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Le Grammairien italien (1) qui admet deux sortes de particules, dont il fait deux parties d'oraison différentes, paraît avoir donné à M. l'abbé Girard l'idée de partager la particule en deux ordres, sous une seule partie d'oraison. Il vaut mieux mettre au rang des particules discursives, assertives, c'est-à-dire, au rang de ce qu'on appelle communément interjections, les mots certes, oui, non, ne, pas, point, plus, peut-être, etc., que de les mettre au rang des adverbes, comme M. Restaut l'a fait. Les mots qui ne peuvent pas être réduits à une préposition suivie de son complément, ne sont point des adverbes non, ne, sont des particules négatives, dit M. Du Marsais (2). A l'égard de oui, c'est le participe passif du verbe ouïr: nous disons oui par ellipse, cela est ouï, cela est entendu; les Latins disaient dans le même sens, dictum puta (3). On peut néanmoins regarder oui comme adverbe d'affirmation, parce qu'il équivaut à une préposition suivie de son complément, cum auditione, avec l'ouïe. Par la même raison, l'on peut admettre des adverbes de négation, de doute et d'interrogation.

Soit, esto, est une particule ou une interjection; mais soit, sive, est une conjonction hypothétique, qui exprime une variété énumérative de suppositions (4): soit goût, soit raison, soit caprice, il aime la retraite. Ni est conjonction, c'est sans raison qu'on le fait adverbe.

Selon la Grammaire raisonnée (5), notre langue n'admet jamais deux e féminin de suite, parce que les principes de l'harmonie demandent que la pénultième soit fortifiée, si la dernière est muette, dit M. l'abbé d'Olivet (6).

Dans l'ouvrage de M. l'abbé Girard, on trouve sur les prépositions, sur les adverbes, sur les conjonctions et sur les particules, quantité d'observations utiles, qui donnent lieu d'en faire d'autres que l'on n'aurait peut-être jamais faites, si on n'avait point lu les Vrais principes avec réflexion. Presque

(1) Voyez Regnier, pages 136 et 565.

(2) Dans l'Encyclopédie, le mot adverbe.
(3) Térence, Andr., acte I, scène I.

(4) Girard, tome II, page 265.
(5) Page 156, présente édition.
(6) Prosodie française, page 71.

tout y est traité avec beaucoup d'ordre, et avec une exactitude peut-être un peu trop scrupuleuse. Ce subtil Grammairien y entre dans des discussions fines et délicates, dont la justesse en certains endroits ne le cède guère à celle des Synonymes.

CHAPITRE XXIV.

DE LA SYNTAXE.

De la Construction et de l'Inversion des mots.

« Il est essentiel, dit M. l'abbé Girard (1), de connaître quelle place chaque mot doit occuper, et sous quelle forme il doit paraître. C'est-là ce qu'on nomme en français Construction, et ce que les Grammairiens traitent sous le nom de Syntaxe, terme grec d'origine, úvraži, qui signifie précisément la même chose que le terme français: oùv, cum; tàśw, ordino,

struo. »

Comme ce digne académicien, dans son troisième discours (2), a pour but les principes et non les élégances de la parole, après avoir dit, en passant, des choses extrêmement sensées sur le style, qu'il fait consister dans des rapports de convenance, dont le goût fait choix pour la conduite du discours, il abandonne toutes les observations qu'on pourrait faire à ce sujet, et se borne uniquement à ce qui regarde le régime, qu'il fait consister dans des rapports de dépendance, soumis aux règles pour l'union grammaticale des mots, c'està-dire, pour la construction de la phrase.

Les mots d'une phrase, dit-il, concourent tous à l'expression d'un sens ou d'une pensée; ils sont tous en régime, mais de trois manières diffrentes, ou en régime dominant, ou en régime assujéti, ou en régime libre.

Le régime ou le concours des mots pour former un sens,

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n'est que le rapport mutuel de leurs fonctions particulières. Le nombre et la qualité de ces fonctions différentes constatent les parties de la structure de la phrase, et de l'expression de la pensée. Pour cela, cet académicien trouve d'abord qu'il faut un sujet et une attribution à ce sujet ; il trouve ensuite que l'attribution, outre son sujet, peut avoir un objet, un terme, une circonstance modificative, une liaison avec une autre, et de plus un accompagnement étranger, ajouté comme un hors-d'œuvre, simplement pour servir d'appui à quelqu'une de ces choses, ou pour exprimer un mouvement de sensibilité, occasionné dans l'âme de celui qui parle. Voilà donc sept parties constructives, ou sept différentes fonctions que les mots doivent remplir dans la composition de la phrase. Il les appelle subjectif, attributif, objectif, terminatif, eirconstanciel, conjonctif, adjonctif. Par l'analyse de la période suivante, il rend ses définitions assez sensibles.

Monsieur, quoique le mérite ait ordinairement un avantage solide sur la fortune; cependant, chose étrange! nous donnons toujours la préférence à celle-ci.

« Cette période est composée de deux phrases, dont chacune contient les membres mentionnés.

« Le subjectif est énoncé dans la première phrase par le mérite, dans la seconde par nous, parce que chacun de ces deux mots y représente un sujet à qui l'on attribue une action qui est pour le mérite celle d'avoir, etc., et pour nous celle de donner, etc.; le subjectif est en régime dominant.

« L'attributif se voit dans ait et donnons, puisqu'ils y servent à appliquer l'évènement au sujet : ce que chacun fait, en suivant le régime auquel l'assujétit son subjectif, ait se trouvant au singulier et à la troisième personne pour se conformer à son subjectif qui est le mérite, et donnons à la première personne du pluriel, parce que nous qui est son subjectif, est de pareil nombre et de pareille personne.

« L'objectif est exprimé dans l'une de ces phrases par un avantage solide, et dans l'autre par la préférence ; car ils y fixent l'attribution à un objet déterminé entre tous ceux qu'elle pourrait avoir, en nommant la chose qu'on veut que le mérite ait, et celle que nous donnons.

« Le terminatif qui représente le terme où se porte l'attribution, soit générale, soit spécifiée par quelque chose, paraît visiblement dans ces mots sur la fortune, et dans ces autres à celle-ci.

« Le circonstanciel de la première phrase est ordinairement, celui de la seconde toujours, puisque ces deux mots n'ont là d'autre service que d'énoncer une circonstance qui modifie l'attribution en forme d'habitude.

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« Le conjonctif se présente ici dans les mots quoique et eependant; ils y lient les deux sens exprimés par les deux phrases, de manière que l'un a rapport à l'autre, et qu'il en résulte un sens complet qui fait celui de la période.

« L'adjonctif est, dans le premier membre de la période, Monsieur; dans le second, chose étrange. Car, peu essentiels à la proposition, ils ne sont là que par forme d'accompagnement: l'un, pour appuyer par un tour d'apostrophe; l'autre, pour joindre à l'expression de la pensée celle du mouvement de surprise ou de blâme. »

J'aurais souhaité qu'à ces sept membres l'auteur en eût ajouté un huitième, c'est l'affirmatif. Car, outre le subjectif et l'attributif qui expriment le sujet et l'attribut, il y a un affirmatif, c'est-a-dire, un mot par lequel on affirme l'attribut du sujet, on lie l'un avec l'autre ; et ce mot c'est le verbe simple ou substantif, que M. l'abbé Girard aurait dû distinguer, ce me semble, d'avec les verbes composés ou adjectifs, afin de ne pas confondre l'attributif avec l'objectif, comme il le fait dans cette phrase:

Votre fils et votre fille sont et seront toujours la cause de vos maux et la source de vos chagrins (1).

Les verbes substantifs sont et seront, énoncent une affirmation présente et future, non pas une attribution. La cause, etc., la source, etc., renferment deux attributs et non pas deux objets: le terme de l'action d'un verbe adjectif actif, est un objet; mais ce que le verbe substantif lie avec le sujet, s'appelle attribut : ce qui affirme, ou le verbe, et ce qui est affirmé, ou l'attribut, me paraissent deux choses bien différentes.

(2) Tome I, page 108.

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Cet académicien (1) considère la phrase par quatre points de vue : 1° par le sens, 2° par le nombre des membres, 3° par l'énonciation de ces membres, 4o par la forme de la structure.

La phrase, considérée par rapport au sens, est de trois espèces subordinative, relative et détachée.

Si on examine le nombre des membres de la phrase, on la trouve simplifiée, compliquée, implicite.

La phrase, vue par la forme de la structure, est expositive, impérative, interrogative.

« Quiconque peut pousser l'application d'esprit un peu audelà de celle qu'exige la lecture des romans, dit ce subtil Grammairien, trouvera qu'en réduisant les phrases à douze classes, j'ai suivi une analyse exacte, un ordre clair et un goût sûr, capable de donner à l'expression la finesse de la pensée, de répandre sur le discours la lumière de l'intelligence, et d'en rendre la suite conséquente.»>

Le régime, à ce qu'il assure, n'est pas moins bien analysé que la phrase: c'est un concours de mots pour exprimer un sens; ainsi, le régime suppose un but et des moyens pour y parvenir.

Le régime, considéré par rapport au but, tend ou à la structure de la phrase par le moyen des sept parties constructives, ou à la simple expression de ces parties par les mots qui doivent les énoncer. Dans le premier cas, c'est le régime constructif; dans le second, c'est le régime énonciatif.

Le régime, considéré par rapport aux moyens nécessaires pour parvenir à la structure de la phrase, ou à l'énonciatiou des membres, a deux objets : 1° d'ordonner des places et de l'arrangement des mots : c'est le régime dispositif ; 2o de décider de la parure et de la forme des mots : c'est le régime de concordance.. Toutes ces observations, bien démêlées, bien entendues, font voir, selon M. l'abbé Girard, que l'art de la construction consiste à savoir quel arrangement et quelle forme il faut donner, tant aux membres qui composent la structure de la phrase, qu'aux mots qui servent à énoncer ces membres.

Ce qui regarde le régime énonciatif, c'est-à-dire, la place (1) Page 110.

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