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et même sur ce qu'on appelle les idiotismes, qui ne me paraissent pas dépendre de ce qu'il plaît à l'auteur des Jugements, de nommer caprice des nations (1).

Donnez-moi des grammairiens philosophes, tels que les Ar ́. nauld, les Girard, les d'Olivet, les Duclos, les Du Marsais; tels que les Sanctius, les Scioppius, les Perizonius, les Vossius: ils rendront toujours raison de ce que le commun des grammairiens regardent comme bizarrerie de la langue, ou comme inconstance de l'usage.

Pour exprimer ces deux diverses idées : ce cheval est sorti de l'écurie, on a sorti ce cheval de l'écurie, citées pour exemples dans les Jugements (2), l'esprit et la langue donnent au même verbe deux acceptions différentes : voilà l'effet d'une métaphysique subtile, fine, pour certaines personnes, mais en même temps bien naturelle et bien intelligible pour d'autres. Ce n'est pas par un pur caprice, comme le prétend l'auteur des Jugements, mais c'est par un effet de la même métaphysique, qu'on dit en latin : illos pudebit; c'est de même que si l'on disait, illos pudor tenebit, ou pudor pudebit illos, ou bien res pudebit, id est, pudore illos afficiet. Térence a dit dans les Adelphes, non te hæc pudent? c'est comme s'il avait dit, non te hæc pudore tenent? Plaute, dans sa Casine, a dit: ita nunc pudeo, c'est-à-dire, pudorem habeo. Le même Plaute dit ailleurs (3): et me quidem hæc conditio non pœnitet. Il aurait pu dire : hujus conditionis me non pœnitet. Le prétendu caprice disparaît de cette phrase, dès qu'on la tourne, et qu'on l'explique suivant les règles de la construction raisonnée : pœna hujus conditionis non tenet me; autrement, hæc conditio, vel, res hujus conditionis non afficit me pœnâ ; je ne suis point fâche de mon état, ou, ma condition ne me fait point de peine.

En voilà assez, si je ne me trompe, pour faire entrevoir au lecteur comment je dirige mon travail, et jusqu'où je porte mes réflexions.

Au reste, dans un ouvrage si intéressant, si critique et si difficile, il ne serait pas étonnant qu'il fût échappé à mon attention ou à mes lumières, quelqu'erreur ou quelque omission; et, malgré les soins que j'ai pris pour mettre de l'ordre et de la variété dans les matières, de la correction et de la précision dans le style, je

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RÉFLEXIONS

SUR LES FONDEMENTS

DE L'ART DE PARLER,

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SUPPLEMENT

A LA

GRAMMAIRE GÉNÉRALE ET RAISONNÉE of 2011. Job of af ammo Joan's

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ne doute point qu'on n'y trouve encore bien des choses à réformer. C'est aux censeurs éclairés à en juger, et c'est à moi à profiter de leurs avis pour perfectionner mon ouvrage, si je parviens à une seconde édition.

Je le peux dire avec le savant et humble M. Rollin, dont j'ai eu l'avantage de prendre les leçons au Collège royal: Si le désir de plaire au public, en tâchant de rendre quelque service à la jeunesse, est un titre pour mériter ses suffrages, j'ose, par cet endroit, me flatter de n'être pas tout-à-fait indigne de son approbation (1).

(1) A la fin de l'Avertissement du troisième tome du Traité des études.

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RÉFLEXIONS

SUR LES FONDEMENTS

DE L'ART DE PARLER,

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SUPPLEMENT

A LA

GRAMMAIRE GÉNÉRALE ET RAISONNÉE.

Il est intéressant de considérer les sons et les caractères des signes inventés pour faire connaître ce que nous pensons; mais en même temps il est de la dernière importance d'examiner l'usage que nous faisons de ces signes pour exprimer nos pensées, soit de vive voix, soit par écrit. C'est ce que la Grammaire générale et raisonnée nous fait observer avec un ordre admirable. D'abord elle nous expose la nature ou le matériel des signes de nos pensées, en quoi consiste la mécanique des langues: sujet de la première partie, qui ne comprend que six chapitres. Ensuite elle nous explique la signification ou le spirituel des signes de nos pensées, en quoi consiste la métaphysique des langues: objet de la seconde partie, distribuée en vingt-quatre chapitres.

<< Sans la double convention qui attacha les idées aux voix, et les voix à des caractères, dit M. Diderot (1), tout restait au-dedans de l'homme, et s'y éteignait. »>

(1) Encyclopédie, tome V, page 637,

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