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actions se terminent à un sujet, ce qu'on appelle action réelle, comme, battre, rompre, tuer, noircir, etc., soit qu'elles se terminent seulement à un objet, ce qu'on appelle action intentionnelle, comme, aimer, connaître, voir.

De là il est arrivé qu'en plusieurs langues les hommes se sont servis du même mot, en lui donnant diverses inflexions, pour signifier l'un et l'autre, appelant verbe actif celui qui a l'inflexion par laquelle ils ont marqué l'action, et verbe passif celui qui a l'inflexion par laquelle ils ont marqué la passion: amo, amor; verhero, verberor. C'est ce qui a été en usage dans toutes les langues anciennes, latine, grecque et orientales; et qui plus est, ces dernières donnent à un même verbe trois actifs, avec chacun leur passif, et un réciproque qui tient de l'un ou de l'autre, comme serait s'aimer, qui signifie l'action du verbe sur le même sujet du verbe. Mais les langues vulgaires de l'Europe n'ont point de passif, et elles se servent, au lieu de cela, d'un participe fait du verbe actif, qui se prend en sens passif, avec le verbe substantifje suis; comme, je suis aimé, je suis battu, etc.

Voilà pour ce qui est des verbes actifs et passifs.

Les Neutres, que quelques Grammairiens appellent Verba intransitiva, verbes qui ne passent point au dehors, sont de deux sortes:

Les uns qui ne signifient point d'action, mais ou une qualité, comme albet, il est blanc; viret, il est vert; friget, il est froid; alget, il est transi; tepet, il est tiède; calet, il est chaud, etc.;

Ou quelque situation: sedet, il est assis; stat, il est debout; jacet, il est couché, etc.;

Ou quelque rapport au lieu : adest, il est présent; abest, il est absent, etc.;

Ou quelque autre état ou attribut, comme : quiescit,

il est en repos; excellit, il excelle; præest, il est supé rieur; regnat, il est roi, etc.

Les autres verbes neutres signifient des actions, mais qui ne passent point dans un sujet (1) différent de celui qui agit, ou qui ne regardent point un autre objet, comme: dîner, souper, marcher, parler.

Néanmoins ces dernières sortes de verbes neutres deviennent quelquefois transitifs, lorsqu'on leur donne un sujet, comme, ambulare viam, où le chemin est pris pour le sujet de cette action. Souvent aussi dans le grec, et quelquefois aussi dans le latin, on leur donne pour sujet le nom même formé du verbe, comme : pugnare pugnam, servire servitutem, vivere vitam, etc.

Mais je crois que ces dernières façons de parler ne sont venues que de ce qu'on a voulu marquer quelque chose de particulier, qui n'était pas entièrement enfermé dans le verbe; comme quand on a voulu dire qu'un homme menait une vie heureuse, ce qui n'était pas enfermé dans le mot vivere, on a dit vivere vitam beatam; de même servire duram servitutem, et semblables: ainsi, quand on dit, vivere vitam, c'est sans doute un pléonasme, qui est venu de ces autres façons de parler. C'est pourquoi aussi dans toutes les langues nouvelles, on évite, comme une faute, de joindre le nom à son verbe, et l'on ne dit pas, par exemple, combattre un grand combat.

On peut résoudre par là cette question: si tout verbe non passif régit toujours un accusatif, au moins sousentendu. C'est le sentiment de quelques Grammairiens fort habiles, mais pour moi je ne le crois pas. Car, 1° les verbes qui ne signifient aucune action, mais

(1) Ici et dans les paragraphes suivants, le mot sujet est pris dans le sens de son étymologie (subjectus), et est synonyme d'objet (objectus). (Note de l'Éditeur.)

quelque état, comme quiescit, existit, ou quelque quar lité, comme, albet, calet, n'ont point d'accusatif qu'ils puissent régir; et pour les autres, il faut regarder si l'action qu'ils signifient a un sujet ou un objet, qui puisse être différent de celui qui agit; car alors le verbe régit le sujet,, ou: cet objet à l'accusatif. Mais quand l'action signifiée par le verbe n'a ni sujet, ni objet différent de celui qui agit, comme, dîner, prandere; souper, cœnare, etc., alors il n'y a pas assez de raison pour dire qu'ils gouvernent l'accusatif, quoique ces Grammairiens aient cru qu'on y sous-entendait l'infinitif du verbe, comme un nom formé par le verbe, vour lant, par exemple, que curro soit, ou curro cursum, ou curro currere: néanmoins cela ne paraît pas assez solide; car le verbe signifie tout ce que signifie l'infinitif pris comme nom, et de plus, l'affirmation et la désignation de la personne et du temps, comme l'adjectif candidus, blanc, signifie le substantif, tiré de l'adjectif, savoir, candor, la blancheur, et de plus, la connotation d'un sujet dans lequel est cet abstrait. C'est pourquoi il y aurait autant de raison de prétendre que, quand on dit homo candidus, il faut sous-entendre candore, que de s'imaginer que, quand on dit currit, il faut sous-entendre currere..

CHAPITRE XIX.

Des Verbes Impersonnels.

L'infinitif, que nous venons d'expliquer au chapitre précédent, est proprement ce qu'on devrait appeler Verbe impersonnel, puisqu'il marque l'affirmation, ce

qui est propre au verbe, et la marque indéfiniment sans nombre et sans personne, ce qui est proprement être impersonnel.

Néanmoins les Grammairiens donnent ordinairement ce nom d'impersonnel à certains verbes défectueux, qui n'ont presque que la troisième personne.

Ces verbes sont de deux sortes : les uns ont la forme de verbes neutres, comme pœnitet, pudet, piget, licet, lubet, etc.; les autres se font des verbes passifs, et en retiennent la forme, comme statur, curritur, amatur, vivitur, etc. Or ces verbes ont quelquefois plus de personnes que les Grammairiens ne pensent, comme on le peut voir dans la Méthode Lat., Remarques sur les verbes, chap. 5. Mais ce qu'on peut ici considérer, et à quoi peu de personnes ont peut-être pris garde, c'est qu'il semble qu'on ne les ait appelés impersonnels, que parce que, renfermant dans leur signification un sujet qui ne convient qu'à la troisième personne, il n'a pas été nécessaire d'exprimer ce sujet, parce qu'il est assez marqué par le verbe même, et qu'ainsi on a compris par le sujet, l'affirmation et l'attribut en un seul mot, comme: pudet me, c'est-à-dire, pudor tenet, ou est tenens me; pœnitet me, pœna habet me; libet mihi, libidoest mihi : où il faut remarquer que le verbe est n'est pas simplement là substantif, mais qu'il y signifie aussi l'existence; car c'est comme s'il y avait, libido existit mihi, ou est existens mihi: et de mème dans les autres impersonnels qu'on résout par est, comme: licet mihi, pour licitum est mihi; oportet orare, pour opus est orare, etc.

Quant aux impersonnels passifs, statur, curritur, vivitur, etc., on les peut aussi résoudre par le verbe est, ou fit, ou existit, et le nom verbal pris d'euxmêmes, comme statur, c'est-à-dire, statio fit, ou est facta, ou existit, curritur, cursus fit; concur

ritur, concursus fit; vivitur, vita est, ou plutôt vita agitur; si sic vivitur, si vita est talis, si la vie est telle; miserè vivitur, cùm medicè vivitur, la vie est misérable lorsqu'elle est trop assujétie aux règles de la médecine et alors est devient substantif, à cause de l'addition de miserè, qui fait l'attribut de la proposition; dum servitur libidini, c'est-à-dire, dum servitus exhibetur libidini, lorsqu'on se rend esclave de ses passions.

:

Par-là on peut conclure, ce semble, que notre langue n'a point proprement d'impersonnels; car quand nous disons, il faut, il est permis, il me plaît, cet il est là proprement un relatif qui tient toujours lieu du nominatif du verbe, lequel d'ordinaire vient après dans le régime; comme si je dis, il me plaît de faire cela, c'est-à-dire, il de faire, pour l'action ou le mouvement de faire cela me plaît, ou est mon plaisir : et partant cet il, que peu de personnes ont compris, ce me semble, n'est qu'une espèce de pronom, pour id, cela, qui tient lieu du nominatif sous-entendu ou renfermé dans le sens, et le représente de sorte qu'il est proprement pris de l'article il des Italiens, au lieu duquel nous disons le; ou du pronom latin ille, d'où nous prenons aussi notre pronom de la troisième personne il: il arme, il parle, il court, etc.

Pour les impersonnels passifs, comme amatur, curritur, qu'on exprime en français par on aime, on court, il est certain que ces façons de parler en notre langue sont encore moins impersonnelles, quoiqu'indéfinies; car M. de Vaugelas a déjà remarqué que cet on est là pour homme, et par conséquent il tient lieu du nominatif du verbe. Sur quoi on peut voir la Nouvelle Méthode latine, chap. 5, sur les verbes impersonnels.

Et l'on peut encore remarquer que les verbes des

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