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CHAPITRE XV.

Des Temps du Verbe.

du

La Grammaire générale distingue deux sortes de prétérits, le défini et l'indéfini, ou aoriste. M. l'abbé Girard (1) dit que la seule définition de l'aoriste suffit pour empêcher une méprise entre ce temps et le prétérit, et il ne donne ni définition, ni explication de ce mot qui est grec, et qui signifie indéterminé, indéfini, dóptoros, d'a sans et d'opos fin. faire usage Comment ce délicat grammairien a-t-il pu mot aoriste, lui qui n'a pas trouvé le mot interjection assez français (2), lui qui ne voudrait admettre que des noms de caractère français d'origine, parfaitement analogues (3), par conséquent plus intelligibles et plus à la portée des personnes qui n'ont point eu de familiarité avec le collège, dont le nombre, dit-il, fait, dans ce que la nation a de spirituel et de poli, une portion considérable.

La remarque de Port-Royal, au sujet du prétérit indéfini ou de l'aoriste, est vraie, dit M. l'abbé Regnier (4), mais l'auteur ne lui a pas donné toute l'étendue et tout l'éclaircissement nécessaires. Ce n'est pas seulement de l'espace du jour dans lequel et duquel on parle, que ce prétérit indéfini est banni de notre langue, il Fest pareillement de l'espace d'une semaine, d'un mois et d'une année, si l'on est encore dans la semaine, dans le mois et dans l'année dont on parle; car j'écrivis cette semaine, ce mois, cette année, ne se dit non plus que j'écrivis ce matin, cette nuit.

Les Hébreux n'ont ni présent, ni imparfait, et ils disent fort hien, credidi, propter quod locutus sum, au lieu de credo, et

(1) Tome II, page 22.
(2) Tome I, page 80.
(3) Tôme II, page 11.
(4) Page 355.

ideò loquar, j'ai cru, et c'est par cette raison que j'ai parlé, ou je crois, et c'est par cette raison que je parle.

Chez les Grecs, les aoristes s'interprètent, tantôt au présent et tantot au passé. Πρῶτον ἐπισκέψαι ὁποῖόν ἐστι τὸ πρᾶγμα (1), d'abord ayez considéré quelle est la chose, c'est-à-dire, considérez ce dont il s'agit ; εἶτα καὶ τήν σεαυτου φύσιν κατάμαθε, ἴδε ¿i Súvacaι Baotáca: (2), ensuite ayez étudié votre nature, ayez vu si vous aurez pu avoir porté, c'est-à-dire, essayez votre force, examinez si vous pouvez porter le fardeau : émioxéfai, βαστάσαι, qui sont des aoristes premiers, κατάμαθε, ἴδε, qui sont des aoristes seconds, ont la valeur du présent.

Dans la langue chinoise, les noms sont sans cas, et les verbes sans terminaisons diverses des articles et des mots auxiliaires distinguent les cas du nom, les modes et les temps du verbe.

CHAPITRE XVI.

Des Modes du Verbe et des Conjugaisons.

Ce qu'en termes de Grammaire on appelle mode ou mœuf, vient du latin modus, qui signifie manière. L'affirmation est signifiée d'une manière par l'indicatif, et d'une autre manière par le subjonctif, etc. L'indicatif est ainsi nommé, parce qu'il indique simplement l'affirmation. Le subjonctif ou conjonctif est ainsi nommé, parce qu'il joint l'affirmation sous ou avec quelque condition, quelque supposition, ou quelque désir.

Presque tous les Grammairiens n'admettent, en français comme en latin, que quatre modes dans le verbe : l'indicatif, l'impératif, le subjonctif et l'infinitif. M. l'abbé Girard (3) admet six modes, trois indéfinis et trois adaptifs. Les trois indéfinis sont le simple ou l'infinitif, le circonstanciel ou le

(1) Epicteti enchiridion, page 42.

(2) Lettre sur les sourds et muets, page 84.

(3) Tome II, page 5.

gérondif, le complet ou le participe; les trois adaptifs sont le positif ou indicatif, le conditionnel ou suppositif, le subséquent ou subjonctif. Ces tróis modes adaptifs ne sont pas les seuls dont le verbe soit susceptible, mais ce sont les seuls que notre langue distingue par la diversité des formations. L'usage n'a point fait dans nos verbes de mode impératif, dit-il (1): de façon que pour exprimer le commandement, on prend les premières personnes plurielles, les secondes singulières et plurielles de l'indicatif, dépouillées des pronoms précédents, et les troisièmes personnes des deux nombres du subjonctif, excepté dans les deux verbes être et avoir, où la formation du subjonctif seul sert partout à marquer le commandement.

La Grammaire raisonnée (2) dit que « l'impératif n'a point de première personne, surtout au singulier, parce qu'on ne se commande pas proprement à soi-même. »

<< Non pas à cause qu'on ne se commande pas à soi-même, dit l'abbé Regnier (3), car ce mode servant aussi bien à prier et à exhorter qu'à commander, il est constant qu'on peut s'exhorter soi-même dans un soliloque ou monologue; mais à cause que ni en commandant, ni en priant, ni en exhortant, on ne peut parler à soi-même qu'à la seconde personne, et qu'alors un homme se considère comme étant en quelque sorte divisé en deux parties, dont l'une commande à l'autre, la prie et l'exhorte. »

DES CONJUGAISONS.

cum,

qui

Le mot conjugaison vient de la préposition latine signifie avec, ensemble, et du nom latin jugum, qui signifie joug. L'on dit que des verbes sont d'une même conjugaison, quand ils sont comme sous le joug des mêmes règles, par rapport aux différentes inflexions qui forment leurs temps, leurs personnes, etc.

M. l'abbé Girard (4) admet six conjugaisons, trois de terminaison masculine, et trois de terminaison féminine.

(1) Tome II, page 12, etc.

(2) Page 164.

(3) Page 357.

(4) Tome II, pages 66, 94, etc.

E, i, oi, précédant r final, caratérisent les trois premières, blåmer, finir, recevoir.

Ce qui donne les trois autres, c'est la dernière syllabe de l'infinitif, précédée par un son formé :

1o Des voyelles simples, a, e, i, o, u, battre, mettre, dire, mordre, exclure;

2o Des voyelles composées qu'il appelle diphtongues orthographiques, ai, oi, ou, plaire, boire, coudre ;

3o Des voyelles nasales, an, en, on, ain, ein, oin, répandre, défendre, répondre, craindre, peindre, joindre.

Il fait monter le calcul des formations d'un verbe complet jusqu'à 89 (1), dont il y en a, dit-il, 44 de composées, et 45 de simples, qu'il subdivise ensuite en 10 primitives, et 35 secondaires.

Je crois que les dames, même celles que leur cœur n'absorbe pas entièrement, et dont l'esprit s'occupe un peu (2), se rebuteront aisément de cet immense calcul; d'ailleurs, comme l'habitude grave tout cela dans la mémoire, et le fait trouver à merveille au besoin (3), elles se dispenseront volontiers de fatiguer leur attention en pure perte. Quoi qu'il en soit, le discours de M. l'abbé Girard sur le verbe contient des réflexions neuves et intéressantes, qui ne sont point à négliger pour un grammairien.

M. l'abbé Vallart (4) assure « que nos Grammairiens n'ont point connu combien nous avons de conjugaisons, qu'ils s'accordent tous à dire que nous n'en avons que quatre, et qu'ils n'en ont point mis davantage dans leurs Grammaires. » Cependant l'abbé Regnier en admet jusqu'à 24, qu'il range sous quatre classes principales: er, ir, oir, re.

Le P. Buffier (5) dit expressément qu'il est assez inutile de réduire les conjugaisons françaises à quatre principales ; qu'il faut, ou n'en reconnaître qu'une seule, ou en reconnaître autant qu'il y a de terminaisons différentes à l'infinitif, telles qu'elles sont marquées dans sa table des verbes (6).

(1) Tome II, page 79.

(2) Tome II, page 6.

(3) Tome VI, page 79.

(4) Préface VI.

(5) N° 575, ete.

(6) N° 581.

Le système des conjugaisons indiqué par Robert Etienne, passablement bien exposé par le sieur D. V. d'Allais, dans sa Grammaire méthodique, remanié par La Touche, adopté et développé par l'abbé Regnier, assez adroitement rectifié par le P. Buffier, a été enfin beaucoup perfectionné par M. Restaut. M. Vallart a attaqué ce système ; voyons ses raisons :

«Les quatre manières différentes de terminer les mêmes personnes au présent de l'indicatif, font quatre conjugaisons différentes en latin; il en est de même pour notre langue, dit-il (1) : ainsi, comme il y a trois manières de terminer les mêmes personnes pour les verbes en oir, il y a aussi pour ces verbes trois conjugaisons, je vois, je peux, je reçois. Dans la première, ajoute-t-il, il n'y a que onze verbes, mais dans la troisième il n'y en a que sept, et cependant c'est la seule que mettent tous nos Grammairiens. >>

Comment M. Vallart a-t-il pu imaginer que la différente terminaison du présent de l'indicatif en latin fait la différence des conjugaisons? Est-ce que, selon tous les Grammairiens anciens et modernes, le présent de l'infinitif n'a pas toujours réglé les conjugaisons latines, are, ere, ere, ire? N'en est-il pas de même pour tous les verbes français, er, ir, oir, re?

«La conjugaison consiste dans la différence des terminaisons que prennent les mêmes personnes des verbes aux mêmes temps (2). »

Ce principe général est juste, il s'étend à tous les temps et à tous les modes, il ne se borne pas au seul temps présent, ni au seul mode indicatif. Or, des trois prétendues conjugaisons en oir, la troisième est la seule qui mérite véritablement le nom de conjugaison, parce qu'elle comprend un plus grand nombre de verbes, dont les mêmes personnes sont terminées de la même manière aux mêmes temps dans tous les modes: devoir, redevoir, apercevoir, concevoir, décevoir, percevoir, etc., se conjuguent comme recevoir sans aucune différence. Il n'en est pas de même de la première; car si vous en exceptez revoir, composé du verbe voir, prévoir et

(1) Préface, page 6.
(2) Vallart, page 224.

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