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M. d'Alembert, prétendant qu'il n'avoit été rien dit qui l'attaquat perfonnellement. M. d'Alembert, peu fatisfait de ces réparations, s'en eft plaint vivement dans une lettre à M. Bourgelat, écuyer du roi, du 17 Mars 1755, qu'il a prié de rendre publique, & malheureufement pour lui elle ne l'eft que trop. On l'a imprimée, & le ton qui y regne ne décele rien moins qu'un philofophe infenfible aux injures. Au lieu de mépriser toutes ces fottifes il s'eft compromis dans tout cela & l'on ne fçait pas trop comment il s'en tirera. Il y perd déjà beaucoup, en ce qu'il n'a pas confervé cette modération que tous les gens fensés doivent avoir.

LETTRE de M. d'Alembert, à la fociété roya le de Lyon, le 30 Janvier 1755.

MESSIEURS,

APPRENDS de tous côtés par différentes lettres, qu'un régent de rhétorique, dont le nom fe trouve écrit parmi les vôtres, a prononcé contre moi le go Novembre dernier au college des jéfuites de cette ville une harangue très injurieufe. Je ne puis croire, Mes. fieurs, que fi le fait étoit vrai, une compagnie auffi équitable & auffi éclairée que la vôtre eût pu garder à cet égard un fi long & fi profond filence; néanmoins la nouvelle me revient d'un fi grand nombre d'endroits, que je ne fçais plus qu'en penfer. La philofophie m'a appris depuis longtems à mettre à des invectives te

prix qu'elles méritent: mais l'honneur des lettres, de l'encyclopédie, de ceux qui veulent bien y concourir avec moi, des différentes compagnies dont j'ai l'honneur d'être membre, &, j'ofe ajouter, de la vôtre, Mesfieurs, ne me permet pas d'être indifférent fur les outrages publics d'un de vos confreres. J'ofe donc efpé • rer de votre équité & de vos lumieres, ou que vous voudrez bien me faire juflice publique fur ce fujet, de la maniere que vous jugerez le plus convenable, ou que ceux d'entre vous, Meffieurs, qui ont affisté à cette harangue, voudront bien me faire parvenir un écrit figné d'eux tous, & que je pourrai rendre public, par lequel ils déclareront que cette harangue, telle qu'elle a été prononcée, ne contenoit rien d'offenfant ni d'injurieux. C'eft un fervice qu'ils rendront à l'auteur encore plus qu'à moi.

J'ai l'honneur d'être avec respect,

MESSIEURS,

Votre très humble & très obéiffant ferviteur

D'ALEMBERT.

Réponse de la Société Royale.

MONSIEUR,

LA fociété royale voit avec peine, par la lettre

que vous lui avez adreffée, votre mécontentement contre le P. Tolomas; & le defir qu'elle a de vous obliger, l'engage à vous fournir les éclairciffemens que vous exigez d'elle.

La harangue que ce religieux prononça à l'occafion de la rentrée des claffes, eft du reffort des colleges. L'académie n'y a point affifte: elle n'en a fait ni la lecture ni l'examen, & n'en peut porter aucun jugement, parce que fa jurifdiction ne s'étend pas au-delà des bornes de fes exercices.

Pour vous prouver néanmoins, Monfieur, que nous n'ignorons point les égards qui font dûs à votre réputation & à la fupériorité de vos talens, que nous fommes mêmes empreffés à vous procurer la fatisfaction qui dépend de nous, la compagnie a fait lire votre lettre en pleine affemblée, & en préfence de l'académicien dont vous vous plaignez. Il a protefté hautement qu'on l'avoit deffervi auprès de vous qu'il n'a jamais eu l'intention de vous offenfer; qu'il eft prêt à affirmer que fon difcours ne contient aucun trait qui puiffe vous regarder perfonnellement.

Il s'est enfin exprimé fur votre compte en termes fi honorables, que l'académie n'a pas cru pouvoir prendre un meilleur parti que de fe charger (fur l'offre qu'il en a faite) de vous écrire pour fe juftifier lui-même auprès de vous.

Voilà, Monfieur, tout ce que je puis, vous dire au nom de la fociété royale fur une affaire qui lui est totalement étrangere, dans laquelle elle n'eft entrée que par confidération pour votre mérite perfonnel, & pour le rang que vous tenez dans le monde favant. Je fuis avec refpe&t &c. &c.

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P. S. Ne foyez pas furpris, Monfieur, du retardement de la réponse de l'académie; votre lettre, da tée du 30 Janvier, ne lui a été remife que le 14 du

Courant.

Lettre du P. Beraud à M. d'Alembert.

MONSIEUR,,

JETOIS

'TOIS à la féance de notre fociété lorsqu'on y fit la lecture de votre lettre, dans laquelle vous vous plaignez du discours du P. Tolomas. L'honneur que j'ai d'être correspondant de l'académie des fciences, dont vous êtes un des principaux ornemens, la fincere eftime dont je fuis pénétré pour votre mérite & vos ouvrages que j'ai lus & que je lis encore avec un nouveau plaifir, m'engagent à vous donner dans cet te occafion des preuves de mon zele pour ce qui vous regarde. Je puis donc vous protefter, Monfieur, que dans la harangue du P. Tolomas, à laquelle j'affiftai, & que j'écoutai attentivement, je ne remarquai rien qui vous attaquât personnellement, rien qui reffentit l'invective, & encore moins l'injure. L'auteur, dans quelques endroits, donne à vos talens & à vos fuc cès les éloges qu'ils méritent: du refte, il s'en tint à fon fujet. Je vous prie, Monfieur, de vouloir bien ajouter foi à ce que j'ai l'honneur de vous dire. Si j'avois le bonheur d'être connu de vous, je me flatte que vous m'accorderiez cette grace fans peine; mais

vous avez dans l'académie quelques-uns de Mrs. les académiciens qui ont des bontés pour moi, & j'ofe espérer qu'ils voudront bien être, au moins pour cette fois, les garans de ma parole.

Je fuis avec tout le refpect poffible,
MONSIEUR,

Votre très humble, & très-obéissant
ferviteur, BERAUD, jésuite.

Lyon, 21 Février 1755.

Lettre du P. Tolomas à M. d'Alembert.

O

MONSIEUR,

N vous a prévenu contre moi; j'en fuis égale. ment furpris & affligé mais l'opinion que j'ai de vo. tre équité, m'engage à vous adresser à vous-même la juftification du difcours latin que j'ai prononcé pour la défenfe des colleges attaqués dans l'encyclopédie. Devois-je imaginer qu'on pût me faire un crime du choix d'un fujet fi convenable au lieu & au temps où je parlois! Je ne me fuis aucunement écarté, dans cet acte public, de la modération qu'on doit obferver dans le cas même de la défense la plus légitime: auffi à la premiere nouvelle de quelques plaintes contre mon dif cours, je me hâtai de le dépofer entre les mains de M. le prévôt des marchands, qui y avoit affifté à la tête du confulat; tant je fuis convaincu de mon innocence! tant elle m'inspire de fécurité ! Et comment d'ail

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