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· Cœlum non animum mutant qui trans mare currunt, ceux qui passent les mers ne changent que de pays, et non pas d'esprit.

La vérité de cette sorte de proposition dépend de la vérité de toutes les deux parties, et de la séparation qu'on y met; car, quoique les deux parties fussent vraies, une proposition de cette sorte serait ridicule, s'il n'y avait point entre elles d'opposition, comme si je disais :

Judas était un larron, et néanmoins il ne put souffrir que Madelaine répandit ses parfums sur Jésus-Christ.

Il peut y avoir plusieurs contradictoires d'une proposition de cette sorte, comme si on disait :

Ce n'est pas des richesses, mais de la science que dépend le bonheur.

On peut contredire cette proposition en toutes ces manières :

Le bonheur dépend des richesses et non pas de la

science.

Le bonheur ne dépend ni des richesses ni de la science.

Le bonheur dépend des richesses et de la science. Ainsi l'on voit que les copulatives sont contradictoires des discrétives, car ces deux dernières propositions sont copulatives.

CHAPITRE X.

Des propositions composées dans le sens.

Il y a d'autres propositions composées, dont la composition est plus cachée, et on les peut réduire à ces quatre sortes exclusives, exceptives, comparatives, = inceptives ou désitives.

DES EXCLUSIVES.

On appelle exclusives celles qui marquent qu'un attribut convient à un sujet, et qu'il ne convient qu'à ce seul sujet, ce qui est marquer qu'il ne convient pas à d'autres; d'où il s'ensuit qu'elles enferment deux jugements différents, et que par conséquent elles sont composées dans le sens. C'est ce qu'on exprime par le mot seul, ou autre semblable, ou en français il n'y a : Il n'y a que Dieu seul aimable pour lui-même.

Deus solus fruendus, reliqua utenda.

C'est-à-dire, nous devons aimer Dieu pour lui-même, et n'aimer les autres choses que pour Dieu. Quas dederis solas semper habetis opes,

Les seules richesses qui vous demeureront toujours seront celles que vous aurez données libéralement. Nobilitas sola est atque unica virtus,

La vertu fait la noblesse, et tout autre chose ne rend point vraiment noble.

Hoc unum scio quòd nihil scio (disaient les Académiciens),

Il est certain qu'il n'y a rien de certain, et il n'y a qu'obscurité et incertitude en toute autre chose.

Lucain, parlant des druides, fait cette proposition disjonctive composée de deux exclusives :

Solis nosse deos et cœli numina vobis,

Aut solis nescire datum est.

Ou vous connaissez les dieux, quoique tous les autres les ignorent,

Ou vous les ignorez, quoique tous les autres les connaissent.

Ces propositions se contredisent en trois manières :

car,

1° On peut nier que ce qui est dit convenir à un seul sujet, lui convienne en aucune sorte.

2° On peut soutenir que cela convient à autre chose.

3o On peut soutenir l'un et l'autre.

Ainsi contre cette sentence, la seule vertu est la vraie noblesse, on peut dire :

1° Que la seule vertu ne rend point noble.

2° Que la naissance rend noble aussi bien que la

vertu.

3° Que la naissance rend noble, et non la vertu.

Ainsi cette maxime des Académiciens : que cela est certain qu'il n'y a rien de certain, était contredite différemment par les Dogmatiques et par les Pyrrhoniens. Car les Dogmatiques la combattaient, en soutenant que cela était doublement faux, parce qu'il y avait beaucoup de choses que nous connaissions trèscertainement, et qu'ainsi il n'était point vrai que nous fussions certains de ne rien savoir; et les Pyrrhoniens disaient aussi que cela était faux, par une raison contraire, qui est que tout était tellement incertain, qu'il était même incertain s'il n'y avait rien de certain.

C'est pourquoi il y a un défaut de jugement dans ce que Lucain dit des druides, parce qu'il n'y a point de

?

nécessité que les seuls druides soient dans la vérité au regard des dieux, ou qu'eux seuls soient dans l'erreur; car pouvant y avoir diverses erreurs touchant la nature de Dieu, il se pouvait fort bien faire que, quoique les druides eussent des pensées touchant la nature de Dieu différentes de celles des autres nations, ils ne fussent pas moins dans l'erreur que les autres nations.

Ce qui est ici de plus remarquable, est qu'il y a souvent de ces propositions qui sont exclusives dans le sens, quoique l'exclusion ne soit pas exprimée; ainsi ce vers de Virgile, où l'exclusion est marquée :

Una salus victis nullam sperare salutem,

a été traduit heureusement par ce vers français, dans lequel l'exclusion est sous-entendue :

Le salut des vaincus est de n'en point attendre.

Néanmoins il est bien plus ordinaire en latin qu'en français de sous-entendre les exclusions: de sorte qu'il y souvent des passages qu'on ne peut traduire dans toute leur force, sans en faire des propositions exclusives, quoiqu'en latin l'exclusion n'y soit pas marquée. Ainsi, 2. Cor. xx, 17. Qui gloriatur in Domino glorietur, doit être traduit: que celui qui se glorifie, ne se glorifie qu'au Seigneur.

Galat. vi, 7. Quæ seminaverit homo hæc et metet: l'homme ne recueillera que ce qu'il aura semé.

Ephés. v. 5. Unus Dominus, una fides, unum baptisma: il n'y a qu'un Seigneur, qu'une foi, qu'un baptême.

Mat. v, 46. Si diligitis eos qui vos diligunt, quam mercedem habebitis ? si vous n'aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense en mériterez-vous ?

Senèque dans la Troade: nullas habet spes Troja, si tales habet: si Troie n'a que cette espérance, elle n'en a point; comme s'il y avait : si tantùm tales habet.

DES EXCEPTIVES.

Les exceptives sont celles où on affirme une chose de tout un sujet, à l'exception de quelqu'un des inférieurs de ce sujet, à qui, on fait entendre par quelque particule exceptive que cela ne convient pas; ce qui, visiblement, enferme deux jugements, et ainsi rend ces propositions composées dans le sens, comme si je dis :

Toutes les sectes des anciens philosophes hors celle des Platoniciens, n'ont point reconnu que Dieu fût sans corps.

Cela veut dire deux choses: la première, que les philosophes anciens ont cru Dieu corporel; la seconde, que les Platoniciens ont cru le contraire.

Avarus, nisi cùm moritur, nihil rectè facil:

L'avare ne fait rien de bien, si ce n'est de mourir.

Est miser nemo, nisi comparatus:

Nul ne se croit misérable, qu'en se comparant à de plus heureux.

Nemo læditur nisi à seipso:

Nous n'avons de mal que celui que nous nous faisons à nous-mêmes.

Excepté le sage, disaient les Stoïciens, tous les hommes sont vraiment fous.

Ces propositions peuvent être contredites de même que les exclusives :

1° En soutenant que le sage des Stoïciens était aussi fou que les autres hommes.

2o En soutenant qu'il y en avait d'autres que ce sage qui n'étaient point fous.

3o En prétendant que ce sage des Stoïciens était fou, et que d'autres hommes ne l'étaient pas.

Il faut remarquer que ces propositions exclusives et

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