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tort. Car ce que est là tellement dépouillé de la nature du pronom, qu'il n'y fait office que de liaison, laquelle fait voir que ces propositions, vous serez såge, vous avez tort, ne font que partie des propositions entières : je suppose, etc., je vous dis, etc.

Nous venons de marquer deux rencontres où le relatif, perdant son usage de pronom, ne retient que celui d'unir deux propositions ensemble: mais nous pouvons, au contraire, remarquer deux autres rencontres où le relatif perd son usage de liaison, et ne retient que celui de pronom. La première est dans une façon de parler où les Latins se servent souvent du relatif, en ne lui donnant presque que la force d'un pronom démonstratif, et lui laissant fort peu de son autre usage, de lier la proposition dans laquelle on l'emploie, à une autre proposition. C'est ce qui fait qu'ils commencent tant de périodes par le relatif, qu'on ne saurait traduire dans les langues vulgaires que par le pronom démonstratif, parce que la force du relatif, comme liaison, y étant presque toute perdue, on trouverait étrange qu'on y en mit un. Par exemple, Pline commence ainsi son panégyrique: Benè ac sapienter, P. C. majores instituerant, ut rerum agendarum, ità dicendi initium à precationibus capere, quòd nihil ritė, nihilque providenter homines sine Deorum immortalium ope, concilio, honore, auspicarentur. Qui mos, cui potius quàm Consuli, aut quandò magis usurpandus colendusque est?

Il est certain que ce qui commence plutôt une nouvelle période, qu'il ne joint celle-ci à la précédente; d'où vient même qu'il est précédé d'un point : et c'est pourquoi, en traduisant cela en français, on ne mettrait jamais, laquelle coutume, mais cette coutume, commençant ainsi la seconde période: Et par qui CETTE

COUTUME doit-elle être plutôt observée, que par un consul? etc.

Cicéron est plein de semblables exemples, comme, Orat. V in Verrem: Itaque alii cives Romani, ne cognoscerentur, capitibus obvolutis à carcere ad palum, atque ad necem rapiebantur: alii, cùm à multis civibus Romanis recognoscerentur, ab omnibus defenderentur, securi feriebantur. QUORUM ego de acerbissima morte, crudelissimoque cruciatu dicam, cum eum locum tractare cœpero. Ce quorum se traduirait en français comme s'il y avait, de illorum morte.

L'autre rencontre, où le relatif ne retient presque que son usage de pronom, c'est dans l'or des Grecs, dont la nature n'avait encore été assez exactement observée de personnes que je sache avant la Methode grecque. Car quoique cette particule ait souvent beaucoup de rapport avec le quòd latin, et qu'elle soit prise du pronom relatif de cette langue, comme le quòd ést pris du relatif latin; il y a souvent néanmoins cette différence notable entre la nature du quòd et de Tor, qu'au lieu que cette particule latine n'est que le relatif dépouillé de son usage de pronom, et ne retenant que celui de liaison, la particule grecque, au contraire, est le plus souvent dépouillée de son usage de liaison, et ne retient que celui de pronom. Sur quoi l'on peut voir la Nouv. Méth. latine, Remarques sur les adverbes, n. 4, et la Nouv. Méth. grecque, liv. 8, chap. 3. Ainsi, par exemple, lorsque dans l'Apocalypse, chap. 3, Jésus-Christ faisant reproche à un évêque qui avait quelque satisfaction de hui-même, hui dit λεγες ότι πλυσις είμι ; dicis quod dives sum ; ce n'est pas à dire, quòd ego qui ad te loquor dives sum; mais dicis hoc, vous dites cela, savoir : dives sum, je suis riche : de sorte qu'alors il y a deux orai

sons ou propositions séparées, sans que la seconde fasse partie de la première; tellement que l'or n'y fait nullement office de relatif ni de liaison. Ce qui semble avoir été pris de la coutume des Hébreux, comme nous dirons ci-après, chap. 17, et ce qui est très-nécessaire à remarquer pour résoudre quantité de propositions difficiles dans la langue grecque.

CHAPITRE X.

Examen d'une règle de la Langue française, qui est qu'on ne doit pas mettre le relatif après un nom sans article.

Ce qui m'a porté à entrependre d'examiner cette règle, est qu'elle me donne sujet de parler en passant de beaucoup de choses assez importantes pour bien raisonner sur les langues, qui m'obligeraient d'être trop long, si je les voulais traiter en particulier.

M. de Vaugelas est le premier qui a publié cette règle, entre plusieurs autres très-judicieuses, dont ses remarques sont remplies : qu'après un nom sans article on ne doit point mettre de qui. Ainsi, l'on dit bien : il a été traité avec violence; mais si je veux marquer que cette violence a été tout-à-fait inhumaine, je ne le puis faire qu'en y ajoutant un article: il a été traité avec une violence qui a été tout-à-fait inhumaine.

Cela paraît d'abord fort raisonnable; mais comme il se rencontre plusieurs façons de parler en notre langue, qui ne semblent pas conformes à cette règle; comme entr'autres celles-ci il agit en politique qui sait

gouverner; il est coupable de crimes qui méritent châtiment; il n'y a homme qui sache cela; Seigneur, qui voyez ma misère, assistez-moi; une sorte de bois qui est fort dur : j'ai pensé si on ne pourrait point la concevoir en des termes qui la rendissent plus générale, et qui fissent voir que ces façons de parler et autres semblables qui y paraissent contraires, n'y sont pas contraires en effet. Voici donc comme je l'ai conçue.

Dans l'usage présent de notre langue, on ne doit point mettre de qui après un nom commun, s'il n'est déterminé par un article, ou par quelque autre chose qui ne le détermine pas moins que ferait un article.

Pour bien entendre ceci, il faut se souvenir qu'on peut distinguer deux choses dans le nom commun, la signification, qui est fixe (car c'est par accident si elle varie quelquefois, par équivoque ou par métaphore), et l'étendue de cette signification, qui est sujette à varier selon que le nom se prend, ou pour toute l'espèce, ou pour une partie certaine ou incertaine.

Ce n'est qu'au regard de cette étendue que nous disons qu'un nom commun est indéterminé, lorsqu'il n'y a rien qui marque s'il doit être pris généralement ou particulièrement; et étant pris particulièrement, si c'est pour un particulier certain ou incertain. Et, au contraire, nous disons qu'un nom est déterminé, quand il y a quelque chose qui en marque la détermination. Ce qui fait voir que par détermine' nous n'entendons pas restreint, puisque, selon ce que nous venons de dire, un nom commun doit passer pour déterminé, lorsqu'il y a quelque chose qui marque qu'il doit être pris dans toute son étendue, comme dans cette proposition tout homme est raisonnable.

C'est sur cela que cette règle est fondée; car on peut

bien se servir du nom commun, en ne regardant que sa signification, comme dans l'exemple que j'ai proposé : il a été traité avec violence ; et alors il n'est pas besoin que je le détermine; mais si on en veut dire quelque chose de particulier, ce que l'on fait en ajoutant un qui, il est bien raisonnable que dans les langues qui ont des articles pour déterminer l'étendue des noms communs, on s'en serve alors, afin qu'on connaisse mieux à quoi doit se rapporter ce qui, si c'est à tout ce que peut signifier le nom commun, ou seulement à une partie certaine ou incertaine.

Mais aussi l'on voit par-là que, comme l'article n'est nécessaire dans ces rencontres que pour déterminer le nom commun, s'il est déterminé d'ailleurs, ́on y pourra ajouter un qui, de même que s'il y avait un article. Et c'est ce qui fait voir la nécessité d'exprimer cette règle comme nous avons fait, pour la rendre générale ; et ce qui montre aussi que presque toutes les façons de parler qui y semblent contraires, y sont conformes, parce que le nom qui est sans article est déterminé par quelque autre chose. Mais quand je dis par quelque autre chose, je n'y comprends pas le qui que l'on y joint: car si on l'y comprenait, on ne pécherait jamais contre cette règle, puisqu'on pourrait toujours dire qu'on n'emploie un qui après un nom sans article, que dans une façon de parler déterminée par le qui même.

Ainsi, pour rendre raison de presque tout ce qu'on peut opposer à cette règle, il ne faut que considérer les diverses manières dont un nom sans article peut être déterminé.

1° Il est certain que les noms propres, ne signifiant qu'une chose singulière, sont déterminés d'eux-mêmes, et c'est pourquoi je n'ai parlé dans la règle que des noms communs, étant indubitable que c'est fort bien

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