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que chose suit l'instinct de sa nature; que chaque chose doit être en son lieu; qu'une maison est tombée d'elle-même: n'y ayant rien de plus essentiel à une chose que ce qu'elle est. Et cela me ferait croire que cette règle n'a pas lieu dans les discours de science, où l'on ne parle que de ce qui est propre aux choses; et qu'ainsi l'on peut dire d'un mot, sa signification principale est telle, et d'un triangle, son plus grand côté est celui qui soutient son plus grand angle.

Il peut y avoir encore d'autres difficultés sur cette règle, ne l'ayant pas assez méditée pour rendre raison de tout ce qu'on y peut opposer: mais au moins il est certain que, pour bien parler, on doit ordinairement y prendre garde, et que c'est une faute de la négliger, si ce n'est en des phrases qui sont autorisées par l'usage, ou si l'on n'en a quelque raison particulière. M. de Vaugelas néanmoins ne l'a pas remarqué; mais une autre toute semblable touchant le qui, qu'il montre fort bien ne se dire que des personnes, hors le nominatif, et l'accusatif que.

Jusques ici nous avons expliqué les pronoms principaux et primitifs mais il s'en forme d'autres qu'on appelle possessifs, de la même sorte que nous avons dit qu'il se faisait des adjectifs des noms qui signifient des substances, en y ajoutant une signification confuse, comme de terre, terrestre. Ainsi, meus, mon, signifie distinctement moi, et confusément quelque chose qui m'appartient et qui est à moi. Meus liber, mon livre, c'est-à-dire, le livre de moi, comme le disent ordinairement les Grecs, Bios μõ.

Il y a de ces pronoms, en notre langue, qui se mettent toujours avec un nom sans article: mon, ton, son, et les pluriels nos, vos ; d'autres, qui se mettent toujours avec l'article sans nom: mien, tien, sien, et les

pluriels nôtres, vôtres ; et il y en a qui se mettent en toutes les deux manières : notre et votre au singulier, leur et leurs. Je n'en donne point d'exemples, car cela est trop facile. Je dirai seulement que c'est la raison qui a fait rejeter cette vieille façon de parler, un mien ami, un mien parent, parce que mien ne doit être mis qu'avec l'article le et sans nom : c'est le mien, ce sont les nôtres, etc.

REMARQUES.

Les Grammairiens n'ont pas assez distingué la nature de pronoms, qui n'ont été inventés que pour tenir la place des noms, en rappeler l'idée et en éviter la répétition trop fréquente. Mon, lon, son, ne sont point des pronoms, puisqu'ils ne se mettent pas à la place des noms, mais avec les noms mêmes. Ce sont des adjectifs qu'on peut appeler possessifs, quant à leur signification, et pronominaux, quant à leur origine. Le mien, le tien, le sien, semblent être de vrais pronoms. Exemple: Je défends son ami, qu'il défende le mien; ami est sous-entendu en parlant du mien. Si le subtantif était exprimé, le mot mien deviendrait alors adjectif possessif, suivant l'ancien langage, un mien ami ; au lieu que le substantif ami étant supprimé, mien, précédé de l'article, est pris substantivement, et peut être regardé comme pronom. Si l'on admet ce principe, notre et votre seront adjectifs ou pronoms, suivant leur emploi. Comme adjectifs, ils se mettent toujours avec et avant le nom, sont des deux genres quant à la chose possédée, marquent pluralité quant aux possesseurs, et la première syllabe est brève. Notre bien, notre patrie; votre pays, votre nation, en parlant à plusienrs. Si l'on supprime le substantif, notre et votre prennent l'article qui marque le genre, deviennent pronoms, et la première syllabe est longue. Exemple: Voici notre emploi et le vôtre; notre place et la vôtre. Comme adjectifs, ils ont pour pluriel nos et vos, qui sont des deux genres; nos biens, vos richesses. Comme pronoms, notre et votre au pluriel, sont précédés de l'article les, des deux genres. Exemple: Voici nos droits, voilà les

vótres; voici nos raisons, voyons les vôtres. Si l'on énonçait les substantifs dans les derniers membres des deux phrases, les pronoms redeviendraient adjectifs, suivant l'ancien langage, les droits nôtres.

Leur peut être considéré sous trois aspects. Comme pronom personnel du pluriel de lui, il signifie à eux, à elles, et l'on n'écrit ni ne prononce leurs avec s. Exemple : ils ou elles m'ont écrit, je leur ai répondu.

Comme adjectif possessif, leur s'emploie au singulier et au pluriel: leur bien, leurs biens.

Comme pronom possessif, il est précédé de l'article, et susceptible de genre et de nombre: le leur, la leur, les leurs.

L'usage seul peut instruire de l'emploi des mots, mais les Grammairiens sont obligés à plus de précision. On doit définir et qualifier les mots suivant leur valeur, et non pas sur leur son matériel. S'il faut éviter les divisions inutiles, qui char— geraient la mémoire sans éclairer l'esprit, on ne doit pas du moins confondre les espèces différentes. Il est important de distinguer entre les mots d'une langue ceux qui marquent des substances réelles ou abstraites, les vrais pronoms, les qualificatifs, les adjectifs physiques où métaphysiques; les mots qui, sans donner aucune notion précise de substance ou de mode, ne sont qu'une désignation, une indication, et n'excitent qu'une idée d'existence, tels que celui, celle, ceci, cela, etc., que les circonstances seules déterminent, et qui ne sont que des termes métaphysiques, propres à marquer de simples concepts, et les différentes vues de l'esprit.

Les Grammairiens peuvent avoir différents systèmes sur la nature et le nombre des pronoms. Peut-être, philosophiquement parlant, n'y a-t-il de vrai pronom que celui de la troisième personne, il, elle, eux, elles; car celui de la première marque uniquement celle qui parle, et celui de la seconde celle à qui l'on parle ; indication assez superflue, puisqu'il est impossible de s'y méprendre. Le latin et le gree en usaient rarement, et ne se faisaient pas moins entendre; au lieu que le pronom de la troisième personne est absolument nécessaire dans toutes les langues, sans quoi on serait obligé à

une répétition insupportable de nom. Mais il ne s'agit pas aujourd'hui de changer la nomenclature, entreprise inutile, peut-être impossible, et dont le succès n'opèrerait, pour l'art d'écrire, aucun avantage.

CHAPITRE IX.

Du Pronom appelé relatif.

Il y a encore un autre pronom, qu'on appelle relatif: qui, quæ, quod; qui, lequel, laquelle.

Ce pronom relatif a quelque chose de commun avec les autres pronoms, et quelque chose de propre.

Ce qu'il a de commun, est qu'il se met au lieu du nom; et plus généralement même que tous les autres pronoms, se mettant pour toutes les personnes. Moi Qui suis chrétien; vous qui êtes chrétien; lui qui est roi..

Ce qu'il a de propre peut être considéré en deux manières :

La 1re en ce qu'il a toujours rapport à un autre nom ou pronom, qu'on appelle antécédent, comme Dieu qui est saint. Dieu est l'antécédent du relatif qui. Mais cet antécédent est quelquefois, sous-entendu et non exprimé, surtout dans la langue latine, comme on l'a fait voir dans la Nouvelle Méthode pour cette langue.

La 2o chose que le relatif a de propre et que je ne sache point avoir encore été remarquée par personne, est que la proposition dans laquelle il entre (qu'on peut appeler incidente), peut faire partie du sujet ou

de l'attribut d'une autre proposition, qu'on peut appeler principale.

On ne peut bien entendre ceci, qu'on ne se souvienne de ce que nous avons dit dès le commencement de ce discours, qu'en toute proposition il y a un sujet, qui est ce dont on affirme quelque chose, et un attribut, qui est ce qu'on affirme de quelque chose. Mais ces deux termes peuvent être ou simples, comme quand je dis: Dieu est bon; ou complexes, comme quand je dis un habile magistrat est un homme utile à la république. Car ce dont j'affirme n'est pas seulement un magistrat, mais un habile magistrat ; et ce que j'affirme n'est pas seulement qu'il est homme, mais qu'il est homme utile à la république. On peut voir ce qui a été dit, dans la Logique ou Art de penser, sur les propositions complexes; Part. 2, chap. 3, 4,

5 et 6.

Cette union de plusieurs termes dans le sujet et dans l'attribut est quelquefois telle, qu'elle n'empêche pas que la proposition ne soit simple, ne contenant en soi qu'un seul jugement ou affirmation, comme quand je dis : la valeur d'Achille a été cause de la prise de Troie. Ce qui arrive toujours toutes les fois que des deux substantifs qui entrent dans le sujet ou l'attribut de la proposition, l'un est régi par l'autre.

Mais d'autres fois aussi, ces sortes de propositions dont le sujet ou l'attribut sont composés de plusieurs termes, enferment, au moins dans notre esprit, plusieurs jugements, dont on peut faire autant de propositions; comme quand je dis : Dieu invisible a créé le monde visible: il se passe trois jugements dans mon esprit, renfermés dans cette proposition. Car je juge: 1° que Dieu est invisible; 2° qu'il a créé le monde; 3° que le monde est visible. Et de ces trois propositions, la seconde est la principale et l'essentielle de

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