Imágenes de páginas
PDF
EPUB

une idée déjà exprimée, mais en la modifiant, en la restreignant, en l'étendant, en lui donnant plus de force, en y joignant enfin quelqu'autre idée accessoire. Par exemple, Louis XII, le bon roi Louis XII, marque encore plus expressément la bonté de ce prince, 'que si l'on disait simplement le bon roi Louis XII, sans répéter le nom propre pour ajouter l'épithète de bon, qui fixe l'attention sur la bonté. Je l'ai vu de mes yeux, est une assertion plus forte, et vaut quelquefois mieux que si l'on disait simplement, je l'ai vu.

La réduplication du régime dans ce vers de Racine,

Eh! Que m'a fait, à moi, cette Troie où je cours?

marque non seulement qu'Achille n'avait point d'intérêt personnel dans la guerre, mais il le distingue d'Agamemnon, dont on fait sentir l'intérêt direct. Ces sortes de pléonasmes, loin d'être des défauts, ont leur mérite, pourvu qu'on ne les emploie qu'à propos. Il faut bien les distinguer de la diffusion, qui n'est qu'une répétition de la même idée en différents termes, ou une accumulation d'idées communes et inutiles à l'intelligence de celle qu'on veut présenter.

L'hyperbate est un tour particulier qu'on donne à une période, et qui consiste principalement à faire précéder une proposition par une autre qui, dans l'ordre naturel, aurait dû la suivre. Par exemple, il y a hyperbate et ellipse dans ces vers de Racine:

Que, malgré la piété dont je me sens saisir,

Dans le sang d'un enfant je me baigne à loisir ;

Non, Seigneur..

Les deux vers, en précédant, Non, Seigneur, forment l'hyperbate; et il y a ellipse, puisqu'après, Non, Seigneur, on sousentend n'espérez pas, ne prétendez pas.

Comme toutes les Grammaires particulières sont subordonnées à la Grammaire générale, on aurait pu multiplier ou étendre les remarques beaucoup plus qu'on n'a fait; mais ne s'agissant ici que de principes généraux, on a cru devoir se renfermer dans les applications qui suffisent pour développer ces principes.

AVERTISSEMENT.

On n'a point parlé dans cette Grammaire, des mots dérivés ni des composés, dont il y aurait encore beaucoup de choses très-curieuses à dire, parce que cela regarde plutôt l'ouvrage d'un DICTIONNAIRE GÉNÉRAL, que de la Grammaire générale. Mais on est bien aise d'avertir que, depuis la première impression de ce livre, il s'en est fait un autre intitulé, LA LOGIQUE OU L'ART DE PENSER, qui, étant fondé sur les mêmes principes, peut extrêmement servir pour l'éclaircir, et prouver plusieurs choses qui sont traitées dans celui-ci.

1

1

4

LOGIQUE.

SECONDE PARTIE

Contenant les Réflexions que les hommes ont faites sur leurs jugements,

CHAPITRE PREMIER.

Des Mots par rapport aux Propositions.

Comme nous avons dessein d'expliquer ici les diverses remarques que les hommes ont faites sur leurs jugements, et que ces jugements sont des propositions qui sont composées de diverses parties, il faut commencer par l'explication de ces parties, qui sont principalement les Noms, les Pronoms et les Verbes.

Il est peu important d'examiner si c'est à la Grammaire ou à la Logique d'en traiter, et il est plus court de dire que tout ce qui est utile à la fin de chaque art lui appartient, soit que la connaissance lui en soit particulière, soit qu'il y ait aussi d'autres arts et d'autres sciences qui s'en servent.

Or, certainement il est de quelque utilité pour la fin de la Logique, qui est de bien penser, d'entendre les divers usages des sons qui sont destinés à signifier les

idées, et que l'esprit a coutume d'y lier si étroitement que l'une ne se conçoit guère sans l'autre ; en sorte que l'idée de la chose excite l'idée du son, et l'idée du son celle de la chose.

On peut dire en général sur ce sujet, que les mots sont des sons distincts et articulés, dont les hommes ont fait des signes pour marquer ce qui se passe dans leur esprit.

Et comme ce qui se passe se réduit à concevoir, juger, raisonner et ordonner, ainsi que nous l'avons déjà dit, les mots servent à marquer toutes ces opérations; et pour cela on en a inventé principalement de trois sortes, qui sont essentiels, dont, nous nous contenterons de parler; savoir : les Noms, les Pronoms et les Verbes qui tiennent la place des noms, mais d'une manière différente ; et c'est ce qu'il faut expliquer ici plus en détail.

Des Noms.

Les objets de nos pensées étant, comme nous avons déjà dit, ou des choses, ou des manières des choses, les mots destinés à signifier tant les choses que les manières s'appellent noms.

Ceux qui signifient les choses, s'appellent noms substantifs, comme terre, soleil; ceux qui signifient les manières, en marquant en même temps le sujet auquel elles conviennent, s'appellent noms adjectifs, comme bon, juste, rond.

C'est pourquoi, quand par une abstraction de l'esprit on conçoit ces manières sans les rapporter à un certain sujet, comme elles subsistent alors en quelque sorte dans l'esprit par elles-mêmes, elles s'expriment par un mot substantif, comme sagesse, blancheur, couleur.

Et au contraire, quand ce qui est de soi-même sub

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »