Imágenes de páginas
PDF
EPUB

reil, et dans le même sens ; de la sorte on explique la langue latine par la langue latine même, et par conséquent par ses véritables principes.

Le langage n'est que l'expression de la pensée : il y a essentiellement dans le discours, de quelque assemblage de sons dont il puisse être composé, un certain ordre qui a été dans l'esprit de la personne qui parle, ordre auquel son discours peut toujours être réduit. Le besoin ou la commodité d'abréger, et plus encore l'empressement de l'imagination à rendre ses pensées, ont fait dire en un mot ce qui se disait ou se pouvait dire en plusieurs.

C'est pourquoi les règles de la construction raisonnée sont très-simples et conviennent essentiellement à toutes les langues, qui ne diffèrent entre elles que par ce qu'il y a d'arbitraire. Pourvu què l'on fasse observer les occasions où l'usage a voulu que certains mots fussent supprimés, cette conduite n'induit personne en erreur; au contraire elle éclaire l'esprit et lui épargne bien de la peine, parce qu'elle réduit tout à une règle uniforme, et présente toujours le latin dans le même ordre.

Les passions des hommes et leur imagination se trouvent essentiellement dans toutes les nations; mais cette uniformité générale a une variété infinie dans la route que les passions prennent pour se satisfaire, et dans le tour que l'imagination suit pour s'exprimer. Quand le feu prend à une maison, en quelque lieu du monde que ce puisse être, on est agité et l'on songe à s'en garantir : voilà l'uniformité; mais les uns crient au feu, comme en France, et les autres crient à l'eau, comme dans l'ancien pays latin, clamare aquas (1): voilà la variété. La morale des proverbes est la même partout, mais elle est représentée sous des images diverses.

Les différents tours que les peuples différents ont pris pour s'exprimer, sont soumis à ces deux règles souveraines d'uniformité et de variété : il y a uniformité dans l'essentiel de la pensée, et variété dans le tour de l'expression.

Tous les hommes du monde qui penseront que Dieu a créé le ciel et la terre, regarderont Dieu comme agent, et le ciel (1) Properce.

[ocr errors]

ou la terre comme patient ou terme de l'action de Dieu : voilà l'uniformité; mais ils se serviront de sons différents pour exprimer le nom de Dieu et le nom du ciel et de la terre ; ils marqueront encore d'une manière différente le rapport sous lequel ils regardent Dieu en cette occasion, et le rapport sous lequel ils considèrent le ciel et la terre : voilà la variété.

Les idées abstraites ne sont appelées ainsi que parce qu'elles sont tirées des idées particulières : les abstraites supposent donc les particulières, il faut donc imprimer les unes avant que de faire aucune mention des autres : sans cette méthode, l'esprit le plus sublime ne comprend rien, et avec elle un esprit médiocre conduit ses connaissances au-delà même de sa portée. Que le théologien ou l'astronome le plus profond, qui n'auraient aucune connaissance du palais, entendent parler d'appointement ou de requête civile, ou de termes encore plus simples, ils seront bien moins au fait que le moindre petit praticien. Telle est la nature de l'esprit humain, les connaissances ne se devinent point; notre esprit ne se les donne pas plus à lui-même, que les cordes d'un instrument de musique ne se donnent l'ébranlement qui cause le son; ainsi il y a un ordre à observer dans l'acquisition des connaissances. Le grand point de la didactique, c'est-à-dire, de la science d'enseigner, 'c'est de savoir les connaissances qui doivent précéder et celles qui doivent suivre, et la manière dont on doit graver dans l'esprit les unes et les autres.

Les premières connaissances nouvelles que l'on veut donner aux enfants, et peut-être au reste des hommes, ne peuvent pas entrer dans leur esprit par la voie du raisonnement, puisque le raisonnement suppose des idées particulières; le sentiment seul en est la porte. Mais quand ces premières idées sont acquises, on peut, et souvent même on doit raisonner sur ces idées primitives; et pourvu que les raisonnements ne supposent point d'autres idées, on trouvera peu de personnes qui ne puissent facilement les concevoir.

Voilà l'ordre que M. Du Marsais et M. Rollin ont indiqué et suivi, l'un dans sa Méthode raisonnée, et l'autre dans son Traité des études. C'est aussi celui que j'ai tâché de suivre et

d'inculquer dans mes éclaircissements sur le texte de la Grammaire générale et raisonnée.

Je m'estimerais heureux si les réflexions que j'ai recueillies sur les fondements de l'art de parler pouvaient servir d'introduction à l'étude de l'art de penser. Je croirais avoir employé bien utilement mon temps et ma peine, si la manière dont j'ai développé les vrais principes de la Grammaire, pouvait faciliter à la jeunesse l'intelligence des vrais principes de la logique. Qu'est-ce que la langue sans le secours de la raison, et qu'est-ce que la raison sans le secours de la langue ?

FIN.

[blocks in formation]

Où il est parlé des lettres et des caractères de l'écriture.

CHAP. I. Des lettres comme sons, et premièrement des voyelles..
Remarques de Duclos.

5

7

CHAP. II. Des consonnes.

11

Table des consonnes latines, vulgaires, grecques et hé-
braïques.

12

[blocks in formation]
[blocks in formation]

CHAP. I. Que la connaissance de ce qui se passe dans notre esprit, est
nécessaire pour comprendre les fondements de la Gram-
maire, et que c'est de là que dépend la diversité des mots
qui composent le discours.

Remarques de Duclos .

45

48

Pages

« AnteriorContinuar »