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La maison que j'ai faite; la maison que j'ai fait faire.

Dans le premier exemple, l'auxiliaire et le participe régissent le pronom que, et ce pronom précède le participe. Dans le second exemple, c'est l'infinitif faire qui régit le pronom. Or, j'ai établi qu'il fallait que le pronom précédât le participe, et fût régi par l'auxiliaire et le participe, pour que ce participe fût déclinable.

Dans le premier exemple, je dis j'ai faite, parce que le participe est transitif. J'ai fait elle, et par conséquent que j'ai faite, puisque le pronom précède. Dans le second, je dis fait faire, parce que fait est intransitif; c'est l'infinitif faire qui est actif transitif. La difficulté vient donc de ne pas distinguer les cas où le verbe est transitif, de ceux où il ne l'est pas.

Ajoutons quelques exemples: Avez-vous entendu chanter la nouvelle actrice? Je l'ai entendue chanter; c'est-à-dire, j'ai entendu elle chanter ou chantant.

Avez-vous entendu chanter la nouvelle ariette? Je l'ai entendu chanter, c'est-à-dire, j'ai entendu chanter l'ariette. Dans le premier exemple, entendu est transitif; dans le second, c'est chanter.

Exemple: Une personne s'est présentée à la porte, je l'ai laissée passer; c'est-à-dire, j'ai laissé elle passer : mais on doit dire, je l'ai fait passer, et non pas faite; c'est-à-dire, j'ai fait passer elle.

Exemple: Avec des soins on aurait sauvé cette personne, on l'a laissée mourir; c'est-à-dire, on a laissé elle mourir : mais on doit dire, le remède l'a fait mourir; c'est-à-dire, a fait mourir elle.

Il y a une quantité d'occasions où fait est intransitif, c'est lorsqu'il ne forme qu'un mot avec l'infinitif qui le suit : ces cas sont aisés à distinguer, avec de la justesse et de la précision.

Je crois avoir assez discuté cette question, et suffisamment établi et développé le principe: cependant, si un usage contraire s'établissait par la pluralité des écrivains connus, je regarderais alors comme une règle l'usage qui serait contraire à mon sentiment.

J'ai exposé mon principe à l'Académie, et à quelques-uns de ceux qui seraient faits pour en être; on m'a fait toutes les

objections qui pouvaient le vérifier; et je suis en droit de penser que j'ai satisfait à toutes.

Si l'on avait quelques scrupules sur des autorités, on doit se souvenir que Malherbe, Vaugelas, Regnier, etc., ne sont pas d'accord entre eux, et donnent des doutes plutôt que des déci→ sions, parce qu'ils ne s'étaient pas attachés à chercher un principe fixe. D'ailleurs, quelque respectable que soit une autorité en fait de science et d'art, on peut toujours la soumettre à l'examen. On n'aurait jamais fait un pas vers la vérité, si l'autorité eût toujours prévalu sur la raison.

CHAPITRE XXIII.

Des Conjonctions et Interjections.

La seconde sorte de mots qui signifient la forme de, nos pensées, et non pas proprement les objets de nos pensées, sont les conjonctions, comme et, non, vel, si, ergo, et, non, ou, si, donc. Car si on y fait bien réflexion, on verra que ces particules ne signifient que l'opération même de notre esprit, qui joint ou disjoint les choses, qui les nie, qui les considère absolument, ou avec condition. Par exemple, il n'y a point d'objet dans le monde hors de notre esprit, qui réponde à la particule non; mais il est clair qu'elle ne marque autre chose que le jugement que nous faisons qu'une chose n'est pas une autre.

De même ne, qui est en latin la particule de l'interrogation, aïs-ne? dites-vous? n'a point d'objet hors de notre esprit, mais marque seulement le mouvement de notre âme, par lequel nous souhaitons de savoir une chose.

Et c'est ce qui fait que je n'ai point parlé du pronom interrogatif, quis, quæ, quid? parce que ce n'est autre chose qu'un pronom, auquel est jointe la signification de ne; c'est-à-dire, qui, outre qu'il tient la place d'un nom, comme les autres pronoms, marque de plus ce mouvement de notre âme qui veut savoir une chose et qui demande d'en être instruite. C'est pourquoi nous voyons que l'on se sert de diverses choses pour marquer ce mouvement. Quelquefois cela ne se connaît que par l'inflexion de la voix, dont l'écriture avertit par une petite marque qu'on appelle la marque de l'interrogation, et que l'on figure ainsi (?).

En français nous signifions la même chose en mettant les pronoms, je, vous, il, ce, après les personnes des verbes; au lieu que dans les façons de parler ordinaires, ils sont avant. Car si je dis : j'aime, vous aimez, il aime, c'est, cela signifie l'affirmation; mais si je dis, aimé-je? aimez-vous? aime-t-il? est-ce? cela signifie l'interrogation d'où il s'ensuit, pour le marquer en passant, qu'il faut dire, sens-je? lis-je? et non pas, senté-je ? lisé-je ? parce qu'il faut toujours prendre la personne que vous voulez employer, qui est ici la première, je sens, je lis, et transporter son pronom pour en faire un interrogant.

Et il faut prendre garde que, lorsque la première personne du verbe finit par un e féminin, comme j'aime, je pense, alors cet e féminin se change en masculin dans l'interrogation, à cause de je qui le suit, et dont l'e est encore féminin, parce que notre langue n'admet jamais deux e féminins de suite à la fin des mots. Ainsi il faut dire aimé-je, pense-je, manqué-je? et au contraire il faut dire aimes-tu, pense-t-il, manque-t-il? et semblables.

:

Des Interjections.

Les interjections sont des mots qui ne signifient aussi rien hors de nous; mais ce sont seulement des voix plus naturelles qu'artificielles, qui marquent les mouvements de notre âme, comme ah!ô! heu! hélas ! etc.

CHAPITRE XXIV.

De la Syntaxe, ou Construction des Mots ensemble.

Il reste à dire un mot de la syntaxe, ou construction des mots ensemble, dont il ne sera pas difficile de donner des notions générales, suivant les principes que nous avons établis.

La construction des mots se distingue généralement en celle de convenance, quand les mots doivent convenir ensemble, et en celle de régime, quand l'un des deux cause une variation dans l'autre.

La première, pour la plus grande partie, est la même dans toutes les langues, parce que c'est une suite naturelle de ce qui est en usage presque partout pour mieux distinguer le discours.

Ainsi la distinction des deux nombres, singulier et pluriel, a obligé d'accorder le substantif avec l'adjectif en nombre, c'est-à-dire, de mettre l'un au singulier ou au pluriel, quand l'autre y est; car le substantif étant le sujet qui est marqué confusément, quoique directement, par l'adjectif, si le mot substantif marque plusieurs, il y a plusieurs sujets de la forme marquée par l'adjectif, et par conséquent il doit être au pluriel: homines docti, hommes doctes.

Ia distinction du féminin et du masculin a obligé de même de mettre en même genre le substantif et l'adjectif, ou l'un et l'autre, quelquefois au neutre, dans les langues qui en ont; car ce n'est que pour cela qu'on a inventé les genres.

Les verbes, de même, doivent avoir la convenance des nombres et des personnes avec les noms et les pronoms.

Que s'il se rencontre quelque chose de contraire en apparence à ces règles, c'est par figure, c'est-à-dire, en sous-entendant quelque mot, ou en considérant les pensées plutôt que les mots mêmes, comme nous le dirons ci-après.

La syntaxe de régime, au contraire, est presque tout arbitraire, et par cette raison se trouve très-différente dans toutes les langues : car les unes font les régimes par les cas; les autres, au lieu de cas, ne se servent que de petites particules qui en tiennent lieu, et qui ne marquent même que peu de ces cas, comme en français et en espagnol on n'a que de et à qui marquent le génitif et le datif; les Italiens y ajoutent da pour l'ablatif. Les autres cas n'ont point de particules, mais le simple article, qui même n'y est pas toujours.

On peut voir sur ce sujet ce que nous avons dit cidessus des prépositions et des cas.

Mais il est bon de remarquer quelques maximes générales, qui sont de grand usage dans toutes les langues.

La première, qu'il n'y a jamais de nominatif qui n'ait rapport à quelque verbe exprimé ou sous-entendu, parce que l'on ne parle pas seulement pour marquer ce que l'on conçoit, mais pour exprimer ce que l'on pense de ce que l'on conçoit, ce qui se marque par le verbe.

La deuxième, qu'il n'y a point aussi de verbe qui n'ait son nominatif exprimé ou sous-entendu, parce

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