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les exceptives ne sont presque que la même chose, quoique exprimée un peu différemment: de sorte qu'il est toujours fort aisé de les changer réciproquement les unes aux autres; et ainsi, nous voyons que cette exceptive de Térence,

Imperitus, nisi quod ipse facit, nihil rectum putat, a été changée par Cornélius Gallus, en cette exclusive: Hoc tantum rectum quod facit ipse putat.

DES COMPARATIVES.

Les propositions où l'on compare enferment deux jugements, parce que c'en sont deux, de dire qu'une chose est telle, et de dire qu'elle est telle plus ou moins qu'une autre ; et ainsi ces sortes de propositions sont composées dans le sens :

Amicum perdere, est damnorum maximum :

La plus grande de toutes les pertes, est de perdre un ami.

Ridiculum acre

Fortiùs ac meliùs magnas plerùmque secat res:

On fait souvent plus d'impression dans les affaires mêmes les plus importantes par une raillerie agréable, que par les meilleures raisons.

Meliora sunt vulnera amici, quàm fraudulenta oscula inimici :

Les coups d'un ami valent mieux que les baisers trompeurs d'un ennemi.

On contredit ces propositions en plusieurs manières, comme cette maxime d'Epicure, la douleur est le plus grand de tous les maux, était contredite d'une sorte par les Stoïciens, et d'une autre, par les Péripatéticiens car les Péripatéticiens avouaient que la douleur était un mal; mais ils soutenaient que le vice et les autres déréglements d'esprit étaient de bien plus grands

:

maux, au lieu que les Stoïciens ne voulaient même pas reconnaître que la douleur fût un mal, bien loin d'avouer que ce fût le plus grand de tous les maux.

Mais on peut traiter ici une question, qui est de sa-0 voir s'il est toujours nécessaire que dans ces propositions le positif du comparatif convienne à tous les deux membres de la comparaison; et s'il faut, par exemple, supposer que deux choses soient bonnes, afin de pouvoir dire que l'une est meilleure que l'autre.

Il semble, d'abord, que cela devrait être ainsi; mais l'usage est au contraire, puisque nous voyons que l'Ecriture se sert du mot de meilleur, non seulement en comparant deux biens ensemble : melior est sapientia quàm vires, et vir prudens quàm fortis : la sagesse vaut mieux que la force, et l'homme prudent que l'homme vaillant ;

Mais aussi en comparant un bien à un mal : melior est patiens arrogante: un homme patient vaut mieux qu'un homme superbe.

Et même en comparant deux maux ensemble: meliùs est habitare cum dracone, quàm cum muliere litigiosa: il vaut mieux demeurer avec un dragon qu'avec une femme querelleuse. Et dans l'Evangile : il vaut mieux être jcté dans la mer une pierre au cou, que de scandaliser le moindre des fidèles.

La raison de cet usage est qu'un plus grand bien est meilleur qu'un moindre, parce qu'il a plus de bonté qu'un moindre bien. Or, pour la même raison, on peut dire, quoique moins proprement, qu'un bien est meilleur qu'un mal, parce que ce qui a de la bonté en a plus que ce qui n'en a point. Et on peut dire aussi qu'un moindre mal est meilleur qu'un plus grand mal, parce que la diminution du mal tenant lieu de bien dans les maux, ce qui est moins mauvais a plus de cette sorte de bonté que ce qui est plus mauvais.

P

Il faut donc éviter de s'embarrasser mal à propos par la chaleur de la dispute à chicaner sur ces façons de parler, comme fit un Grammairien donatiste nommé Cresconius, en écrivant contre saint Augustin, car ce saint ayant dit que les catholiques avaient plus de raison de reprocher aux donatistes d'avoir livré les livres sacrés, que les donatistes n'en avaient de le reprocher aux catholiques: traditionem nos vobis probabiliùs objicimus. Cresconius s'imagina avoir droit de conclure de ces paroles, que saint Augustin avouait par-là que les donatistes avaient raison de le reprocher aux catholiques: si enim vos probabiliùs, disait-il, nos ergo probabiliter; nam gradus iste quod ante positum est auget, non quod ante dictum est improbat. Mais saint Augustin réfute premièrement cette vaine subtilité par des exemples de l'Ecriture, et entr'autres par ce passage de l'épître aux Hébreux, où saint Paul ayant dit que la terre qui ne porte que des épines était maudite, et ne devait attendre que le feu, il ajoute: confidimus autem de vobis, fratres carissimi, meliora; non quia, dit ce Père, bona illa erant quæ supra dixerat, proferre spinas et tribulos et ultionem mereri, sed magis quia mala erant, ut illis devitatis meliora eligerent et optarent; hoc est, mala tantis bonis contraria. Et il lui montre ensuite, par les plus célèbres auteurs de son art, combien la conséquence était fausse, puisqu'on aurait pu de la même sorte reprocher à Virgile, d'avoir pris pour une bonne chose la violence d'une maladie qui porte les hommes à se déchirer avec leurs propres dents, parce qu'il souhaite une meilleure fortune aux gens de bien :

Dii meliora piis, erroremque hostibus illum!
Discissos nudis laniabant dentibus artus.

Quomodo ergo meliora piis, dit ce père, quasi

bona essent istis, ac ron potiùs magna malu, qui discissos nudis laniabant dentibus artus.

DES INCEPTIVES OU DESITIVES.

Lorsqu'on dit qu'une chose a commencé ou cessé d'être telle, on fait deux jugements, l'un de ce qu'était cette chose avant le temps dont on parle, l'autre de ce qu'elle est depuis et ainsi ces propositions dont les unes sont appelées inceptives, et les autres désitives, sont composées dans le sens, et elles sont si semblables, qu'il est plus à propos de n'en faire qu'une espèce, et de les traiter ensemble.

Les Juifs ont commencé depuis le retour de la captivité de Babylone à ne se plus servir de leurs caractères anciens, qui sont ceux qu'on appelle

maintenant samaritains.

La langue latine a cessé d'être vulgaire en Italie depuis 500 ans.

Les Juifs n'ont commencé qu'au cinquième siècle depuis Jésus-Christ à se servir des points pour mar quer les voyelles.

Ces propositions peuvent être contredites selon l'un et l'autre rapport aux deux temps différents : ainsi il y en a qui contredisent cette dernière, en prétendant, quoique faussement, que les Juifs ont toujours eu l'usage des points, au moins pour les lire, et qu'ils étaient gardés dans le temple; et d'autres la contredisent, en prétendant au contraire que l'usage des points est même plus nouveau que le cinquième siècle.

RÉFLEXION GÉNÉRALE.

Quoique nous ayons montré que ces propositions exclusives, exceptives, etc., pouvaient être contredites

en plusieurs manières, il est vrai néanmoins que, quand on les nie simplement sans s'expliquer davantage, la négation tombe naturellement sur l'exclusion, ou l'exception, ou la comparaison, ou le changement marqué par les mots commencer et cesser. C'est pourquoi si une personne croyait qu'Epicure n'a pas mis le souverain bien dans la volupté du corps, et qu'on lui dît, que le seul Epicure y a mis le souverain bien; s'il le niait simplement, sans ajouter autre chose, il ne satisferait pas à sa pensée, parce qu'on aurait sujet de eroire sur cette simple négation, qu'il demeure d'accord qu'Epicure a mis en effet le souverain bien dans la volupté du corps, mais qu'il ne le croit pas seul de cet avis.

De même, si, connaissant la probité d'un juge, on me demandait, s'il ne vend plus la justice, je ne pourrais pas répondre simplement par non, parce que le non signifierait qu'il ne la vend plus, mais laisserait croire en même temps que je reconnais qu'il l'a autrefois vendue.

Et c'est ce qui fait voir qu'il y a des propositions auxquelles il serait injuste de demander qu'on y répondit' simplement par oui ou par non, parce qu'en formant deux sens, on n'y peut faire de réponse juste qu'en s'expliquant sur l'un et sur l'autre.

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