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quanti æris emisti? emi pro pretio tanti æris. Docet pueros (circa) grammaticam, il instruit les enfants touchant, ou sur la grammaire. Le terme de l'action de docet, il instruit, c'est pueros, les enfants: comme on ne dit pas en français « la grammaire est instruite aux enfants », de même on ne dit pas en latin grammatica docetur pueros. Grammaticam, la grammaire, n'est point gouvernée par docet, il instruit; c'est le terme du rapport signifié par la préposition suppléée, circa, touchant, sur. Favere alicui, être favorable à quelqu'un“; studere philosophiæ, s'appliquer à la philosophie; prodesse alicui, être utile à quelqu'un : cette justesse de la traduction littérale dissipe toutes les difficultés dont les méthodes et les rudiments latins sont hérissés. Sosia, adesdum, paucis te volo, c'est-à-dire, volo te allogui cum paucis verbis. Menedemi miseret me, c'est-à-dire, miseratio tenet me propter vicem Menedemi. Pænitet me peccati, c'est-à-dire, pœna peccati tenet me, habet me, comme on dit en français, le mal me prend, l'envie me tient; ou bien, conscientia peccati pœnitet me, c'est-à-dire, tenet, afficit me paná. Manet Lutetiæ, c'està-dire, manet in urbe, in oppido Lutetiæ: ces mots in urbe ou in oppido sont véritablement sous-entendus, car on les trouve exprimés dans tous les bons auteurs. Cicéron a dit, in oppido Antiochiæ: Lutetiæ ou Antiochiæ n'est au génitif que parce qu'il est déterminé par le nom urbe ou oppido, exprimé ou sous-entendu. Manet domi, c'est-à-dire, in ædibus domi. Plaute, in Casinâ, a dit, insectatur omnes domi per ædes, comme les Espagnols disent, en las casas de la morada. Horace a dit du rat de ville et du rat de campagne, ponit uterque in locuplete domo vestigia. Salluste a dit, Romæ Numidiæque facinora ejus commemorat. Il ne met point de distinction entre les noms de ville et les noms de province, il dit également Roma Numidiaque, c'est-à-dire, in urbe Romæ, in provin— ciá ou regione Numidiæ ; par conséquent la règle de la question ubi n'est qu'une chimère. On en peut et on en doit dire autant de la règle de chacune des autres questions, et en particulier de la question quò. Virgile a dit, Buthroti ascendimus urbem (1), OEneid. lib. III, et lib. I, ad urbem Sido(1) Voyez page 393.

niam puer ire parat (1). Au rapport de Sanctius, Tite-Live, Dec. 1. lib. v, dit souvent dans le même sens Veios et ad Veios. Cicéron a dit, venire ab Romá, discedere ab Alexandria, proficisci ad Capuam, ad Tarentum. Dans les meilleurs auteurs, on trouve in rura, ex rure, in, ab, de, ex domo, in domum, ad domum. Properce a dit, magnum iter ad doctas proficisci cogor Athenas. Cependant Quintilien croit que c'est un solécisme de dire, veni de Susis in Alexandriam (2); mais, dit Sanctius in Minervâ (3), il ne faut pas écouter Quintilien, il se trompe, et il en impose à tous les Grammairiens: Neque audiendus est Quintilianus, nam decipitur, decipitque gregem Grammaticorum. Les meilleurs auteurs latins, tels que César, Salluste, Cicéron, etc., bravant les règles de la question ubi, aussi bien que celles de la question quỏ, ont dit Egypti occisus, Cypri profugus, Thessaliæ consistere, et enfin, Creta jussit considere Apollo. Virg. OEneid., lib. III.

Tantôt ils ont mis le nom propre au génitif après le nom commun ou appellatif, selon la règle générale du substantif qui en suit un autre : c'est ainsi que Salluste, de bello Jugurt., a dit, haud longè à flumine Mulucha, comme nous disons près de la rivière de Seine; tantôt, par un tour qu'on appelle apposition, ils ont mis le nom suivant au même cas que le précédent, parce que le second ne désignant qu'une même chose avec le premier, ils ont considéré l'un et l'autre sous le même rapport. Salluste avait dit un peu plus haut, ad flumen Mulucham, comme nous disons le fleuve Don.

Térence, en dépit des règles du nom de temps, n'a point fait difficulté de dire dans l'Andrienne, act. IV : nolo me in tempore hoc videat senex, per tempus advenis. Horace a dit, præsens in tempus omittat. Suétone a dit, in paucis diebus, in tempore hiberno: sur quoi Faber, dans son Trésor, fait cette remarque, est quidem in istis omnibus et his similibus plena et integra oratio, ellipsis tamen in frequentiore usu est. Servius, à l'occasion de ce vers de Virgile, Italiam, fato profu

(1) Voyez page 681.

(2 Institut.,liber I caput v. (3) Liber II, caput V.

gus, Lavinaque venit littora, dit, sciendum est usurpari ab autoribus ut vel addant vel detrahant præpositiones.

A tous ces passages cités par Sanctius in Minervá (1), M. Du Marsais en ajoute un déjà cité par le même Sanctius, rapporté en partie par Perizonius, et tiré de la vie de l'empereur Auguste par Suétone, chap. LXXXIX. Je vais le rapporter tout entier ; il me paraît fort propre à guérir bien des gens de leurs préjugés scolastiques.

Augustus genus loquendi secutus est elegans et temperatum, vitatis sententiarum ineptiis atque inconcinnitate, et reconditiorum verborum, ut ipse dicit, fætoribus, præcipuamque curam duxit sensum animi quàm apertissimè exprimere ; quod quo faciliùs efficeret, aut necubi lectorem vel auditorem obturbaret ac moraretur, neque præpositiones verbis addere, neque conjunctiones sæpiùs iterare dubitavit, quæ detractæ afferunt aliquid obscuritatis, etsi gratiam augent.

Selon Sanctius (page 127), Augustus DICTIONIBUS præpositiones addebat. Perizonius (page 501) a remarqué que dans les éditions de Salamanque, Grævius a corrigé neque præpositiones URBIBUS addere. Qu'on lise urbibus, dictionibus ou verbis, on voit toujours qu'Auguste lui-même, pour mettre plus de clarté dans ses discours, avait coutume d'exprimer les prépositions qu'il est plus élégant de sous-entendre.

On peut, on doit même les exprimer à l'exemple de cet empereur, pour rendre le latin plus intelligible aux commençants, ut plena et integra sit oratio; pour faire connaître le rapport naturel de certains mots, enfin pour réduire le discours à la construction simple avant que de mener à l'élégante.

C'est par ces observations, et par beaucoup d'autres pareilles, que M. Du Marsais répond d'une manière aussi ingénieuse que solide, à la critique de l'exposition de sa Méthode raisonnée pour apprendre la langue latine (2); critique insérée à la page 44 du Journal des savants de Paris, janvier

1724.

Feu M. l'abbé Bignon, juste appréciateur des talents des hommes et du mérite de leurs ouvrages, fut si enchanté de

(1) Franequeræ, 1693.

(2) Chez Ganneau, 1722.

cette réponse, qu'il voulut qu'elle fût imprimée dans ce même journal, précédée d'un petit avertissement qu'il composa exprès, et qui fit autant d'honneur à ce savant et illustre bibliothécaire du roi qu'à M. Du Marsais même.

Dès le mois d'août 1723, à l'occasion des articles 52 et 53 des Mémoires de Trévoux du mois de mai précédent, au sujet de ladite Méthode raisonnée, le même M. Du Marsais avait donné des remarques (1) justificatives, pleines d'érudition et de justesse. Depuis, dans le Mercure de juin 1731, sur la Méthode pour commencer les humanités grecques et latines, de M. le Fevre de Saumur (2), et sur les notes de M. Gaullyer, M. Du Marsais fit encore des réflexions aussi fines que judicieuses, qui ont beaucoup de rapport à celles qu'il a fait imprimer à la suite de sa préface sur la manière d'enseigner les belles-lettres selon M. Rollin (3).

Il paraît que M. Du Marsais peut se glorifier d'être entré mieux que personne dans les vues principales de cet habile homme, sur la façon de montrer le latin, et que les pratiques proposées par ce profond Grammairien ne sont que des moyens qui rendent plus facile l'exécution des avis de ce grand rhéteur. Ce que nous allons dire sur l'inversion en est une nouvelle preuve.

DE L'INVERSION.

M. l'abbé Batteux, dans son Cours de belles-lettres distribué par exercices, à la fin du tome II, parlant de l'inversion, prétend que les Latins ne renversent point, et que c'est nous qui renversons.

<< Je ne voudrais pas avancer une pareille proposition généralement et sans distinction, dit l'auteur de la Lettre sur les sourds et muets (4), parce que l'inversion proprement dite n'étant autre chose qu'un ordre dans les mots contraire à l'ordre des idées, ce qui sera inversion pour l'un, souvent ne le sera pas pour l'autre ; car, dans une suite d'idées, tout le monde n'est pas toujours également affecté de la même. Par

(1) Chez Quillau, etc.>

(2) Chez Brocas.

(3) Tome I, chapitre III.

(4) Page 88, etc.

exemple, si de ces deux idées, serpentem fuge, je vous demande quelle est la principale, vous me direz, vous, que c'est le serpent, mais un autre prétendra que c'est la fuite, et vous aurez tous deux raison. L'homme peureux ne songe qu'au serpent, mais celui qui craint moins le serpent que ma perte, ne songe qu'à ma fuite: l'un s'effraie, l'autre m'avertit. D'ailleurs, dans une suite d'idées que nous avons à offrir aux autres, toutes les fois que l'idée principale qui doit les affecter n'est pas la même que celle qui nous affecte, eu égard à la disposition différente où nous sommes nous et nos auditeurs, c'est cette idée qu'il faut d'abord leur présenter. Appliquons ces réflexions à la première période de l'oraison pro Marcello.

« Diuturni silentii, Patres Conscripti, quo eram his temporibus usus... finem hodiernus dies attulit.

<< Je me figure Cicéron montant à la tribune aux harangues, continue l'auteur de la Lettre (1). Je vois que la première chose qui a dû frapper ses auditeurs, c'est qu'il a été longtemps sans y monter: ainsi diuturni silentii, le long silence qu'il a gardé, est la première idée qu'il doit leur présenter, quoique l'idée principale pour lui ne soit pas celle-là, mais hodiernus dies finem attulit; car ce qui frappe le plus un orateur qui monte en chaire, c'est qu'il va parler, et non qu'il a gardé le silence. Ce qui n'était pas une inversion pour les auditeurs de Cicéron pouvait, devait même en être une pour lui.

« Je remarque encore une autre finesse dans le génitif diuturni silentii. Les auditeurs ne pouvaient penser au long silence de Cicéron sans chercher en même temps pourquoi il avait gardé le silence, et pourquoi il se déterminait à le rompre or, le génitif étant un cas suspensif, leur fait naturellement attendre toutes ces idées que l'orateur ne pouvait leur présenter à la fois. On s'aperçoit, dès le commencement de cette période, que l'orateur ayant eu une raison d'employer telle ou telle terminaison plutôt que toute autre, il n'y avait point dans ses idées l'inversion qui règne dans ses termes. En effet, qu'est-ce qui déterminait Cicéron à écrire diuturni (1) Ibid., page 96.

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