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à l'hetha le son de l'i voyelle, puisque le beth et l'heth des Hébreux n'ont jamais eu ces sons-là.

Selon la Grammaire générale et raisonnée (1), l'aleph valait autrefois un a, et maintenant il n'a aucun son propre; la prononciation est donc sujette à variation dans les langues mortes comme dans les langues vivantes.

CHAPITRE III.

Des Syllabes.

Puisque les deux sons du mot Dieu ne font qu'une syllabe, la syllabe a donc quelquefois plus d'un son. Ce n'est donc pas la définir exactement, que de dire comme Port-Royal, que c'est un son complet, ou, comme M. Restaut, que c'est un son qui ne se partage point.

M. l'abbé Girard définit la syllabe (2), un son simple ou composé, prononcé avec toutes les articulations par une seule impulsion de voix.

« Perte, dit cet académicien, est de deux syllabes, parce que l'articulation ou la consonne t, qui n'est point de la suite du premier e, forme avec le second une nouvelle syllabe. Saül, Baal, pieux, continue-t-il, sont de deux syllabes, parce qu'après la prononciation d'a et i, il se fait une aspiration ou un nouveau petit mouvement d'organes pour former et pousser les sons u, a et eu; au lieu que le mot Dieu n'est que d'une syllabe, parce que le son i est prononcé conjointement avec le son eu, sans petit mouvement ou aspiration intermédiaire. »

Lorsqu'il n'y a qu'une impulsion de voix, il y a unité de prononciation, et par conséquent une seule syllabe; lorsqu'il y a plusieurs impulsions de voix, il y a pluralité de pronon

(1) Voyez A et le mot consonne dans l'Encyclopédie. (2) Voyez Vrais principes, tome I, page 12.

ciation, et par conséquent plusieurs syllabes. « Ce qui fait voir, ajoute le même académicien, que la syllabe résulte proprement de l'union des consonnes avec les voyelles, en considérant l'aspiration comme une espèce de consonne, ou qu'on représente par le caractère particulier h, ou qu'on suppose suffisamment marquée par le caractère du son dont elle est le préliminaire indispensable,» surtout dans certains mots, comme dans onzième.

ils ne

Mais de l'union des voyelles faite sans aucune interruption, soit de consonnes propres, soit d'aspiration, il résulte un son composé ou double, appelé diphthongue, Sipoovyos, bis sonans. Les monosyllabes dieux, lieux, yeux, sont de cette espèce; ainsi ils ne renferment pas une triphthongue, font pas entendre trois sons en une seule impulsion de voix. Août même est monophthongue, il se prononce comme le son simple ou (1); beau se prononce comme bo. Où done M. de Launay a-t-il vu que nous avons des tétraphthongues ou syllabes à quatre sons réunis?

Suivant M. Fourmont l'aîné (2), dans toutes les autres langues, les syllabes sont composées de voyelles qui précèdent ou qui suivent les consonnes, ou qui sont entre deux; dans la langue de la Chine, tous les mots sont monosyllabes; ils commencent tous par une consonne, jamais par une voyelle, et ne finissent jamais par une consonne; par conséquent, si l'on veut rendre en chinois nos polysyllabes européens, il est nécessaire de les couper, de les tronquer, parce qu'un mot, un nom propre, qui serait seulement de deux syllabes, blesserait une oreille chinoise. Il en est de même de nos noms qui commencent par une voyelle, comme Alexandre, ou qui finissent par une consonne, comme César, Louis, Frédéric, etc. Le seul moyen de prononcer ces mots à la Chine est de les chiniser, comme nous francisons des noms allemands ou hongrois.

La langue chinoise n'a que trois cent vingt-six ou vingthuit mots, tous monosyllabes; mais chaque mot a cinq tons,

(1) Du Marsais, Tropes, page 90, et Restaut, page 19.

(2) Voyez l'Extrait de cette Grammaire dans les Jugements sur les ouvrages nouveaux, tome IV, page 24, etc.

et

ce qui produit la valeur de quatorze ou seize cents mots, suffit pour l'usage ordinaire de la société. Un nombre pareil suffirait pour toutes les nations, et a peut-être suffi autrefois à toutes; mais l'invention des arts, la découverte de mille choses naturelles, le raffinement des pensées et des sentiments, ont multiplié les mots. Cela n'a rien changé à la Chine; c'est toujours le même nombre de mots auquel était bornée l'enfance du monde. Il n'y a eu de changement et d'augmentation que dans les figures des caractères, et dans la combinaison des mots.

CHAPITRE IV.

Des Accents.

Pour ce qui est de l'accent, l'exemple des Chinois nous fait voir de quelle délicatesse l'oreille est capable, puisque chez eux le même mot n'étant que d'une syllabe, peut avoir jusqu'à onze sens différents, selon la différence de la prononciation.

Quiconque serait assez difficile pour ne se pas contenter de l'excellent Précis que M. Duclos nous a donné sur les accents, peut lire tout ce qu'ont écrit sur cette matière M. Lancelot dans la Méthode grecque et dans la latine, M. l'abbé d'Olivet dans sa Prosodie, M. Boindain dans ses Réflexions, et M. Du Marsais dans l'Encyclopédie. J'ajouterai seulement un mot sur la ponctuation.

Le P. Buffier (1) ne s'est pas exprimé exactement, quand il a avancé que la ponctuation, ou la manière d'employer divers signes pour distinguer différentes parties du discours, a été introduite en ces derniers siècles dans la Grammaire. Il semble faire entendre que la ponctuation n'a été ni connue,

(1) N° 975.

ni pratiquée par les anciens (1). C'est apparemment là ce qui a trompé M. Restaut, et l'a déterminé à assurer que la ponctuation a été inconnue aux Grecs et aux Latins, qu'elle a été introduite par les grammairiens des derniers siècles.

Avant que l'impression fût en usage, il est vrai que les copistes ignorants ou paresseux écrivaient tout de suite, et sans aucune interruption; mais il ne s'ensuit pas de là que la ponctuation ne soit pas d'un usage fort ancien. Elle a été pratiquée et enseignée par les Hébreux, comme on le peut lire dans la Grammaire hébraïque de Masclef, etc.; par les Grecs, comme Aristote le fait voir dans sa Réthorique ; par les Latins, comme le montrent Cicéron (2) dans le Dialogue de l'Orateur, Quintilien dans ses Institutions, Saint Isidore de Séville dans son Livre des Origines, fait au commencement du septième siècle, c'est-à-dire, bien avant nos plus anciens manuscrits.

Ce ne sont donc pas nos grammairiens modernes qui ont introduit la ponctuation; ils n'ont fait que la rétablir d'une manière un peu différente de ce qu'elle était autrefois. Les anciens, outre le point, qu'ils plaçaient tantôt au bas, tantôt au milieu, et tantôt au haut de la lettre finale, ce qui répondait à notre virgule, à nos deux points et à notre point, avaient, aussi bien que nous, plusieurs autres signes de ponctuation. M. Rollin dit (3) qu'il n'est pas jusqu'à la ponctuation et aux accents dont les anciens ne fissent un usage très-utile.

La Touche, dans l'Avertissement de la seconde édition de l'Art de bien parler français, fait de justes reproches à l'abbé Regnier de ce qu'il n'a rien dit de la ponctuation.

<< Il y a peu de différence, dit M. Diderot (4), entre l'art de bien lire et celui de bien ponctuer. Le repos de la voix dans le discours, et les signes de la ponctuation dans l'écriture, se correspondent toujours, indiquent également la jonction ou la disjonction des idées, et suppléent à une infinité d'expressions. >>

(1) Chapitre XVI, page 508.

(2) Je dois cette réflexion à M. Du Marsais.

(3) Histoire ancienne, tome XI, partie II, page 594.
(4) Voyez le mot encyclopédie, tome V de l'Encyclopédie.

CHAPITRE V.

Des Lettres considérées comme Caractères.

Les remarques de M. Duclos sur l'écriture, sont curieuses et vraiment philosophiques. Cet académicien soutient la nouvelle orthographe par des raisons très-plausibles. En relevant les défauts de l'ancienne, il indique des moyens qui paraissent fort propres à y remédier; mais peut-être étend-il trop loin la réforme à ce sujet. Sous prétexte de rapprocher l'orthographe de la prononciation, il semble qu'il veuille assujétír les gens de lettres à écrire le français de la manière négligée et confuse dont l'écrivent la plupart des femmes qui n'ont point appris leur langue par principes.

Il ne faudrait avoir égard qu'à la manière de prononcer les mots, et non à la source d'où ils viennent (1), si celle-ci n'influe en rien sur la prononciation, qui est le seul but de l'orthographe; l'écriture ne doit que peindre la parole, qui est son original; elle ne doit point doubler les traits de cet original, ni lui en donner qu'il n'a pas, ni s'obstiner à le peindre à présent tel qu'il était il y a plusieurs années.

Les maîtres à écrire, pour multiplier les jambages, dont la suite rend l'écriture plus unie et plus agréable à la vue, ont introduit une seconde n dans bone, comme ils ont introduit une seconde m dans home: ainsi on écrit communément, homme, honneur, etc.; mais ces lettres redoublées sont contraires à l'analogie, et ne servent qu'à multiplier les difficultés pour les étrangers et pour les gens qui apprennent à lire (2). A l'égard du principe de redoubler la consonne pour avertir que la voyelle précédente est brève, il est généralement reconnu pour le plus faux, le plus inutile et le plus déraisonnable; mais le Grammairien philosophe (3) enseigne qu'il faut

(1) Voyez consonne et la lettre B dans l'Encyclopédie. (2) Sons de la langue, de M. Boindin, page 79.

(3) M. Du Marsais.

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