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dant de nos jours dans le golfe de Paria, eut un plein succès; les détenus et les exilés furent amnistiés par proclamation du gouverneur à la date du 11 avril 1751 (1), et la phalange vaine et ambitieuse des mécontents se retrouva bientôt au grand complet pour recommencer à jeter le trouble dans la misérable colonie.

L'occasion d'un nouveau conflit du cabildo avec le gouverneur ne se fit pas attendre. Peu après le retour des amnistiés, le colonel Salcedo ayant eu le malheur d'être frappé de paralysie, les deux alcades en service ordinaire s'empressèrent aussitôt de s'accaparer le pouvoir. Loin de s'opposer à cet acte de rapacité, pour le moins aussi inconvenant qu'intempestif, le gouverneur eut le bon esprit de le tourner à son avantage, et, s'appuyant sur l'inutilité de sa présence au siège d'une administration dont il n'avait plus le gouvernement, notifia au cabildo son intention de se rendre à Cumaná pour se faire soigner. Là-dessus, refus du cabildo de lui accorder un congé, se fondant sur le 88e article du 16e titre du Ile livre de la nouvelle compilation des lois des Indes, par lequel il est interdit aux gouverneurs de s'absenter de leur gouvernement sans l'autorisation du vice-roi, leur chef hiérarchique. La facilité avec laquelle ces tristes légistes trouvaient des textes de loi pour excuser leurs usurpations de pouvoir et leurs vexations est digne de remarque. A cette ridicule opposition, le gouverneur répondit par une lettre

(1) Meany, Abstract of the minutes of Cabildo, 1733-1813, ms., p. 36.

et

adressée aux alcades, les taxant de la plus grossière ignorance de la loi qu'ils voulaient interpréter, ajoutant que, d'ailleurs, aucune loi sur les gouverneurs ne pouvait plus lui être appliquée, attendu que le cabildo s'était emparé du gouvernement de l'île. Il la terminait par cette réflexion, aussi juste que spirituelle, que les lois sont toutes sujettes à la grande loi de la conservation de l'espèce, et que c'était par obéissance à cette loi primordiale qu'il demandait à quitter la colonie. On ne saurait flageller plus agréablement la suffisance de ces parvenus. Ils persistèrent néanmoins dans leur opposition, et le gouverneur fut contraint de s'embarquer sans leur permission (1).

Ce fut le capitaine Don Francisco Nanclares qui vint prendre les rênes du gouvernement des mains des alcades, à la date du 7 janvier 1752. Sous ce gouvernement, qui dura cinq ans, comme le précédent, le cabildo retomba dans sa somnolence: plus de séances, plus d'administration; chacun vivait retiré dans son gîte, sans se préoccuper de la chose publique. Il ne se ranima que pour faire la guerre au vicaire général, à l'occasion de son départ de l'île; il semble que quitter la colonie, même momentanément, était aux yeux de cette corporation déchue un crime de haute trahison. Le vicaire général devant se rendre à Cumaná pour les affaires de l'église, ce semble, s'était adressé par écrit au propriétaire d'une lanche, pour traiter de son affrétement; il lui mandait confidentiellement qu'il n'en

(1) Meany, Abstract of the minutes of Cabildo, 1733-1813, ms., p. 36 et seq.

avait besoin que pour se transporter en personne dans ce port, « avec la permission du gouverneur,» avaitil imprudemment ajouté. Or, le propriétaire de cette lanche était le procureur-syndic du cabildo. Quelle plus magnifique occasion de conflit pour ce corps querelleur! En s'opposant au départ du vicaire général, n'ouvrait-il pas du même coup les hostilités, et contre le gouverneur, sa bête noire ordinaire, et contre l'autorité ecclésiastique? Son parti est pris: le cabildo est aussitôt convoqué en séance extraordinaire, et il révoque la permission de partir accordée par le gouverneur au vicaire général, « attendu que la colonie ne possède que quatre prêtres, nombre déjà insuffisant pour son service spirituel (1). » Il y a apparence qu'on ne tint aucun compte du contre-ordre, et que le chef de l'église de la Trinidad put faire le voyage réclamé par les besoins de sa charge; mais quel tableau nous retrace la période que nous venons de parcourir, de l'abaissement politique, social et économique du pays, après la ruine de sa culture de cacao! Les trente années de misère écoulées depuis la catastrophe avaient fini par plonger le pays dans la sauvagerie; le problème difficile à résoudre était de trouver le moyen de l'en tirer.

Nos gouverneurs s'en étaient-ils préoccupés? Il n'y paraît pas. Les deux derniers surtout, pendant les dix années de leur administration, semblent ne s'être attachés qu'à ménager les susceptibilités des habitants, de peur de s'attirer le sort de leur prédécesseur, le mal

(1) Meany, Abstract of the minutes of Cabildo, 1733-1813, ms., p. 41.

heureux Don Estevan Simon de Liñan y Vera. On ne voit de leur part aucun effort pour lutter contre l'apa thie de la communauté, aucune mesure en vue du relėvement du pays. Pauvre pays! par défaut de capacité ou d'énergie, il avait à végéter longtemps encore au milieu de ses richesses naturelles.

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DES PP. CAPUCINS ARAGONAIS DE SANTA-MARIA.

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Une mesure tout accidentelle fut la cause d'un véritable progrès dans la colonisation de l'île. Le 27 janvier 1757, le colonel Don Pedro de la Moneda vint succéder à Don Francisco Nanclares, et le nouveau gouverneur, ne trouvant dans toute la ville de SanJosé aucune maison habitable, se vit contraint d'aller établir sa résider.ce au Port-d'Espagne (1). Par le fait, il transférait le siège du gouvernement dans cette ville, qui devenait dès lors la capitale de l'île, et il obtenait de cette manière l'avantage de l'éloigner de la tutelle

(1) Meany, Abstract of the minutes of Cabildo, 1733-1813, ms., p. 43.

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