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dans toute sa perfection, il en faudrait faire un petit traité à part, où l'on pourrait faire les remarques nécessaires pour l'accommoder à toutes les langues.

REMARQUES.

Tout ce chapitre est excellent, et ne souffre ni exception ni réplique. Il est étonnant que l'autorité de P.-R., surtout dans ce temps-là, et qui depuis a été appuyée de l'expérience, n'ait pas encore fait triompher la raison, des absurdités de la méthode vulgaire. C'est d'après la réflexion de P.-R. que le Bureau Typographique a donné aux lettres leur dénomination la plus naturelle : fe, he, ke, le, me, ne, re, se, ze, ve, je, et l'abréviation cse, gze; et non pas èfe, asche, ka, èle, ème, ène, ère, esse, zède, i et u consonnes, icse. Cette méthode, déjà admise dans la dernière édition du Dictionnaire de l'Académie, et pratiquée dans les meilleures écoles, l'emportera tôt ou tard sur l'ancienne par l'avantage qu'on ne pourra pas enfin s'empêcher d'y reconnaître ; mais il faudra du temps, parce que cela est raisonnable.

SECONDE PARTIE,

Où il est parlé des principes et des raisons sur lesquelles sont appuyées les diverses formes de la signification des mots.

CHAPITRE PREMIER.

Que la connaissance de ce qui se passe dans notre esprit, est nécessaire pour comprendre. les fondements de la Grammaire; et que c'est de la que dépend la diversité des mots qui composent le discours.

au

Jusques ici, nous n'avons considéré dans la parole que ce qu'elle a de matériel, et qui est commun, moins pour le son, aux hommes et aux perroquets. Il nous reste à examiner ce qu'elle a de spirituel, qui fait l'un des plus grands avantages de l'homme au-dessus de tous les autres animaux, et qui est une des plus grandes preuves de la raison : c'est l'usage que nous en faisons pour signifier nos pensées, et cette invention merveilleuse de composer de vingt-cinq ou trente sons

cette infinie variété de mots, qui, n'ayant rien de semblable en eux-mêmes à ce qui se passe dans notre esprit, ne laissent pas d'en découvrir aux autres tout le secret, et de faire entendre à ceux qui n'y peuvent pénétrer, tout ce que nous concevons, et tous les divers mouvements de notre âme.

Ainsi l'on peut définir les mots, des sons distincts et articulés, dont les hommes ont fait des signes pour signifier leurs pensées.

C'est pourquoi on ne peut bien comprendre les diverses sortes de significations qui sont enfermées dans les mots, qu'on n'ait bien compris auparavant ce qui se passe dans nos pensées, puisque les mots n'ont été inventés que pour les faire connaître.

Tous les philosophes enseignent qu'il y a trois opérations de notre esprit: CONCEVOIR, JUGER, RAI

SONNER.

CONCEVOIR, n'est autre chose qu'un simple regard de notre esprit sur les choses, soit d'une manière purement intellectuelle, comme quand je connais l'être, la durée, la pensée, Dieu; soit avec des images corporelles, comme quand je m'imagine un carré, un rond, un chien, un cheval.

JUGER, c'est affirmer qu'une chose que nous concevons est telle, ou n'est pas telle : comme lorsqu'ayant conçu ce que c'est que la terre, et ce que c'est que rondeur, j'affirme de la terre, qu'elle est ronde.

RAISONNER, est se servir de deux jugements pour en faire un troisième : comme lorsqu'ayant jugé que toute vertu est louable, et que la patience est une vertu, j'en conclus que la patience est louable.

D'où l'on voit que la troisième opération de l'esprit n'est qu'une extension de la seconde ; et ainsi il suffira, pour notre sujet, de considérer les deux premières, ou ce qui est enfermé de la première dans la seconde ; car

les hommes ne parlent guère pour exprimer simplement ce qu'ils conçoivent, mais c'est presque toujours pour exprimer les jugements qu'ils font des choses qu'ils conçoivent.

Le jugement que nous faisons des choses, comme quand je dis la terre est ronde, s'appelle PROPOSITION; et ainsi toute proposition enferme nécessairement deux termes : l'un appelé sujet, qui est ce dont on affirme, comme terre; et l'autre appelé attribut, qui est ce qu'on affirme, comme ronde; et de plus la liaison entre ces deux termes, est.

Or, il est aisé de voir que les deux termes appartiennent proprement à la première opération de l'esprit, parce que c'est ce que nous concevons, et ce qui est l'objet de notre pensée; et que la liaison appartient à la seconde, qu'on peut dire être proprement l'action de notre esprit, et la manière dont nous pensons.

Et ainsi la plus grande distinction de ce qui se passe dans notre esprit, est de dire qu'on y peut considérer l'objet de notre pensée, et la forme ou la manière de notre pensée, dont la principale est le jugement: mais on y doit encore rapporter les conjonctions, disjonctions, et autres semblables opérations de notre esprit, et tous les autres mouvements de notre âme, comme les désirs, le commandement, l'interrogation, etc.

Il s'ensuit de là, que les hommes ayant eu besoin de signes pour marquer tout ce qui se passe dans leur esprit, il faut aussi que la plus générale distinction des mots soit que les uns signifient les objets des pensées, et les autres la forme et la manière de nos pensées, quoique souvent ils ne la signifient pas seule, mais avec l'objet, comme nous le ferons voir.

Les mots de la première sorte sont ceux que l'on a appelés, noms, articles, pronoms, participes, prépositions et adverbes; ceux de la seconde, sont les

verbes, les conjonctions, et les interjections; qui sont tous tirés, par une suite nécessaire, de la manière naturelle en laquelle nous exprimons nos pensées, comme nous allons le montrer.

REMARQUES.

MM. de P.-R. établissent dans ce chapitre les vrais fondements sur lesquels porte la métaphysique des langues. Tous les Grammairiens qui s'en sont écartés ou qui ont voulu les déguiser, sont tombés dans l'erreur ou dans l'obscurité. M. Du Marsais, en adoptant le principe de P.-R., a eu raison d'en rectifier l'application au sujet des vues de l'esprit. En effet, MM. de P.-R., après avoir si bien distingué les mots qui signifient les objets des pensées d'avec ceux qui marquent la manière de nos pensées, ne devaient pas mettre dans la première classe l'article, la préposition, ni même l'adverbe. L'article et la préposition appartiennent à la seconde; et l'adverbe contenant une préposition et un nom, pourrait, sous différents aspects, se rappeler à l'une et l'autre classe.

CHAPITRE II.

Des Noms, et premièrement des Substantifs et Adjectifs.

Les objets de nos pensées sont ou les choses, comme la terre, le soleil, l'eau, le bois, ce qu'on appelle ordinairement substance; ou la manière des choses, comme d'être rond, d'être rouge, d'être dur, d'être savant, etc., ce qu'on appelle accident.

Et il y a cette différence entre les choses et les subs

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