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1° Comme de en français, dans le sens de ce Grammairien, n'est pas plus la marque du génitif que de l'ablatif, voici, ce me semble, comme il aurait dû s'exprimer : « Le génitif ou l'ablatif des articles partitifs se forme par la simple addition du mot de, qui est la nature de ces cas. »

2o La règle que M. Restaut veut établir ici, est manisfestement fausse; car, de son propre aveu, on a dit et on dit au génitif, comme à l'ablatif, de pain, de viande, de bon pain, de bonne viande, d'esprit, d'eau, d'honneurs; voilà l'usage constant. On n'a jamais dit de du pain, de de la viande, de de bon pain, de de bonne viande, de de l'esprit, de de l'eau, de des honneurs; on n'a donc jamais été dans le cas de faire une contraction absurde et chimérique, pour éviter la prétendue rudesse d'une prononciation barbare qui n'est qu'imaginaire, puisqu'elle n'a jamais été usitée. Le génitif et l'ablatif des articles partitifs ne se forment donc point par l'addition d'un double de.

L'erreur de M. Restaut a sans doute été occasionnée par la page 68 de la Grammaire raisonnée (1). Pour bien juger de cette remarque, il faut se rappeler ce qui est dit 1o pages 58 et 66 (2): « La langue française n'a pas proprement de cas ni dans les noms, ni dans les articles; » 2o page 68 (3): « de et à sont non seulement des marques du génitif et du datif, mais aussi des prépositions qui servent encore à d'autres rapports; » c'est-à-dire que de et à, avec leur régime, servent non seulement aux rapports marqués en latin par le génitif et le datif, mais encore à d'autres rapports exprimés par des prépositions suivies de leur complément; car, quand on dit, il est sorti de la ville; il est allé ou il demeure à la campagne, de ne marque pas le même rapport que le génitif, mais il exprime le même rapport que l'une des prépositions de, ab, ex, énoncée ou sous-entendue: egressus est de, ab, ex urbe; à ne marque pas le même rapport que le datif, mais il exprime le même rapport que la préposition ad ou in, énoncée ou sous-entendue, abiit ad, ou in villam, manet in villá.

(1) Présente édition.

(2) Ibid. (3) Ibid.

Puisque les noms et les articles français n'ont point de cas, le mot un, pris comme nom ou comme article, n'a donc point de cas : il paraît donc fort inutile de prendre tant de peine pour expliquer de quelle manière devraient se former des cas qui n'existent point en notre langue : Grammatico non tam despiciendum quid potuit fieri, quàm quod factum sit, dit Vossius (1).

Quand l'usage a mis de la différence entre les choses, dit fort bien M. l'abbé Girard (2), l'une ne peut être la règle de l'autre. Le mot un n'a pas de pluriel formé de lui-même, des ou de est pris d'ailleurs : il n'y a donc ici aucune analogie, et on ne devrait point y en chercher.

Comme de et à ne sont que des prépositions qui servent à indiquer (3), non divers cas, mais divers rapports; comme la diversité des cas latins s'exprime en français (4), soit par le seul arrangement des termes, soit par le sens qui résulte de leur assemblage, il faut examiner, non les cas, mais les rapports exprimés par de et à; nous reconnaîtrons alors que la raison eût été choquée autant que l'oreille, si l'on eût dit : la punition de des crimes horribles; il est accusé de de grands crimes.

Dans le premier exemple, j'ai substitué ces mots la punition à ceux-ci il est accusé, parce que, comme il s'agit de la formation du génitif, ce n'est qu'à la suite d'un nom substantif ou de l'équivalent que de peut être la marque du génitif, dans le système de Port-Royal et de M. Restaut; car à la suite du verbe accuser, de doit être la marque de l'ablatif. Au second exemple, j'ai laissé les mots il est accusé, afin que l'on trouve un modèle des deux prétendus cas.

L'Ancien que Port-Royal cite en cet endroit, est Cicéron, qui, dans son Traité intitulé Orator, dit (5) : impetratum est (non à ratione, mais) à consuetudine, ut peccare suavitatis causâ liceret: on a obtenu de l'usage (6) qu'il fût permis de

(1) De Art. gram., livre V, chapitre II.

(2) Tome II, page 219.

(3) Tome I, page 196.

(4) Regnier, pages 169 et 219.

(5) N° 157, édition de Brocas.

(6) N° 159, édition de Colin.

faire un solécisme pour adoucir la prononciation, pour flatter l'oreille.

La Grammaire générale et raisonnée dit (1) que des est quelquefois génitif pluriel de l'article le, et quelquefois nominatif, accusatif, ablatif ou datif du pluriel de l'article un. Il ne manque donc au mot des que d'être vocatif pour marquer tous les cas. N'est-ce pas là indiquer bien nettement l'usage que l'on doit faire de la préposition de, incorporée avec l'article le, la, les? 譬

Il faut convenir que le docte Lancelot a répandu ici et ailleurs, sur les idées du savant Arnauld, une obscurité qui est inconcevable, et qui paraît incompatible avec tant de principes lumineux dont ce petit livre est rempli.

CHAPITRE VIII.

Des Pronoms.

Individua substantia (ut physicè dicamus) meliùs et peculariùs explicatur per tria hæc pronomina, ego, tu, ille, quàm per nomina propria. Cùm enim dico, ego, nominem alium poteris intelligere. At cùm dico, Franciscus, etiam in alium potest transmitti intellectus (2).

On spécifie plus proprement chaque individu par les pronoms que par quelque nom que ce soit, parce que, lorsque je dis, par exemple, moi, il est impossible qu'on entende aucune autre personne.

Dans les discours où les personnes et les choses sont considérées comme présentes, elles peuvent être directement désignées par les pronoms. Lorsque je dis à quelqu'un je vous prie, donnez-moi cela, il est certain que les pronoms je, vous, moi, cela, désignent, marquent alors par eux-mêmes (3) la personne qui parle, celle à qui l'on parle, et (1) Présente édition, page 69. (2) F. Sanctii Minerva, page 15. (3) Regnier, pages 226 et 229.

la chose que l'on demande : donc, en ce cas-là, on ne peut pas dire qu'ils soient mis à la place du nom.

« Le pronom n'est qu'un vice-gérant, dont le devoir consiste à figurer à la place d'un autre, et à remplir les fonctions de substitut; les pronoms ne sont pas des dénominations précises, ils ne présentent point d'images décidées, leur propre valeur n'est qu'un renouvellement d'idées qui désigne sans peindre, dit M. l'abbé Girard (1). »

A cela, M. Du Marsais oppose que le pronom est quelque chose de plus qu'un vice-gérant, dont le devoir consiste à figurer à la place d'un autre ; car c'est souvent par le pronom que commence le discours, en français comme en latin : ille ego, ast ego, etc. ; je soussigné un tel, certifie, reconnais, etc.; moi le Roi, io el Re, ainsi signe le roi d'Espagne.

D'ailleurs, en bien des occasions, mettez le nom même à la place de ce prétendu vice-gérant, et vous verrez qu'il s'en faut bien qu'alors le nom exprime toute l'idée, tout le point de vue de l'esprit, et tout le sentiment de celui qui parle.

Qui, moi, j'aurais voulu, honteuse, méprisée,

D'un peuple qui me hait, soutenir la risée!

J'ai voulu, elc.

Mettez le nom à la place du vice-gérant, ce que vous perdrez du fond même de la pensée et de l'énergie vous fera voir que le pronom est quelque chose de plus qu'un simple substitut. Ce n'est donc pas donner une juste idée des pronoms, que de dire simplement qu'ils se mettent à la place du nom. Selon cette définition, tous les mots dans un sens figuré seraient autant de pronoms : ainsi, quand on dit cent voiles pour ·cent vaisseaux, voiles serait un pronom ; et quand les auteurs disent Cérès pour le pain, Bacchus pour le vin, Vulcain pour le feu, Jupiter pour l'air, etc., Cérès, Bacchus, Vulcain et Jupiter, seraient autant de pronoms. Il est donc vrai que les pronoms sont les dénominations précises des personnes, et qu'ils ne consistent pas simplement dans un renouvellement d'idées, « Souvent, dit l'abbé Regnier (2), les pronoms spéci

(1) Tome I, pages 47 et 283,

(2) Page 228.

fient bien précisément les personnes ; les pronoms personnels ne désignent pas simplement les dénominations, ne se mettent pas simplement au lieu du nom, mais ils désignent, ils marquent la personne même, ils se mettent au lieu de la personne même. » Le pronom sert donc quelquefois à marquer par lui-même une personne ou une chose; mais son usage le plus ordinaire est de servir à la place du nom d'une personne ou d'une chose, et alors il a toujours la même signification que le nom au lieu duquel on l'emploie.

Qui, quiconque, celui, ne tiennent jamais seuls la place du nom: chacun d'eux n'exprime pas de lui-même un objet déterminé dont on puisse rien affirmer, à moins qu'ils ne soient accompagnés de quelqu'autre mot, et surtout d'un verbe; par exemple: celui qui travaille mérite récompense, ou quiconque fait du mal en reçoit. Le P. Buffier appelle ees sortes de pronoms, qui n'expriment l'objet qu'en partie, pronoms incomplets, pour les distinguer des pronoms qui expriment entièrement un objet, tels que moi, vous, lui, celui-ci (1). << Tous les mots, dit-il, qui marquent simplement un sujet dont on peut affirmer quelque chose, sont des noms. Outre le nom particulier que chacun porte, et par lequel on le désigne, il s'en donne un autre plus commun quand il parle lui-même de soi, et ce nom en français est moi ou je. Les noms plus communs moi, vous, lui, sont appelés pronoms, parce qu'ils s'emploient pour les noms particuliers et en leur place. >>

M. l'abbé Girard (2), pour expliquer la syntaxe des pronoms démonstratifs celui-ci et celui-là, donne en exemple la phrase suivante:

Léon X et François 1er se firent par le Concordat chacun un beau présent : mais celui-ci demanda ce qu'il pouvait prendre, et celui-là obtint ce qu'il ne pouvait demander.

Le pronom réciproque est celui qui s'emploie avec les verbes qui signifient l'action de deux ou de plusieurs sujets -qui agissent les uns sur les autres réciproquement, comme «

(1) N° 82 et 96.

(2) Tome I, page 342.

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