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dans ces phrases: Pierre et Paul s'aiment l'un l'autre, Jacques et Jean se battent ensemble.

Mais dans les phrases où le sujet qui agit, agit sur luimême, comme Pierre s'aime, Caton s'est tué, le pronom que l'on joint au verbe doit être appelé pronom réfléchi. Ce que 1 M. Restaut dit à ce sujet mérite d'être lu, aussi bien que ce qu'il dit sur chacun des autres pronoms en particulier.

A l'occasion de la table des pronoms, nous allons ajouter quelques remarques à celles de Port-Royal (1).

<< Il est vrai, dit l'abbé Regnier (2), que le datif et l'accusatif du pronom il, se mettent ordinairement après les verbes qui sont à l'impératif; mais ils ne s'y mettent pas toujours, car on peut parler à l'impératif, ou en commandant, ou en défendant, c'est-à-dire, ou sans négation, comme quand on dit, allez, ou avec négation, comme quand on dit, n'allez pas.. Or, ces trois phrases, dites-lui, menez-le, conduisez-la, sont bonnes, parce qu'elles expriment un commandement sans négation; mais dès qu'on joint la négation au verbe pour exprimer une défense, la situation du pronom change, et il faut s'exprimer ainsi : ne lui dites pas, ne le menez pas, ne la conduisez pas.

«<< De plus, dans la première sorte d'impératif, on peut encore, si l'on veut, mettre le datif et l'accusatif du pronom avant le verbe, quand cet impératif en suit un autre, et s'y trouve joint avec une particule conjonctive ou disjonctive, comme: allez la quérir et la conduisez, allez la trouver ou lui mandez. Les mots en et y suivent la même forme de construction, ils se mettent toujours après un impératif simple, prenez-en, allez-y; ils peuvent se mettre devant ou après un second impératif, allez-là et y demeurez, choisissez des étoffes et en apportez, quoiqu'il soit plus ordinaire de dire, demeurez-y, apportez-en. Mais dès que l'impératif est précédé d'une négation, alors en et y se mettent toujours devant le verbe, n'en prenez pas, n'y allez pas, etc. »>

Le même abbé Regnier (3) avoue que se ne se dit jamais

(1) Présente édition, page 81.

(2) Page 242, etc.

(3) Page 241.

V

S

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qu'avant le verbe, mais il soutient qu'il y a une occasion où me et te ne se mettent jamais qu'après le verbe qui les régit; c'est lorsqu'après ce verbe employé à l'impératif sans négation, me et te sont suivis du mot en, devant lequel ils perdent leur voyelle, et prennent une apostrophe, comme dans les exemples suivants: parlez-m'en, donnez-m'en, réjouis-t'en, a afflige-t'en, et dans une infinité d'autres façons de parler pareilles, qui sont constamment employées. Puisque moi et toi ne peuvent souffrir suppression de voyelle, ni prendre d'apostrophe, ce sont nécessairement me et te dont il faut se servir. Cela étant, la raison alléguée contre M. de Vaugelas, que menez-m'y n'est pas français, parce que menez-me ne l'est pas, devient nulle; car si elle était vraie, on ne pourrait pas dire, faites-m'en part, donnez-m'en, parce qu'on ne dit pas faites-me, donnez-me. Si on veut rechercher pourquoi me, suivi de en, se met après le verbe, et pourquoi il ne s'y met pas, suivi de y, on trouvera que c'est moins pour éviter la cacophonie que pour suivre le caprice de l'usage, qui permet de dire, il m'y a mené, et qui ne veut pas qu'on dise menezm'y, il faut dire menez-moi là.

Il y a une autre occasion où me et te, joints au mot en, se mettent devant le verbe à l'impératif; c'est quand ce verbe est précédé d'une négation, comme: ne me quittez pas, ne m'en parlez pas, ne te désiste pas, ete.

Selon M. l'abbé d'Olivet, il n'y a qu'un cas où me doive être mis après le verbe dans les propositions affirmatives; c'est quand il est suivi de en, parlez-m'en; car dans les négatives, me va toujours devant le verbe, ne m'en parlez pas. Ce dernier académicien n'avait qu'à dire aussi de te ce qu'il a dit de me et sa réflexion eût été tout-à-fait semblable à celle du premier.

M. Restaut (1) et M. Vallart (2) paraissent adopter l'erreur de la Grammaire raisonnée, l'un en disant que me, te, se, prennent l'apostrophe avant les verbes, et l'autre en avançant que me et te se mettent après les impératifs.

Si l'un et l'autre avaient fait attention à la remarqué de

(1) Page 518.

(2) Page 162.

M. l'abbé Regnier, ils n'auraient pas donné comme générale une règle à laquelle il y a une exception si expresse.

« Le principe de la troisième remarqué n'est pas toujours vrai (1), car l'usage veut que l'on se serve au datif de la particule à avec le verbe parler, et qu'on dise, voulez-vous parler à lui, parlez un peu à moi. Outre cela, il faut toujours mettre à moi et à lui avec l'impératif de tous les verbes actifs qui sont accompagnés d'un autre pronom personnel, comme: adressez-vous à lui, confiez-vous à moi.

<< Il est faux que le datif du pronom personnel, il, elle, ne se doive dire ordinairement que des personnes, car rien n'est plus ordinaire que d'employer lui et leurs au datif en parlant des bêtes et des choses. Ainsi on dit fort bien d'un cheval: il faut lui appuyer les éperons, ou il faut lui tendre la main. On dit fort bien : cette plante demande à être arrosée, il faut lui donner de l'eau; ces orangers ont besoin d'eau, il faut leur en donner.

« Véritablement on ne dit pas d'une maison : je lui ai ajouté un pavillon, je ne puis vivre sans elle. Cependant ces deux façons de parler, qui, étant employées toutes seules, sont très-vicieuses, peuvent être rendues très-bonnes, si elles sont amenées et préparées par d'autres phrases qui ne puissent convenir proprement qu'aux personnes. Ainsi un homme qui aime fort une maison qu'il a embellie, dira: j'y ai fait de grandes dépenses, mais elle m'en dédommage bien, car je lui dois toute ma santé et tout mon repos; je ne vivrais pas sans elle.

« Le pronom, il, elle, outre les datifs, lui et leur, en a encore d'autres qui sont, à lui, à elle, à eux, à elles; ce sont proprement ces sortes de datifs qui ne s'appliquent qu'aux personnes, et dont on ne se sert qu'abusivement en parlant des choses et des bêtes. Ce n'est aussi d'ordinaire qu'abusivement qu'on peut, en parlant ou des bêtes ou des choses, se servir des nominatifs, singulier et pluriel, lui et eux; et enfin, lui, elle, eux et elles, avec des prépositions, ne se disent guère que des personnes. Car, quoiqu'un homme dise fort bien d'un autre, qu'il se repose sur lui de cette affaire, qu'il

(1) Regnier, page 243.

s'appuie sur lui, on ne dira pas pour cela d'un lit ou d'un bâton, reposez-vous, appuyez-vous sur lui; mais on se servira ou des mêmes prépositions changées en adverbes, reposezvous, appuyez-vous dessus, ou des pronoms en et y. Ainsi on ne dira pas d'un arbre près de tomber, n'approchez pas de lui, mais on dira n'en approchez pas; ni d'un homme adonnét à une science, à une profession, qu'il s'est attaché à elle, mais qu'il s'y est attaché. Une femme dit d'un chien qu'elle aime: il fait tout mon amusement, je n'aime que lui, je suis attaché à lui, je ne vas pas sans lui. On dit aussi d'un cheval vicieux, d'un méchant chien: n'approchez pas de lui, défiez-e vous de lui. Mais cette liberté qu'on se donne d'appliquer aux animaux ce qui ne devrait se dire que des personnes, ne s'étend pas à toutes les phrases: car on ne dit point d'un cheval, qu'on n'a jamais monté sur lui, mais on dit qu'on n'a jamais monté dessus; ni qu'on ne s'est pas encore servi de lui, mais qu'on ne s'en est pas encore servi.

« Avec et après sont les seules prépositions auxquelles lui, elle, eux et elles se peuvent joindre, même en parlant des choses inanimées; car on dira fort bien : ce torrent entraîne avec lui tout ce qu'il rencontre, il ne laisse après lui que du sable et des cailloux; la chute d'une muraille a entraîné avec elle toute la maison.»>

Je sais bien, dit Port-Royal (1), que la règle de la quatrième remarque peut souffrir des exceptions; car 1o, etc.

« Cette première exception, dit l'abbé Regnier (2), a besoin de distinction; car il y a des phrases fort en usage en parlant des personnes, dont on ne se sert pas en parlant d'une multitude de personnes. Ainsi, quoiqu'on dise fort bien d'un homme qui se sera approché d'une femme, il s'est approché d'elle, il s'est mis auprès d'elle, on ne dira point d'un général qui se sera approché d'une armée ennemie, il s'est approché d'elle, il s'est campé auprès d'elle, mais on dira, il s'en approcha, il alla camper auprès, etc.

« La troisième exception est sujette à quelque difficulté : 1o La vertu et la vérité sont susceptibles d'expressions per

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sonnelles, seulement quand elles sont prises en général; car si on les désigne en particulier, elles n'en sont plus susceptibles.

« 2° Lors même qu'on parle de la vérité et de la vertu en général, il faut entendre qu'elles soient personnifiées; ce qui tombe sous la deuxième exception. Mais si la chose spirituelle n'est pas personnifiée par quelque terme précédent, on ne peut plus en ce cas-là se servir des expressions personnelles ; c'est pourquoi l'exemple qui est rapporté en faveur de cette troisième exception, j'aime uniquement la vertu, j'ai pour elle des ardeurs que je ne puis exprimer, n'est pas heureux, non seulement parce qu'on ne dit pas en ce sens avoir des ardeurs, mais parce que la vérité n'est pas en cet endroit-là personnifiée de manière que l'on puisse dire, pour elle. Si on la personnifie en disant: dès qu'il plaira à la vérité de se montrer aux hommes telle qu'elle est, alors on pourra fort bien ajouter : tous les hommes n'aimeront qu'elle, ils brûleront d'amour pour elle.

<< La quatrième exception demande quelques observations. A la vérité, l'usage a autorisé toutes les phrases qui y sont citées, mais il n'est pas possible qu'il les ait autorisées pour la raison que Port-Royal en donne; car si cela était, on dirait d'une armée, ses soldats, d'un Parlement, ses magistrats, et ainsi du reste, parce qu'il n'y a rien de plus propre, de plus essentiel à une armée que les soldats, à un Parlement que les magistrats, etc.; on ferait des phrases barbares. A s'en tenir aux termes formels de cette exception, l'on se croirait autorisé à dire d'une forêt, ses arbres sont beaux; d'une maison, son escalier est commode, ses chambres sont belles, sa situation me plaît: toutes locutions impropres, et dont la dernière est précisément marquée comme telle. Enfin, par la même raison, l'on pourrait dire d'une cheminée, son manteau, son chambranle; d'un fauteuil, ses bras; d'un bâton, ses deux bouts: parce qu'il n'y a rien de plus essentiel à une cheminée que d'avoir son manteau, etc.; il faut dire, le manteau en est beau et solide, etc. Ce qu'il y a donc de propre ou d'essentiel à la chose dont on parle, n'est pas ce qui autorise à se servir du pronom son et sa; au contraire, si on ne s'en sert pas, c'est

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