniii, le long silence qu'il a gardé, est la première idée qu'il doit leur présenter, quoique l'idée principale pour lui ne soit pas celle-là, mais hodiernus dies finem attulit; car ce qui frappe le plus un orateur qui monte en chaire, c'est qu'il va parler, et non qu'il a gardé le silence. Ce qui n'était pas une inversion pour les auditeurs de Cicéron pouvait, devait même en être une pour lui.

« Je remarque encore une autre finesse dans le génitif diuturni silentii. Les auditeurs ne pouvaient penser au long silence de Cicéron sans chercher en même temps pourquoi il avait gardé le silence, et pourquoi il se déterminait à le rompre or, le génitif étant un cas suspensif, leur fait naturellement attendre toutes ces idées que l'orateur ne pouvait leur présenter à la fois. On s'aperçoit, dès le commencement de cette période, que l'orateur ayant eu une raison d'employer telle ou telle terminaison plutôt que toute autre, il n'y avait point dans ses idées l'inversion qui règne dans ses termes. En effet, qu'est-ce qui déterminait Cicéron à écrire diuturni (1) Ibid., page 96.

silentii au génitif, quo à l'ablatif, eram à l'imparfait, et ainsi du reste, si ce n'est un ordre d'idées préexistant dans son esprit, tout contraire à celui des expressions: ordre auquel il se conformait sans s'en apercevoir, subjugué par la longue habitude de transposer; ce qui nous arrive quelquefois à nous-mêmes, qui croyons avoir formé notre langue sur la suite naturelle des idées. »

A l'occasion de l'ouvrage de M. l'abbé Batteux (1), M. Du Marsais a traité de nouveau l'inversion dont il avait déjà donné un article particulier dans sa Méthode raisonnée (2); et depuis, il a fait à ce sujet de vive voix, et par écrit, quantité d'excellentes réflexions, avec lesquelles celles que nous venons d'exposer paraissent avoir bien de la conformité.

Selon M. Chompré, dans ses Feuilles élémentaires, « la construction, telle qu'on la fait faire aux étudiants, est une vraie destruction. »

Si on en croit M. Pluche, dans sa Mécanique des langues (3), «ranger une phrase latine à la façon de l'école, c'est la détruire. Une vérité fort remarquable, ajoute-t-il, c'est que c'est se tromper de penser, comme on fait, qu'il y ait inversion ou renversement dans la phrase des anciens, tandis que c'est très-réellement dans notre langue, qu'est ce désordre. »

Ainsi le P. Buffier (4), dans son Examen des préjugés vul– gaires, se trompe de penser que la langue française suit un ordre naturel dans ses expressions, qui s'arrangent les unes avec les autres comme les idées s'arrangent dans l'esprit. En effet, quel arrangement que de dire, comme le latin de Cicéron, au long silence que j'ai gardé jusqu'ici doit mettre fin ce jour, au lieu de dire, selon l'ordre naturel : ce jour doit mettre fin au long silence que j'ai gardé jusqu'ici. Plus j'y pense, dit ce Père, plus ce renversement d'idées me choque dans la plupart des langues.

C'est se tromper de penser comme le P. Lami (5): selon lui, l'ordre naturel demande que dans une proposition le nom

(1) En 1748.

(2) Page 9.

(3) Pages 115 et 116.

(4) Page 189.

(5) Art de parler, page 27.

qui exprime le sujet soit placé le premier, que l'attribut soit mis après le verbe qui lie le sujet avec l'attribut, que les mots qui marquent les rapports soient insérés entre les choses qui sont les termes d'un rapport, que tous les mots enfin se trouvent entre les deux propositions dont ils font des liaisons. Lorsqu'on rejette à la fin de la proposition un mot sans lequel elle n'a aucun sens, ce retardement que souffre le lecteur le rend plus attentif; l'ardeur qu'il a de concevoir les choses devient plus grande : ainsi cette attention fait qu'il les conçoit plus clairement. Outre cela, ce petit renversement lie une proposition, et la ramasse en quelque manière ; car le lecteur est obligé, pour l'entendre, d'envisager toutes les parties ensemble, ce qui fait qu'il en est plus vivement frappé. C'est sans doute cette raison qui a porté les Grecs et les Latins à l'umettre assez souvent le verbe à la fin de la proposition, sage autorisant ce renversement dans l'arrangement naturel des paroles pour éviter la rencontre de certains mots rudes.

L'arrangement des mots mérite une application particulière, et l'on peut dire que c'est par l'art de bien placer les parties du discours que les excellents orateurs se distinguent de la foule. L'orateur ne fait pas les mots, mais il les dispose, et il n'y a que cette disposition qui lui appartienne.

C'est se tromper de penser comme M. l'abbé Girard. Cet académicien nomme analogues les langues qui suivent ordinairement dans leur construction l'ordre naturel et la grada, tion des idées, c'est-à-dire, qui font marcher le sujet agissant le premier, ensuite l'action accompagnée de ses modifications, après cela ce qui en fait l'objet et le terme : telles sont la française, l'italienne et l'espagnole.

Il nomme transpositives les langues qui ne suivent d'autre ordre dans la construction de leurs phrases que le feu de l'imagination, c'est-à-dire, qui font précéder tantôt l'objet, tantôt l'action et tantôt la modification ou la circonstance. Comme les différentes terminaisons des noms et les diverses inflexions des verbes indiquent le régime, on ne trouve ordinairement ni équivoque, ni confusion dans le sens d'un anteur latin; mais on n'en a pas moins la peine d'aller jusqu'au bout de la période, avant que de commencer à se former une

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