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a de l'argent, de l'esprit, c'est-à-dire, il a une portion de ce tout qu'on appelle argent, esprit, etc. Il a bien de l'esprit, etc., c'est la même analogie.

Credo ego illic inesse auri et argenti largiter (1), en sousentendant xpña, rem auri, je crois qu'il y a là bien de l'or et de l'argent bien est adverbe comme largiter, et a la même signification, largement, en abondance.

A l'égard de il a beaucoup d'argent, d'esprit, etc., il n'a point d'argent, d'esprit, etc., il faut observer que ces mots, beaucoup, peu, pas, point, rien, sorte, espèce, tant, moins, plus, que (venant de quantùm), ne sont point des adverbes, ils sont de véritables noms, du moins dans leur origine, et c'est pour cela qu'ils sont modifiés par un simple modificatif indéfini, qui n'étant point pris individuellement, n'a pas besoin d'article; il ne lui faut que la simple préposition pour le mettre en rapport avec beaucoup, peu, rien, pas, point, sorte, etc. Beaucoup vient, selon Nicot, de bella copia; ainsi d'argent, d'esprit, sont des qualificatifs de coup: il a abondance d'argent, d'esprit; il est meilleur de beaucoup, c'est-àdire, selon un beau coup, dit Ménage. Peu signifie petite quantité; en latin, avec parùm, on sous-entend ad ou per, et on dit parùmper, comme on dit tecum. Ainsi nous disons un peu de vin, comme les Latins disaient parùm vini ; de même que vini qualifie parùm substantif, de même aussi de vin, complètement précédé de la préposition de, qualifie le substantif un peu, qui signifie une petite quantité.

Je laisse plusieurs autres excellentes observations que l'on peut lire dans l'Encyclopédie, au mot article. Ce chefd'œuvre de métaphysique grammaticale est plein de discussions profondes et de détails raisonnés, qui, malgré leur longueur, ne paraissent ni diffus, ni obscurs. J'en dis autant de tout ce qui est sorti de la plume de cet habile écrivain (2); c'est une justice que je lui dois, et que je lui rends de tout

mon cœur.

(1) Plaut. Rudens, acte IV, scène IV, v. 146.

(2) Du Marsais. (Note de l'Editeur.)

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CHAPITRES XIII ET XIV.

Des Verbes. Des Personnes et des Nombres.

Il est bon de se rappeler ici une observation importante que nous avons faite dans le Supplément, au premier chapitre de cette seconde partie.

Parmi les signes destinés dans une langue à marquer les objets de nos pensées, on ne doit placer que les mots qui marquent des choses: or, l'article et la préposition ne marquent point des choses. La Grammaire raisonnée aurait donc di réserver ces deux parties d'oraison pour les mettre au rang des mots qui signifient les manières de nos pensées, c'est-àdire, les divers regards de notre esprit sur les choses (1), ou, selon l'expression de M. Du Marsais, les différentes vues sous lesquelles l'esprit considère les objets.

Comme le participe tient de la nature du nom et de celle du verbe, comme il réunit l'objet et la forme de la pensée, MM. de Port-Royal ont eu raison de ne parler de cette espèce de mot qu'après avoir expliqué ce qui regarde le verbe.

Jules-César Scaliger, dans son traité De causis linguæ latina (2), ne reconnaît que deux sortes de verbes, l'actif et le passif, qui se réduisent au verbe substantif est. Sanctius adopte ce sentiment dans sa Minerve (3). La Méthode latine de Port-Royal, seconde édition (4), avait suivi ces deux auteurs on définissant le verbe, un mot qui signifie étre, agir ou pâtir; mais la même Méthode, huitième édition (5), fait consister l'essence de cette espèce de mot dans la seule affirmation, conformément à la Grammaire générale et raisonnée, seconde partie, chap. 13.

(1) Même observation qu'à la page 277. (Note de l'Editeur.)

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Si M. l'abbé Girard avait bien discuté ce chapitre, il y aurait vu la réponse à presque toutes ses objections. Lorsque cet académicien, dans ses Vrais Principes (1), combat le sentiment de MM. de Port-Royal, qui croient que le verbe exister ne marque aucune action, il me semble qu'il a tort d'appuyer Popinion contraire sur ce que ces Messieurs disent dans leur Théologie, que l'existence de Dieu est un acte pur; car ils n'ont jamais prétendu que l'existence de Dieu fût le terme ou l'effet d'une action dans Dieu. Ils savaient trop bien que l'action suppose nécessairement l'existence; que l'on conçoit celle-ci avant celle-là; que si l'existence de Dieu était l'effet d'une action, il faudrait concevoir l'action avant l'existence, parce que la cause se connaît avant l'effet.

Qu'ont-ils donc entendu par cette expression? le voici, ce me semble : l'existence de Dieu est un acte pur, par opposition à l'existence des créatures, qui est acte et puissance: acte par rapport à ce qu'elles ont actuellement, ce qui est bien peu de chose; puissance par rapport à ce qu'elles peuvent avoir, ce qui est infiniment plus considérable. A leur égard, le passé n'est plus, l'avenir n'est pas encore, le présent seul est actuellement. Et qu'est-ce que ce présent? un instant indivisible, un infiniment petit. Dieu au contraire est actuellement tout ce qu'il peut être, il a actuellement tout ce qu'il peut avoir, il ne peut rien perdre ni rien acquérir, parce qu'il n'y a en lui ni passé, ni futur, et que tout y est actuellement présent par où on voit clairement que Dieu ne doit pas son existence à une action dont il ne s'agit nullement ici, et qu'il serait même ridicule d'admettre, parce que l'existence d'un être est toujours conçue avant son action, et doit la précéder. Quant à ce que M. l'abbé Girard ajoute, que « dans les créatures l'existence est l'effet d'une action, qui dans le premier instant s'appelle création, et dans les moments suivants conservation ou création continuée, » il est vrai que la créature n'existe point sans cette action de Dieu, mais il est faux que le verbe exister marque cette action: il ne nous représente que le terme de l'action, et non l'action elle-même; il nous montre ce qui est dans la chose créée, et non pas ce qui est (1) Tome 1, page 53.

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dans Dieu; enfin il renferme plutôt une situation ou une passion qu'une action d'où il est aisé de conclure que le M. l'abbé Girard fait de vains efforts pour prouver qu'il y a quelque contradiction entre les opinions théologiques de 0 MM. de Port-Royal, et leur système sur la Grammaire.

Les autres exemples que cet académicien a choisis ne sont pas plus heureux, et ne font pas plus contre ce système que t les précédents. Quoique l'éclat de la lumière, dans le corpse qui reluit, suppose un mouvement subit, et non interrompu, produit par l'action du soleil, on ne peut pas dire que le verbe reluire marque cette action; il n'en est que l'effet qui la suppose, il désigne seulement l'état d'un corps qui reçoit la lumière du soleil.

Quoiqu'on ne puisse se reposer ou être en repos, sans avoir C passé de l'état de mouvement à celui de tranquillité ; quoique ce changement d'état ne puisse se faire sans évènement, l'idée que l'on attache au mot reposer, n'est pas celle de ce passage ou de ce changement arrivés avant le repos, mais c'est uniquement celle de l'état d'une chose qui a cessé d'être

en mouvement.

De ce qu'il y a des mots qui ne sont point des verbes, quoiqu'ils signifient des actions, des passions et des choses passagères ou des évènements, tels que course, écoulement, est-ce une conséquence que l'action ou l'évènement ne constitue point l'essence du verbe? Non, ce n'est pas une conséquence, il faut l'avouer de bonne foi à M. l'abbé Girard; car, quoique les mots affirmant, affirmatif, affirmation, assertion, signifient l'affirmation, il ne s'ensuit pas qu'ils soient verbes. Quel avantage ce subtil grammairien tirera-t-il de cet aveu?* La différence qu'il y a entre course, écoulement et les mots je cours, je coule, c'est que les premiers ne signifient que l'action, et ne la signifient que comme conçue par mon esprit ou comme objet de ma pensée, au lieu que les seconds signifient l'affirmation de l'action, c'est-à-dire, l'action comme produite, comme affirmée par mon esprit, ou comme manière commode de ma pensée. La différence qu'il y a aussi entre le mot affirmation et le mot j'affirme, c'est que le premier ne signifie qu'une affirmation simplement comme conçue par

mon esprit, ou comme objet de ma pensée, et c'est un nom; e second signifie une double affirmation, l'une comme conçue, et l'autre comme produite par mon esprit et comme manière de ma pensée, et c'est un verbe. Il n'en est pas moins vrai que l'affirmation est la seule chose essentielle au verbe, et que l'action qui lui est souvent jointe ne lui est qu'accidentelle. C'est ce qu'aurait reconnu M. l'abbé Girard (1), s'il eût conçu plus nettement la valeur de l'idée objective et de l'idée modificative des mots.

Voici une autre objection à laquelle M. l'abbé Girard dit qu'il ne voit point de réplique :

<<< S'il y a des mots qui soient de vraies affirmations sans être verbes, il s'ensuit que ce n'est pas dans l'affirmation que consiste l'essence du verbe; or la chose est certaine : tels sont en bonne Grammaire, oui et non. »

Ailleurs il dit que oui et non (2), dans une réponse, supposent tout ce qui a été énoncé dans la demande.

Faisons voir la réplique, attaquons à notre tour, et servonsnous du même raisonnement que M. l'abbé Girard a essayé de faire valoir (3): le trait sera plus offensif contre lui qu'il ne l'a été contre nous. Je dis donc à son imitation: S'il y a des mots qui signifient la dénomination, la qualification, l'action même ou l'évènement, etc., et si ces mots ne sont ni substantifs, ni adjectifs, ni verbes, etc., il s'ensuit que ce n'est pas dans la dénomination que consiste l'essence du substantif, ni dans la qualification que consiste l'essence de l'adjectif, ni dans l'action où l'évènement que consiste l'essence du verbe, etc., comme M. l'abbé Girard le prétend. Or, tels sont en bonne Grammaire, et même en bonne logique, oui et non, puisqu'ils équivalent à un sujet, à un attribut, à un verbe, à un régime, etc., réunis, c'est-à-dire, à une proposition ou à une phrase entière.

Si M. l'abbé Girard avait lu avec moins de prévention le 17° et 19o chapitre de la seconde partie de la Grammaire générale, il y aurait trouvé des réflexions aussi judicieuses que sa

(1) Tome I, pages 54 et 62.

(2) Tome II, page 119. (3) Tome I, page 56.

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