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toute illustration, devaient suffire pour soustraire à la publicité le Sermon philosophique, l'une des pièces les plus importantes de ce volume, et dont une partie est consacrée à l'éloge de tous les princes dont le baron de Grimm était correspondant.

Ce Sermon philosophique nous a paru, sous d'autres rapports, une pièce éminemment historique.

Comme parodie burlesque des discours et exhortations catholiques, cette pièce est médiocrement plaisante, mais elle jette beaucoup de lumières sur les philosophes du dix-huitième siècle, considérés comme secte. On a vu dans les volumes précédemment publiés que tous les fidèles rassemblés dans les synodes philosophiques se qualifiaient de frères, et se distribuaient les travaux qui devaient concourir à l'achèvement du grand œuvre. Les frères Diderot, d'Alembert, Helvétius, d'Holbach et Grimm, étaient en première ligne; puis venaient les frères Marmontel, Thomas, Morellet, etc. On y comptait même des sœurs, à la tête desquelles étaient soeur Lespinasse et sœur Necker, de laquelle on vantait fort le zèle, en décriant beaucoup son cuisinier. On y voit encore que la mère Geoffrin, chez laquelle se tenait fréquemment un des synodes, y fut longtemps l'objet de la vénération des fidèles, mais que cette excellente femme fut rayée de la légende du moment où elle interdit, dans son logis, les argumentations philosophiques, qui l'avaient trop éclairée sur le but auquel on tendait.

Il est un autre rapport sous lequel ce Sermon

philosophique nous paraît un document nécessaire à l'histoire. Personne n'ignore que la correspondance de Grimm était adressée à plusieurs princes souverains du Nord; mais leur nombre et le nom de chacun d'eux n'étaient pas exactement connus. Cette pièce ne laisse rien à désirer à cet égard. Quant aux flatteries dont cette nomenclature est assaisonnée, si l'histoire n'en tient point de compte, elles serviront au moins à fortifier l'opinion que le baron de Grimm et ses frères ont constamment donnée de leur profonde et savante politique.

Parmi les articles de littérature, de critique et de philosophie, qui forment, avec les articles supprimés, le complément de ce volume, nous espérons que l'on distinguera les lettres sur l'architecture ancienne et moderne, sur l'art théâtral, sur les économistes, sur le compositeur Monsigny et sur la musique française; la correspondance d'un officiergénéral, écrite sous les drapeaux et au bivouac; un commentaire de vers burlesques, composé par une femme, dans la juste mesure où n'a pas su rester le docteur Mathanasius', petite production aussi remplie de grace et d'esprit, que le Chef-d'œuvre d'un inconnu est fécond en érudition pédantesque et nauséabonde; enfin plusieurs autres articles inédits, dont la désignation serait superflue, et qui nous ont paru offrir une variété aussi agréable qu'instructive.

1. Saint-Hyacinthe, qui a publié, sous le nom de Mathanasius, le Chefd'œuvre d'un inconnu, en 2 vol.

Les volumes précédemment publiés ont fait suffisamment apprécier les qualités éminentes des deux correspondans des princes du Nord. Dans tout ce qui a rapport aux sciences, à la littérature, aux arts, à l'économie politique, quelquefois même à la législation, rien n'égale la profondeur de leur jugement, la sagacité de leur esprit, la finesse de leur goût, l'étendue et la justesse de leurs vues. On remarque même, jusque dans leurs sophismes les plus hardis, et dans leurs nombreuses inconséquences, une foule d'aperçus ingénieux et piquans, qui, à leur insu, tournent au profit de la vérité.

Mais on sait aussi que ces hommes, si supérieurs dans leurs jugemens sur toutes les productions de l'intelligence humaine, se sont constamment montrés, non-seulement détracteurs téméraires, mais ennemis violens et opiniâtres de toute religion et de tout culte. Toute la Correspondance déjà publiée en offre d'incontestables preuves. L'athéisme et le matérialisme y sont professés sans réserve et sans pudeur dans plusieurs articles, qui ont été à l'abri des rigueurs de la censure. Et, en effet, que pouvait-on redouter pour la religion de déclamations usées et de dissertations froidement sophistiques, lorsque les pamphlets même de Voltaire n'excitent plus que la satiété et l'ennui? Le triomphe éclatant. de la religion chrétienne, après un siècle d'incrédulité, et vingt-cinq années des plus cruelles persécutions, n'est-il pas la plus éloquente et la plus complète réfutation des fausses doctrines du dixhuitième siècle? Que signifient toutes les argumen

tations des athées et des matérialistes, après que leurs disciples, devenus les plus sanguinaires et les plus atroces des tyrans, ont proclamé l'Être Suprême et l'immortalité de l'ame? Que signifient les attaques contre l'autorité pontificale, lorsqu'elle est relevée et replacée sur ses antiques fondemens par le concours de tous les souverains de l'Europe, de ces mêmes princes, si divisés d'intérêts et de croyances, et si long-temps endoctrinés par leurs correspondans, prédicateurs en titre des synodes philosophiques?

Nous avons pensé que c'eût été attacher trop d'importance à des opinions décréditées, que d'écarter de ce recueil les articles qui en portent l'empreinte. La religion a vaincu des ennemis bien autrement redoutables que Grimm et Diderot, et non-seulement nous croyons que leurs écrits ne sont plus d'aucun danger, mais nous sommes persuadés que les inconséquences nombreuses et palpables qu'ils renferment, ne peuvent qu'accélérer le triomphe de la vérité.

<< Le genre humain ne peut rester dans l'état où il se trouve. Il s'agite, il est en travail, il a honte de lui-même, et cherche à remonter contre le torrent des erreurs, après s'y être abandonné avec l'aveuglement systématique de l'orgueil. »

L'opinion générale a confirmé ces réflexions, publiées, il y a déjà long-temps, par un grand écrivain'. Les tristes doctrines de l'athéisme et du ma

1. L'auteur des Considérations sur la France.

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térialisme sont universellement réprouvées par le bon sens, et même par la mode et le bon goût. Le système de Locke et de Condillac a perdu son crédit, et les extravagances du sensualisme ont été signalées par de jeunes professeurs dont la clarté et la solidité des principes n'égalent peut-être pas encore la science, le talent, la bonne foi et l'amour de la vérité. Mais c'est déjà un grand bienfait dont on leur est redevable, que d'avoir préservé les jeunes intelligences de la contagion du matérialisme, et de les avoir rendues avides de sentimens et de pensées propres à relever la dignité de l'homme. Ce triomphe du spiritualisme peut nous faire espérer celui d'une philosophie nouvelle, qui naîtra, selon les vœux du grand écrivain que nous venons de citer, « de l'alliance intime de la religion avec la science. >>

Loin de nous toutefois la pensée de nous ériger en régulateurs ou réformateurs des jugemens et des opinions, dont personne plus que nous ne respecte la liberté. Nous sommes restés constamment fidèles à la loi que nous nous sommes imposée en publiant la première partie de cette Correspondance, dans la préface de laquelle la règle de nos travaux se trouve expliquée de la manière suivante :

<< Sans nous établir les juges des opinions, nous n'avons cherché, ni à affaiblir, ni à combattre celles même dont l'expérience nous a démontré la fausseté et la dangereuse exagération; mais nous avons dû

1. MM. Cousin, Guizot et Villemain.

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