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La phrase est exacte, attendu que partir est une action passagère; mais je crois qu'en parlant d'une vérité, on ne s'exprimerait pas avec assez de justesse en disant : j'ai fait voir que Dieu était bon; que les trois angles d'un triangle étaient égaux à deux droits: il faudrait que Dieu est, etc., que les trois angles sont, etc., parce que ces propositions sont des vérités constantes, et indépendantes des temps.

On emploie encore le plus-que-parfait, quoique l'imparfait convînt quelquefois mieux après la conjonction si. Exemples: je vous aurais salué, si je vous avais vu. La phrase est exacte, parce qu'il s'agit d'une action passagère; mais celui qui aurait la vue assez basse, pour ne pas connaître les passants, dirait naturellement, si je voyais, et non pas, si j'avais vu, attendu que son état habituel est de ne pas voir. Ainsi on ne devrait pas dire : : il n'aurait pas souffert cet affront, s'il avait été sensible; il faut, s'il était, attendu que la sensibilité est une qualité permanente.

CHAPITRE XVII.

De l'Infinitif.

:

Il y a encore une inflexion au verbe, qui ne reçoit point de nombre ni de personnes, qui est celle qu'on appelle infinitif, comme esse, être; amare, aimer. Mais il faut remarquer que quelquefois l'infinitif retient l'affirmation, comme quand je dis scio malum esse fugiendum, je sais qu'il faut fuir le mal; et que souvent il la perd, et devient nom (principalement en grec et dans les langues vulgaires), comme quand on dit, le boire, le manger; et de même, je veux boire, volo bibere; car c'est-à-dire, volo potum ou potionem.

Cela étant supposé, on demande ce que c'est propre ment que l'infinitif, lorsqu'il n'est point nom et qu'il retient son affirmation, comme dans cet exemple, scio malum esse fugiendum. Je ne sais si personne a remarqué ce que je vais dire: c'est qu'il me semble que l'infinitif est entre les autres manières du verbe, ce qu'est le relatif entre les autres pronoms. Car, comme nous avons dit que le relatif a de plus que les autres. pronoms, qu'il joint la proposition dans laquelle il entre à une autre proposition, je crois de même que l'infinitif a, par-dessus l'affirmation du verbe, ce pouvoir de joindre la proposition où il est à une autre : car scio vaut seul une proposition, et si vous ajoutiez ma→ lum est fugiendum, ce serait deux pròpositions séparées; mais en mettant esse au lieu d'est, vous faites que la dernière proposition n'est plus que partie de la première, comme nous l'avons expliqué plus au long dans le chap. 9 du relatif.

Et de là est venu qu'en français nous rendons presque toujours l'infinitif par l'indicatif du verbe et la particule que je sais que le mal est à fuir. Et alors (comme nous avons dit au même lieu) ce que ne signifie que cette union d'une proposition avec une autre, laquelle union est en latin enfermée dans l'infinitif, et en français aussi, quoique plus rarement, comme quand on dit: il croit savoir toutes choses.

Cette manière de joindre les propositions par un infinitif, ou par le quòd et le que, est principalement en usage quand on rapporte les discours des autres ; comme si je veux rapporter que le roi m'a dit : je vous donnerai une charge, je ne ferai pas ordinairement ce rapport en ces termes : le roi m'a dit: je vous donnerai une charge, en laissant les deux propositions séparées, l'une de moi, et l'autre de roi; mais je les joindrai ensemble par un que: le roi m'a dit qu'il

me donnera une charge. Et alors, comme ce n'est plus qu'une proposition qui est de moi, je change la première personne, je donnerai, en la troisième, il donnera, et le pronom vous, qui me signifiait le roi parlant, au pronom me, qui me signifie moi parlant.

Cette union des propositions se fait encore par le si en français, et par an en latin, quand le discours qu'on rapporte est interrogatif; comme si on m'a demandé: pouvez-vous faire cela? je dirai en le rapportant: on m'a demandé si je pouvais faire cela. Et quelquefois sans aucune particule, en changeant seulement de personne; comme, il m'a demandé : qui êtes vous ? il m'a demandé qui j'étais.

Mais il faut remarquer que les Hébreux, lors même qu'ils parlent en une autre langue, comme les Evangé listes, se servent peu de cette union des propositions, et qu'ils rapportent presque toujours les discours directement, et comme ils ont été faits; de sorte que l'or, quòd, qu'ils ne laissent pas de mettre quelquefois, ne sert souvent de rien, et ne lient point les propositions, comme il fait dans les autres auteurs. En voici un exemple dans le premier chapitre de saint Jean: Miserunt Judæi ab Hierosolymis sacerdotes et levitus ad Joannem ut interrogarent eum: Tu quis es? Et confessus est et non negavit, et confessus est: quia (öri) non sum ego Christus. Et interrogaverunt eum: Quid ergo? Elias es tu? Et dixit: Non sum. Propheta es tu? Et respondit, non. Selon l'usage ordinaire de notre langue, on aurait rapporté indirectement ces demandes et ces réponses en cette manière: Ils envoyèrent demander à Jean qui il était. Et il confessa qu'il n'était point le Christ. Et ils lui demandèrent qui il était done: s'il était Elie, et il dit que non; s'il était prophète, et il répondit que non.

Cette coutume a même passé dans les auteurs-profanes, qui semblent l'avoir aussi empruntée des Hébreux. Et de là vient que l'or, comme nous l'avons déjà remarqué ci-dessus, chap. 9, n'a souvent parmi eux que la force d'un pronom dépouillé de son usage de liaison, lors même que les discours ne sont pas rapportés di

rectement.

REMARQUES.

Ceux qui ont fait dès Grammaires latines, se sont formé gratuitement bien des difficultés sur le que retranché: il suffisait de faire la distinction des idiotismes, la différence d'un latinisme à un gallicisme.

Les Latins ne connaissaient point la règle du que retranché; mais, comme ils employaient un nominatif pour suppôt des modes finis, ils se servaient de l'accusatif pour suppôt du mode indéfini: lorsqu'ils y mettaient un nominatif, c'était à l'imita, tion des Grecs, qui usaient indifféremment des deux cas,

Outre la propriété qu'a l'infinitif de joindre une proposition à une autre, il faut observer que le sens exprimé par un accusatif et un infinitif, peut être le sujet ou le terme de l'action d'une proposition principale. Dans cette phrase, magna ars non apparere artem, l'infinitif et l'accusatif sont le sujet de là proposition: empêcher l'art de paraître est un grand art.

Dans cette autre phrase, le terme de l'action d'un verbe actif est exprimé par le sens total d'un accusatif et d'un infi nitif : credo tuos ad te scripsisse littéralement, je crois vos, amis vous avoir écrit; et dans le tour français, je crois que vos amis vous ont écrit.

L'infinitif, au lieu du que, n'est pas rare en français, et il est quelquefois plus élégant. On dit plutôt, il prétend réussir dans son entreprise, que, il prétend qu'il réussira.

CHAPITRE XVIII.

Des Verbes qu'on peut appeler Adjectifs; et de leurs différentes espèces, Actifs, Passifs, Neutres.

Nous avons déjà dit que les hommes ayant joint, en une infinité de rencontres, quelque attribut particulier avec l'affirmation, en avaient fait ce grand nombre de verbes différents du substantif, qui se trouvent dans toutes les langues, et que l'on pourrait appeler adjectifs, pour montrer que la signification qui est propre à chacun, est ajoutée à la signification commune à tous les verbes, qui est celle de l'affirmation. Mais c'est une erreur commune, de croire que tous ces verbes signifient des actions ou des passions; car il n'y a rien qu'un verbe ne puisse avoir pour son attribut, s'il plaît aux hommes de joindre l'affirmation avec cet attribut. Nous voyons même que le verbe substantif sum, je suis, est souvent adjectif, parce qu'au lieu de le prendre comme signifiant simplement l'affirmation, on y joint le plus général de tous les attributs, qui est l'être; comme lorsque je dis : je pense, donc je suis, je suis signifie là sum ens, je suis un être, une chose. Existo, signifie aussi sum existens, je suis, j'existe.

Cela n'empêche pas néanmoins qu'on ne puisse retenir la division commune de ces verbes en actifs, passifs.

et neutres.

On appelle proprement actifs, ceux qui signifient une action à laquelle est opposée une passion, comme, battre, être battu; aimer, être aimé, soit que ces

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