Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Cependant, en vain ont-ils eu recours à leurs magiftrats naturels: ceux-ci, "auxquels le commiffaire départi avoit reproché d'avoir malheureufement prouvé, en recevant dans le tems la dénonciation faite contre les accufés, qu'ils n'adoptoient point les principes développés dans fon rapport, & que la vraie jurifprudence fur le prêt en matiere de commerce leur étoit moins connue que la rigueur des loix anciennes dont, dans la crainte bien fondée que leur jugement ne fût dicté par cet efprit de rigueur, il avoit regardé l'exclufion comme néceffaire par l'évocation du procès en cour, voyant ce même intendant dans le miniftere, membre & oracle du confeil, n'ont ofé en connoître ; craignant l'interdiction dont ils avoient été menacés précédemment (1), ils ont renvoyé les fupplians (2) à fe pourvoir ainsi qu'il appartiendroit & que le requéroient l'importance de la matiere & les circonftances qui l'accompagnoient.

Ces négocians ont donc eu recours au parlement & ont préfènté requête à la tournelle. Elle a été diftribuée à un magiftrat également recommandable par fa prudence, fes lumieres, fon expérience confommée & fon amour pour l'ordre & la juftice. M. Turgot, qui

(1) Par des arrêts du 12 Septembre 1773, caffant & annullant leurs procédures, avec très expreffes inhibitions & défenfes aux officiers de la fénéchauffée de les continuer, fous quelque prétexte que ce pût être, à peine d'interdiction de leurs charges, & de nullité & caffation des procédures.

"

fentoit bien les conféquences fâcheufes à réfulter contre lui de l'éclat de cette affaire, a voulu, fuivant la coutume des miniftres, négocier avec ce rapporteur pour l'affoupir. Il n'y a mis que plus d'activité, & dès le 23 Mars eft intervenu un arrêt provifoire, ordonnant une information & l'apport des procédures (1).

De cette information faite avec toute la diligence poffible, il a réfulté: 10. que les Sieurs Marot & fes confreres avoient exercé les ufures les plus affreuses; 2. que le métier d'ufurier, déjà fi méprifable en luimême, l'étoit devenu encore plus dans leurs mains par la maniere dont ils l'exerçoient; 3°. que les reftitutions qu'ils avoient faites non- feulement avoient été

(1) Voici la teneur de cet arrêt important:,, notre dite cour, attendu le refus fait par les officiers de la fénéchauffée d'Angoulême de recevoir plainte des fupplians, leur donne acte de leur plainte; leur permet de faire informer des faits y con,, tenus, circonftances & dépendances par devant le lieutenant criminel de Cognac, que notre dite cour commet à cet ef,, fet, pour ladite information faite, apportée au greffe criminel ,, de notredite cour, communiquée à notre procureur général & vue par notredite cour, être ordonné ce que de raison. Faifant droit fur les conclufions de notre procureur général, ordonne ,, que les minutes des procédures & informations faites en la fénéchauffée d'Angoulême fur les dénonciations de Quentin de Mainebois & de Gay, à la requête du fubftitut de notre procureur général en ladite fénéchauffée, & la procédure faite à ,, la requête de Jean Baptifte Audry, fur la plainte par lui ren,, due le 16 Janvier 1771, feront inceffamment envoyées au greffe de notre dite cour, pour, icelles communiquées à notre ,, procureur général, être par lui requis ce qu'il appartiendra, & vues par notredite cour ordonné ce que de raifon."

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

libres & volontaires de leur part, mais même qu'ils avoient eu beaucoup de peine à les faire agréer à une partie de ceux à qui ils les avoient faites, & qu'ils n'avoient pu obtenir d'un très grand nombre qu'ils vouluffent rien recevoir.

C'eft alors que le miniftre a fait rendre par le confeil l'arrêt (1) qui caffe celui de la Tournelle. On le regarde comme criant, en ce qu'il confacre les maximes établies dans les écrits des ufuriers (2), qui s'ex

(1) Du 1er. Avril.

[ocr errors]

(2) Dans une réquête de l'un d'eux, nommé Marot, en date du 11 Janvier 1771. En voici les paragraphes les plus importans. Il faut d'abord pofer pour principe qu'en matiere de com. merce, il ne peut y avoir d'ufure dans le prix plus ou moins haut pour lequel un marchand vend fa marchandise. "

[ocr errors]
[ocr errors]

Ce principe eft fondé fur la liberté du commerce. C'eft ,, cette liberté qui en fait l'ame, qui excite le courage du com,, inerçant, qui ranime fes efpérances lorfqu'il a fait une perte confidérable, & qui lui offre la reffource de s'indemnifer fur ,, un objet pour ce qu'il a perdu fur un autre.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

"

Les loix divines & humaines ont toléré cette liberté dans le commerce, parce que comme le commerce eft l'ame des fociétés civiles & le foutien des états, l'interdire, feroit em,, pêcher les hommes de pouvoir refter unis entre eux.

دو

دو

Si donc la liberté du plus grand ou du moindre prix eft laiffée au commerçant, s'il a la liberté, de demander à celui ,, à qui il vend une fomme plus ou moins forte pour fa marchandife, il en résulte néceflairement qu'il ne peut jamais y` avoir d'ufure en matiere de commerce.

[ocr errors]

"

[ocr errors]
[ocr errors]

Perfonne ne peut nier qu'en matiere de banque & d'efcomp,, te, l'argent ne foit une véritable marchandife."

[ocr errors]

En partant de cette vérité & de ce point de fait décifif, que l'argent eft une marchandife, en matiere de banque &

priment ainfi à la face du confeil: Nous difons plus, nous foutenons qu'il ne peut y avoir d'ufure dans le

[ocr errors]

‚», d'efcompte, on fera obligé d'avouer qu'il n'y a pas la moindre imputation d'ufure à oppofer au fupplant pour toutes les ,, opérations de banque qu'il a pu faire, & quand il feroit en», core prouvé que les efcomptes ont été faits à des prix trèshauts."

[ocr errors]

, Car, on le repete, puifque l'argent eft une marchandise, & qu'il eft permis à tout marchand de mettre le prix qu'il ,, veur à fa marchandife, & que l'acheteur ne le peut défap» prouver autrement qu'en laiffant au marchand fa marchandise, ,, le Seur Marot a dû être le maître de mettre tel prix qu'il a voulu à fon argent, fauf à ceux à qui il le vendoit de le prendre ou de ne le pas prendre. Ils étoient les maîtres d'aller chez d'autres particuliers de la ville & d'y propofer un moindre prix, fi ceux-ci vouloient livrer à ce compte leur ar» gent.

[ocr errors]

دو

[ocr errors]

"

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Il faut donc avancer qu'il n'y a point d'ufure en mutiere defcompte ou de négociation d'argent."

[ocr errors]

Mais quel fera le taux de ce profit? Quelles en font les bornes ? Ce ne pourra être que le plus ou moins de rifques. , que court le prêteur ou bien la convention qui fera faite alors par les parties qui font réputées être convenues entr'elles de l'appréciation de ce rifque & du profit qu'auroient pro ,, duit au prêteur ces fonds, s'il les eût employés à d'autics > Objets."

"

[ocr errors]
[ocr errors]

Nous obferverons que fi nous nous fommes fervis du ter»me d'ufure, pour défigner ce crime que vulgaireinent on ap» pelle ufure, ce n'eft que faute d'une autre dénomination, ,, parce qu'à proprement parler, le mot ufure ne fignifie pas autre chofe qu'intérêt; mais on a admis d'appliquer une idée défavorable à l'expreffion, ainfi qu'à la dénomination d'ufurier, enforte que c'eft en fe prêtant à cette façon de parler que

دو

[ocr errors]
[ocr errors]

commerce; que le taux de l'escompte ne peut être fixé, & que c'est encore un effet de l'ancienne barba

[ocr errors]

nous avons appellée ufure, l'action prétendue criminelle par ,, laquelle un homme exige un gain licite d'un prêt fait à un

[merged small][ocr errors]

,, Pour fe convaincre de plus en plus qu'il ne peut y avoir ,, d'ufure à imputer à un prêteur qui donne fon argent, à quel» que taux que ce foit, à un négociant qui lui remet un billet, il ne faut que confidérer la nature de l'acte qui fe fait dans le moment. Tout le monde conviendra que le prêteur échan„ge alors fon argent contre un billet représentatif de fes fonds, & qu'il le fait avec d'autant moins de certitude, qu'il n'ac„cepte qu'une valeur fictive pour une valeur réelle.”

[ocr errors]

,, Or tout homme eft le maître de propofer un échange telle condition qu'il lui plait; c'est une fuite de fa qualité de ,, propriétaire de la chofe qu'il offre en échange; cette qualité de ,, propriétaire le laifle entierement le maître de la garder ou de ,, la donner. Un échange n'eft point contre les bonnes mœurs, c'eft une chofe licite & qui peut porter toutes les conditions ,, que veut y ajouter le propriétaire. C'eft le propriétaire qui propofe les conditions, & c'est l'emprunteur qui les accepte ,, s'il le juge à propos. Son confentemnent confomme l'échange & rend l'acte parfait. Il opere une fin de non recevoir contre toutes réclamations de fa part, parce qu'il eft de princi pe que les actes, furtout ceux qui ne confiftent que dans l'acquiefcement momentané des deux parties, font inatta. ,,quables.

[ocr errors]

"

"

[ocr errors]

دو

[ocr errors]

,, Il faut d'abord convenir de la fignification, & de ce qu'on ,, entend par le mot ufure: fi lon tire ce mot de fon étymolo gie latine, on lui trouve le même fens: ufure ne fignifie nu », tre cho qu'intérêt, ainsi c'eft improprement que dans cette ,, hypothefe on fe fert de ces expreffions, crime d'ufure, accu

fation d'ufure; car l'intérêt n'étant point un crime, l'on ne », peut pas dire que quelqu'un eft pourfuivi criminellement pour »

« AnteriorContinuar »