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CHAPITRE II.

Des Consonnes.

Dans la Grammaire du P. Buffier (1), on trouve une table des sons, faite d'après celle de Port-Royal. La différence qu'il y a de l'une à l'autre, c'est que la table de Port-Royal ne contient que les sons simples exprimés par des consonnes en caractères latins et vulgaires, grecs et hébraïques; au lieu que celle du P. Buffier renferme les sons simples exprimés et par des voyelles, et par des consonnes. Il fait l'application de ces sons à des mots français, allemands, anglais, italiens, espagnols, partagés en autant de colonnes, et rangés sur la même ligne que le son auquel ils ont rapport, pour en faciliter la prononciation aux étrangers (2); mais ce Père a oublié l'ó ouvert (3), et c'est ce qui fait que sa table, aulieu de trentetrois sons qu'il promet, n'en contient réellement que trentedeux. Ce même Père, en admettant avec M. l'abbé de Dangeau six consonnes fortes et six consonnes faibles, s'est contenté d'opposer en général le g au k, sans distinguer le g mou du g dur, ni le q fort du q faible, comme ils sont en effet distingués dans les exemples cités par M. Boindin (4). G est mou dans gueule, et dur dans guenon; q est fort dans que, et il est faible dans queue. Monsieur l'abbé de Dangeau et le P. Buffier ne comptent que deux sons mouillés; savoir: celui de gn dans mignon, règne, et celui de ill qui se prononce ferme dans œillet, paille. Mais il est certain, continue M. Boindin (5), qu'il y a un troisième mouillé qui se prononce faible(1) N° 220.

(2) Edition de 1731.

(3) Le son nasal on, qu'il voudrait y substituer, n'est usité ni à la cour, ni à la ville, dit M. Boindin, pages 44 et 49, Sur les sons de la langue.

(4) Page 30..

(5) Page 32.

ment; savoir: :y dans ayeul, payen. C'est ce mouillé faible que le peuple de Paris substitue au mouillé fort de ill, en prononçant nonchalamment Versayes pour Versailles. M. Restaut (1), qui relève cette négligence parisienne, sans reconnaître le mouillé faible y, dit que `gn équivaut à une seule n dans les mots signer, assigner, assignation, que l'on prononce comme s'il y avait siner, assiner, assination. « Cependant l'usage prétendu conforme, tolérable tout au plus, ne paraît pas assez établi pour avoir force de loi; et en tout cas, cela devrait toujours être restreint à la conversation familière. » (2)

Le même M. Restaut (3) pouvait profiter de la Méthode pour apprendre à lire, et en extraire l'observation suivante (4). On ne prononce point r à la fin des mots terminés en ier et en er, tels que pâtissier, boulanger, etc., e y a le son fermé; mais r se prononce avec un son ouvert dans fier, mer, amer, désert, dessert, concert, etc. On fait sonner r à la fin des mots en ar, eur, oir, our, ur, comme César, honneur, soir, jour, mur, sur, préposition, se prononce sans r devant une consonne, courez sur lui. Quand r est double, on n'en prononce qu'une, arroser, arrét, arriver, arrondir, excepté dans arrogant, irréconciliable, irriter, irrémissible, erroné, et dans le futur et le conditionnel présent de ces trois verbes : j'acquerrai, je courrai, je mourrai ; j'acquerrais, je courrais, je mourrais.

Concluons de toutes ces observations (5), que nous avons en français vingt et une consonnes, sept faibles, sept fortes, deux nasales, deux liquides et trois mouillées, non compris le caractère h: quand il marque aspiration, il a en quelque sorte les propriétés d'une consonne, puisqu'il empêche que la voyelle dont il est précédé, ne s'élide devant celle dont il est suivi. On peut donc appeler l'h aspirée consonne, et ce n'est point abuser des termes, que de lui donner cette déno

(1) Page 26.

(2) Journal des savants, avril 4745, page 722.

(3) Pages 531 et 538.

(4) Page 35.

(5) Voyez la Liste que M. Duclos donnne des consonnes, page 21.

mination; car, selon M. l'abbé de Dangeau, aux caractères des consonnes vous pouvez ajouter l'h, qui sert à marquer l'aspiration dans hasard, dans Rohan, etc. Dans sa liste des consonnes h est la dernière.

D'ailleurs, M. Fourmont l'aîné, dans sa Grammaire chinoise (1), admet cinq sortes de consonnes pour toutes les langues (2): 1° les labiales, comme b, f, m, p, v; 2° les linguales, comme d, t, l, n; 3° les palatiales, comme j, g, gn, cou k; 4° les dentales ou sifflantes; 5o la gutturale ou aspi→ rative h: mais sans compter cette dernière, vingt et une con→ sonnes jointes à vingt et une voyelles, fourniront quarantedeux sous en notre langue.

M. l'abbé d'Olivet dit (3) que « plusieurs de nos grammairiens ont fait des règles qui apprennent quand la lettre h est aspirée ou non, mais que ces règles sont difficiles à retenir, et sujettes à beaucoup d'exceptions. >>

Il n'y a pourtant, à ce qu'assure un fameux critique, qu'une règle très-aisée, et sans exception (4): c'est que dans tous les mots français qui commencent par une h, et qui sont dérivés du grec ou du latin, l'h n'est jamais aspirée. C'est précisément le contraire dans tous les mots dont l'origine est barbare; «< pour s'en convaincre, dit-il, on n'a qu'à jeter les yeux sur cette longue liste que quelques grammairiens nous donnent des h aspirées et non aspirées: je n'y vois qu'une seule exception, qui est au mot héros... Cette règle est donc, conclue-t-il, infaillible et générale. >>

On voit dans l'abbé Regnier (5), que cette règle n'est rien moins qu'infaillible et générale. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à jeter des yeux attentifs sur cette longue liste d'h aspirées que M. l'abbé d'Olivet, M. Restaut, etc., nous donnent; le mot héros n'est pas, assurément, la seule exception qu'on y

trouvera.

Hagard est dérivé du grec ¿ypòs, terre, äyptos, sauvage;

(1) In-folio, chez Guerin, 1744.

(2) Jugements sur les ouvrages nouveaux, tome IV, page 38.

(3) Prosodie, page 36.

(4) Jugements sur les ouvrages nouveaux, tome II, pages 143 et 149. (5) Page 30.

halbran, canard sauvage, de λ,, la mer, et de ẞpévoos, oiseaux; hâle, de λos, selon les Doriens, pour 105, soleil, ou de άxéos, chaud, άλɛα, chaleur; halle, de ¿λws, salle, place, portique; l'allemand hall en vient aussi; harasser, de åpásGety; harnais, de apvaxis, peau d'agneau dont on les garnit; l'allemand arnitch en vient aussi; harpe et harpie viennent de ἁρπάζω ; herse vient de ερκιον, εἴργω, enfermer; empêcher; héron vient de épwdtov, oiseau de proie; hiérarchie (et non pas iérarchie, comme le prétendent les PP. Bouhours et Buffier) vient de iɛpòs, saint, et de άpyǹ ordre, préséance, hoqueton vient de -xrov, la tunique, la ca

saque, etc.

Haleter vient du latin halitus; hennir, de hinnire; hennissement, de hinnitus; hardi, de ardeo, ou de grec xapdía, cœur, en changeant x en h; hernie, de hernia; haut, altus, etc.

de

Voilà bien des mots dérivés du grec et du latin, et dont cependant l'h est toujours aspirée.

Hermine, hélas, etc., sont des mots barbares, c'est-à-dire, dont l'origine n'est ni latine, ni grecque, et cependant leur h n'est pas aspirée. La règle de l'auteur des Jugements est donc fausse et sujette à beaucoup d'exceptions. On a donné raison d'assurer avec l'abbé Regnier, que c'est de l'usage seul dont on peut apprendre toutes les dilicatesses de la prononciation de l'h. Il était donc plus court et plus sûr de rapporter, comme M. l'abbé d'Olivet, une liste exacte des mots où l'h est aspirée, que d'aller chercher dans les Observations sur les écrits modernes, une conjecture qui ne peut être que frivole et mal fondée.

Selon M. Restaut (1), « l'h n'est point aspirée dans les mots français qui dérivent des langues (2) grecque et latine, et qui commencent par une h dans ces trois langues : comme heure, hora, homme, homo, et semblables; de cette règle générale, il n'en faut excepter que trois, savoir : héros, harpie, hennir, dans lesquels l'h est aspirée. » A cela je réponds: 1° quoique le caractère majuscule H et minuscule »,

(1) Préf. Dictionnaire orthographique. Poitiers, page 33. (2) Il a voulu dire de la langue grecque ou de la latine.

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éta, qui vient de heth aspirative hébraïque, ait été longtemps le signe de l'aspiration chez les Grecs, et que ce soit de là que les Latins et les Français ont pris leur h aspirée, il ne s'ensuit pas qu'il y ait des mots qui commencent par une h dans la langue grecque, comme dans la latine et dans la française; 2° cette règle n'est pas générale, elle souffre beaucoup plus de trois exceptions, comme je viens de le démontrer par des exemples qui paraissent suffisants..

Les Italiens ont trois lettres de moins que nous (1), le k, lex et l'y. Ils suppléent au k par c ou ch, aux par s, et à l'y par i.

Les Chinois, qui ont quelques autres consonnes particulières, ne connaissent ni le b, ni le d, ni le r.

Toutes les langues ont un alphabet, peu de lettres et un grand nombre de mots. « Il n'en est pas de même de la langue des Chinois, dit M. Fourmont l'aîné; ils n'ont point d'alphabet leurs lettres sont toutes hiéroglyphiques et innombrables; ils ont peu de mots, et chacun de ces mots a plusieurs significations fort différentes. Chez presque tous les peuples, l'analogie est entre les mots chez les Chinois, l'analogie est entre les caractères. » Quoique la langue chinoise soit purement caractéristique, et qu'elle ne connaisse point d'alphabet, M. Fourmont en suppose un, comme les doctes chinois le supposent, ce qui facilite les éléments de cette langue.

Selon Eusèbe, cité par Masclef dans sa Grammaire hébraïque, et par M. Du Marsais dans l'Encyclopédie, à l'article Alphabet, les Grecs ont pris leurs lettres des Hébreux et des Phéniciens (2): Id ex græcá singulorum elementorum appellatione quivis intelligit. Quid enim aleph ab alpha magnopere differt? quid autem betha à beth, vel hetha ab heth? etc.

Quoique l'on écrive et que l'on prononce aujourd'hui en latin bravium, dérivé de ẞpaletov, et paraclitus de пxpázánтos, cela ne prouve point que l'on prononça ainsi autrefois : le passage d'Eusèbe fait voir au contraire que les anciens ne donnaient pas au betha des Grecs le son de v consonne, ni

(1) Grammaire pratique de M. l'abbé Antonini. (2) Præparat. évangel., livre X, chapitre VI.

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