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les règles et l'usage de notre langue et de quelque langue que ce soit, il est impossible que craignant soit autre chose qu'un participe.

Le gérondif est ordinairement, par l'expression, semblable au participe actif; mais on les peut distinguer de deux façons : 1° par la connaissance de la nature de l'un et de l'autre : le gérondif ne désigne qu'une circonstance, une manière, ou un moyen de l'action exprimée par le verbe principal auquel il est subordonné ; au lieu que le participe marque toujours ou l'état du sujet auquel il se rapporte, ou la raison et le fondement d'une action exprimée par quelque verbe. 2o Quoique de gérondif soit souvent employé sans être précédé de la préposition en, on peut néanmoins toujours la mettre devant quelque gérondif que ce soit, excepté ayant et étant, comme l'a très bien remarqué M. Duclos; au lieu que le participe se résout par le pronom qui ou par les conjonctions comme, lorsque, quand, et le présent, l'imparfait ou le futur de l'indicatif : je le vois courant, ou qui court; je l'ai vu courant, c'est-àdire, qui courait, comme ou quand il courait; je le verrai courant, c'est-à-dire, quand ou lorsqu'il courra.

Rendons cette différence encore plus sensible par des exemples; en voici un pris du titre même de l'ouvrage : Une grammaire génerale et raisonnée, contenant les fondements de l'art de parler, mérite d'être lue avec attention. Contenant marque la raison, la cause de l'action, exprimée par les verbes, mérite d'être lue; c'est-à-dire que la Grammaire générale et raisonnée mérite d'être hue avec attention, par la raison que, à cause qu'elle contient les fondements de l'art de parler; et l'on ne pourrait pas dire, sans faire violence à l'usage et à la raison même, une Grammaire générale et raisonnée, en contenant les fondements de l'art de parler, mérite d'être lue, etc. Par conséquent contenant est participe.

Je suis persuadé qu'en étudiant bien pendant six mois la Grammaire, vous la posséderez passablement. Etudiant n'exprime qu'une manière ou moyen de l'action signifiée par le verbe, vous la possèderez, c'est-à-dire, un moyen de la posséder passablement, etc.; et on peut y joindre en sans changer le sens de la phrase, comme, je suis persuadé qu'en étu–

diant pendant six mois, etc., par conséquent étudiant est gérondif.

L'abbé Regnier dit (1) qu'il « ne comprend pas pourquoi le participe, quand il ne se décline point et qu'il régit le cas du verbe, doit perdre son nom de participe, et prendre celui de gérondif. Car dans toutes les langues, et même dans la latine, une des principales fonctions du participe est de régir le cas du verbe ; et l'appeler alors gérondif, c'est vouloir introduire une nouvelle dénomination, qui n'est fondée ni sur le génie du français, ni sur celui du latin. Pourquoi donc dans ces phrases, le roi a aimé la gloire, le roi a vaincu les ennemis: aimé, vaincu, seraient-ils gérondifs? et pourquoi dans celle-ci, la gloire qu'il a aimée est encore chère à son grand cœur, les ennemis qu'il a vaincus sont jaloux de ses victoires: aimée, vaincus seraient-ils participes? N'est-ce pas le même mot qui est employé, tantôt comme déclinable, et tantôt comme indéclinable? Cette différence d'emploi ne doit donc pas produire différence de nom dans une même chose, ni changer l'essence et la nature d'un mot. Sans doute aimé, vaincus, sont régis par le verbe avoir; mais ils ne le sont pas davantage que aimée, vaincu, dans il a aimé la gloire, il a vaincu les ennemis : quoiqu'ils soient régis par le verbe avoir, ils ne laissent pas de régir eux-mêmes le cas de leurs verbes, savoir, le relatif que; car dans le premier exemple que est pour laquelle, et ne peut être gouverné par le verbe avoir, parce qu'on ne peut pas dire la gloire qui a; que est donc nécessairement gouverné par le participe aimée. Dans le second exemple, les ennemis qu'il a vaincus, veut dire, non qu'il a des ennemis, mais que les ennemis qu'il avait ont été vaincus par lui. De là on ne peut tirer aucune induction pour montrer que avoir en français doit suivre le même régime que habere en latin : quam habeo amatam ne veut pas dire que j'ai aimée, il veut seulement dire que j'aime, quam habeo caram ; et si on voulait rendre le sens du français en latin par le verbe habere, il faudrait dire, quam habui amatam, et c'est ce qui ne se dit point. La Grammaire latine n'a en

(1) Page 491.-Grammaire raisonnée, page 145, présente édition.

cela rien de pareil à notre manière de nous énoncer; ainsi il est inutile d'y recourir, » conclut l'abbé Regnier.

M. Du Marsais me paraît prouver le contraire d'une façon convaincante dans ses Tropes, de la Catachrèse, et dans l'Encyclopédie au mot auxiliaire.

<< Notre verbe auxiliaire avoir vient du verbe habere, avoir, posséder. César dit qu'il envoya au devant toute la cavalerie qu'il avait assemblée de toute la province: Cæsar præmisit equitatum omnem quem ex omni provinciâ coactum habebat. Il dit encore, avoir les fermes tenues à bon marché, pour les tenir à bas prix: vectigalia parvo pretio redempta habere. De Bello gallico, lib. I.

« Quæ nos (despicatos) nostramque adolescentiam habent despicatam (1); qui ont notre jeunesse méprisée, c'est-à-dire, qui nous méprisent, qui méprisent notre jeunesse.

<< Dans la suite on s'est écarté de cette signification propre d'avoir, et on a joint ce verbe par méthaphore et par abus à un supin, à un participe où adjectif. Ce sont des termes abstraits dont on parle comme des choses réelles. Amavi, j'ai aimé, habeo amatum: aimé alors est un supin, un sentiment que le verbe signifie: je possède le sentiment d'aimer, comme un autre possède sa montre. Quand nous disons, j'ai aimė, le verbe n'est que ai, habeo : j'ai est dit alors par figure, par métaphore, par similitude. Quand nous disons, j'ai un livre, etc., j'ai est au propre, et nous tenons le même langage par comparaison, lorsque nous nous servons des termes abstraits: ainsi nous disons, j'ci aimé, comme nous disons j'ai honte, j'ai soif, j'ai faim, etc. Je regarde donc alors aimé comme un véritable nom substantif, abstrait et métaphysique, qui répond à amatum, amatu, des Latins, quand ils disent amatum iré, le sentiment d'aimer aller, ou aller au sentiment d'aimer; amatum iri, l'action d'aller au sentiment d'aimer être faite, le chemin d'aller au sentiment d'aimer être pris, viam iri ad amatum: or, comme en latin amatum, amatu, n'est pas le même mot que amatus, amata, amatum, de même aimé, dans j'ai aimé, n'est pas la même chose que

(2) Térence. Eunuch, acte II, scène Iv, v. 91.

dans je suis aimé ou aimée. Le premier est actif, j'ai aimé, au lieu que l'autre est passif, je suis aimé. Ainsi quand un officier dit, j'ai habillé mon régiment, mes troupes, habillé est un nom abstrait pris dans un sens actif; au lieu que quand il dit, les troupes que j'ai habillées, habillées est un pur adjectif participe, qui est dit dans le même sens que paratas dans cette phrase de César, misit copias quas habebat paratas. Quoiqu'on dise habeo përsuasum, je suis persuadé, habeo compertum, perfectum, cognitum, exploratum, je suis assuré, jé connais, je sais certainement, habeo conspectum, j'ai vu,je vois, habeo constitutum, j'ai résolu ou je suis résolu, habeo fidem, mentionem, grates, odium, etc., quoiqu'on dise amatus sum vel fui, j'ai été aimé, amatus ero vel fuero, j'aurai été aimé, amatum ire et amatum iri au supin, cependant on ne s'est point avisé en latin, de donner en ces occasions le nom d'auxiliaire au verbe sum, ni à habeo, nià ire.

« Je crois, continue M. Du Marsais, qu'on n'a donné en français le nom d'auxiliaire à être et à avoir, que parce que ces verbes étant suivis d'un nom verbal, deviennent équivalents à un verbe simple des Latins, veni, je suis venu. De même, parce que propter est une préposition en latin, on a mis aussi notre à cause au rang des prépositions françaises, etc.

« Il me semble, conclut-il, que nos Grammaires pourraient bien se passer du mot auxiliaire, et qu'il suffirait de remarquer le mot qui est verbe, le mot qui est nom, et la périphrase qui équivaut au mot simple des Latins. Dans je suis venu, je est le sujet, c'est un pronom personnel, suis est seul le verbe à la première personne du temps présent, je suis actuellement; venu est un participe verbal qui signifie une action passée, et qui la signifie adjectivement comme arrivée : je suis actuellement celui qui est venu.

« Dans j'ai aimé, je est le sujet, c'est un pronom personnel, ai est seul le verbe à la première personne du temps présent, j'ai actuellement; aimé, amatum en latin, c'est-à-dire, le sentiment d'aimer, c'est un mot indéclinable, invariable, oisif, un supin. Il est employé dans le sens actif, il est bien différent d'aimé, amatus, amata, amatum, dans je suis aimé; c'est alors un participe employé dans le sens passif, il est dé

clinable, c'est-à-dire, susceptible de genre et de nombre.» Le P. Joubert, dans son Dictionnaire français, le meilleur que nous ayons à l'usage des colléges, dit que la langue française n'a pas de supin; cependant elle en a un, comme on voit, bien distingué des participes.

<< Il est de toute notoriété, dit M. l'abbé Gérard (1), que le participe français ne conserve la variation du genre et du nombre, à l'actif, que dans une seule occasion: c'est lorsque l'objet de l'action représentée par ce participe, ou ce que la Grammaire vulgaire nomme le cas du verbe, est énoncé par un pronom relatif qui le précède; comme quand on dit : la vertu que j'ai négligée d'abord, je l'ai préférée depuis aux vices qu'un libertin m'avait insinués. » Selon le même auteur (2), alors on fait accorder le participe avec l'objet, pourvu que cet objet soit régi par le seul verbe, composé de l'auxiliaire et du participe réunis ; car lorsque l'objet est régi par un autre verbe qui se trouve à la suite du participe, alors -plus de concordance. « Il y a, dit-il, des gens qui restreignent la concordance du participe, ne voulant pas qu'elle ait lieu dans les occasions où il se trouve après lui un autre mot conjointement régi avec le relatif dont il est précédé; au lieu de dire, entrez dans la pensée que je vous ai rendue sensible, ne confondez pas avec les participes les mots que j'ai nommés supins, ils disent, la pensée que je vous ai rendu sensible, les mots que j'ai nommé supins. Cependant la pratique la plus constatée est pour la concordance; et pour qu'elle ait lieu, continue-t-il (3), il faut que le pronom soit régi par le participe, comme en étant l'objectif ou régime immédiat, (ce qui répond à l'accusatif des Latins); car si ce pronom figurait dans la phrase comme terminatif de ce verbe, ou comme régime médiat (ce qui répond au datif des Latins), il ne serait plus question de concordance.»>

1

Dans la Remarque de M. Duclos (4), et dans le Traité des Participes passifs de M. l'abbé d'Olivet (5), le régime simple

(1) Tome 1, page 65.

(2) Tome II, page 121. (3) Ibid., page 126.

(4) Page 150, présente édition.

(5) Opusc. sur la langue française, page 351.

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