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des sons. Il devait aussi retrancher oin du nombre des voyelles nasales; car oin est une diphthongue qui renferme le son de la voyelle combinée ou, avec le son de la voyelle nasale en. Soin se prononce comme s'il y avait souen. Oin ne forme donc pas de son particulier non plus que oi. Les seize différents sons de M. l'abbé Girard doivent donc être réduits à quatorze, non compris l'ó ouvert, qu'il rejette sans raison.

M. Restaut insinue (1) que chapelle venant du verbe chapeler, se prononce comme chapelle nom substantif, et que cachette venant de cacheter, se prononce comme cachette, lieu où l'on se cache, en faisant entendre l'e pénultième un peu ouvert. Cependant bien des personnes de distinction, des gens de lettres même, prononcent, et prétendent qu'il faut prononcer chapelle, cachette, comme si l'e pénultième était supprimé ou extrêmement muet. Il en est de même de furette, troisième personne singulière de fureter, que l'on prononce ordinairement comme heurte de heurter; feuillette, chuchette, etc., venant de feuilleter, chucheter, etc., se prononcent aussi communément sans e pénultième. Il y a environ onze ans, l'Académie, consultée à ce sujet, décida d'une voix unanime qu'il fallait prononcer furette venant de fureter, et les autres verbes de cette espèce, avec l'e pénultième un peu ouvert. Cette décision, est conforme à l'analogie de la langue.

Le même M. Restaut (2) présente å bref et à long comme deux sons distingués, parce qu'ils ont quelque différence dans la prononciation, et en conséquence il admet seize sons simples, exprimés par les voyelles, compris 6 ouvert, qu'il appelle o long; mais i bref et i long, comme dans l'empereur Tite, gîte; u bref, u long, comme dans butte ou bute, flûte, ont, ce me semble, quelque différence dans la prononciation; c'est-à-dire qu'indépendamment de la quantité, i et u sont susceptibles d'une modification aiguë ou grave, et forment par conséquent chacun un son particulier. Quant à la modification nasale, je doute que i ne la reçoive pas, comme M. Duclos le prétend. M. l'abbé de Dangeau connais(1) Page 482, sixième édition. (2) Sixième édition, page 14.

sait assurément la prononciation de la cour et de la ville; cependant, selon cet excellent académicien, in ne se prononce pas comme en dans bien des mots, spécialement dans innombrable, immuable (1); par conséquent le théâtre se conforme au bon usage, dont il est un exemple permanent, en distinguant ce dernier son nasal dans la prononciation, qui ne paraît pas en cela provinciale (2). Ainsi, nous laisserons subsister les cinq voyelles nasales. A l'e ouvert grave de tempête et à l'eu ouvert grave de jeúne, ajoutez l'e ouvert aigu de trompette et l'eu ouvert aigu de jeune, et au lieu de dix-sept sons simples exprimés par les voyelles, vous en aurez vingt.

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Nota. Quelqu'un, commun, importun, etc., qui se prononcent quelqueun, commeun, importeun, au masculin, reprénnent au féminin le son naturel de l'u, quelqu'une, commune, importune.

Mais si l'ou susceptible de différente quantité dans foudroyer et foudre, dans poudrer et poudre, etc., était aussi susceptible de modification plus ou moins grave, ne serait-ce pas un nouveau son ajouter aux autres ? On peut consulter les remarques pleines de sagacité et de justesse que M. Boindin nous a laissées sur les sons de la langue, mais surtout le profond et curieux traité que M. l'abbé d'Olivet nous a donné sur la prosodie française (3). Cet académicien décide, d'après Théodore de Bèze (4), que si nous haussons la voix, c'est sur une syllabe longue, et si nous la baissons, c'est sur une syllabe brève : eadem syllaba acuta quæ producta, et eadem gravis quæ correpta.

Selon le même académicien (5), eu ne forme qu'un son unique; il devait donc l'appeler voyelle combinée, et non pas diphthongue d'ailleurs, comme ou ne forme non plus qu'un

(1) L'i nasal se fait sentir dans le mot incorporé. Boindin, Sons de la langue, pages 24 et 78.

(2) Remarques de M. Duclos, page 8.

(3) Page 31.

(4) De Franciscæ linguæ rectá pronunciatione tractatus, Geneva, 1584.

(5) Page 81.

son unique, on est surpris que ce dernier son ne se trouve point à la page 91 du même traité.

S'il y avait seize voyelles aiguës ou graves;

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an,

ban, lent, camp.

en, bien, pain, vin, faim.

in, innombrable, immuable, incorporé.

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eun, brun, à jeun, parfum.

Il y en aurait en tout vingt et une.

La quantité (1) n'étant, comme le dit M. Diderot, que la loi du mouvement de la prononciation, la hâtant ou la suspendant seulement, elle ne devrait rien faire ni pour la douceur, ni pour l'aspérité des sons; cependant elle y influe souvent, à ce qu'il me semble. Eadem syllaba acuta quæ producta, eadem gravis quæ correpta. Selon ce texte de Bèze, il semble qu'il faudrait mettre l'accent aigu sur les syllabes longues, le grave sur les brèves, et nous faisons tout le contraire.

et

La différence qu'il y a entre mon alphabet des voyelles et celui de M. Duclos, ne regarde que l'i, l'u, l'ou et l'i nasal.

M. Duclos prétend que les trois premières voyelles ne sont jamais graves dans notre langue, quoiqu'elles soient susceptibles de prolongation, et que l'i nasal se prononce toujours comme si c'était un e nasal. Je ne propose mon sentiment que comme un doute; le lecteur en jugera.

(1) Voyez le mot encyclopédie, tome V de l'Encyclopédie.

CHAPITRE II.

Des Consonnes.

Dans la Grammaire du P. Buffier (1), on trouve une table des sons, faite d'après celle de Port-Royal. La différence qu'il y a de l'une à l'autre, c'est que la table de Port-Royal ne contient que les sons simples exprimés par des consonnes en caractères latins et vulgaires, grecs et hébraïques; au lieu que celle du P. Buffier renferme les sons simples exprimés et par des voyelles, et par des consonnes. Il fait l'application de ces sons à des mots français, allemands, anglais, italiens, espagnols, partagés en autant de colonnes, et rangés sur la même ligne que le son auquel ils ont rapport, pour en faciliter la prononciation aux étrangers (2); mais ce Père a oublié l'ó ouvert (3), et c'est ce qui fait que sa table, aulieu de trentetrois sons qu'il promet, n'en contient réellement que trentedeux. Ce même Père, en admettant avec M. l'abbé de Dangeau six consonnes fortes et six consonnes faibles, s'est contenté d'opposer en général le g`au k, sans distinguer le g mou du g dur, ni le q fort du q faible, comme ils sont en effet distingués dans les exemples cités par M. Boindin (4). G est mou dans gueule, et dur dans guenon; q est fort dans que, et il est faible dans queue. Monsieur l'abbé de Dangeau et le P. Buffier ne comptent que deux sons mouillés ; savoir: celui de gn dans mignon, règne, et celui de ill qui se prononce ferme dans œillet, paille. Mais il est certain, continue M. Boindin (5), qu'il y a un troisième mouillé qui se prononce faible(1) N° 220.

(2) Edition de 1731.

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(3) Le son nasal on, qu'il voudrait y substituer, n'est usité ni à la cour, ni à la ville, dit M. Boindin, pages 44 et 49, Sur les sons de la langue.

(4) Page 30.

(5) Page 32.

ment; savoir: y dans ayeul, payen. C'est ce mouillé faible que le peuple de Paris substitue au mouillé fort de ill, en prononçant nonchalamment Versayes pour Versailles. M. Restaut (1), qui relève cette négligence parisienne, sans reconnaître le mouillé faible y, dit que gn équivaut à une seule n dans les mots signer, assigner, assignation, que l'on prononce comme s'il y avait siner, assiner, assination. « Cependant l'usage prétendu conforme, tolérable tout au plus, ne paraît pas assez établi pour avoir force de loi; et en tout cas, cela devrait toujours être restreint à la conversation familière. » (2)

Le même M. Restaut (3) pouvait profiter de la Méthode pour apprendre à lire, et en extraire l'observation suivante (4). On ne prononce point r à la fin des mots terminés en ier et en er, tels que pâtissier, boulanger, etc., e y a le son fermé; mais r se prononce avec un son ouvert dans fier, mer, amer, désert, dessert, concert, etc. On fait sonner r à la fin des mots en ar, eur, oir, our, ur, comme César, honneur, soir, jour, mur; sur, préposition, se prononce sans r devant une consonne, courez sur lui. Quand r est double, on n'en prononce qu'une, arroser, arrét, arriver, arrondir, excepté dans arrogant, irréconciliable, irriter, irrémissible, erroné, et dans le futur et le conditionnel présent de ces trois verbes : j'acquerrai, je courrai, je mourrai ; j'acquerrais, je courrais, je mourrais.

Concluons de toutes ces observations (5), que nous avons en français vingt et une consonnes, sept faibles, sept fortes, deux nasales, deux liquides et trois mouillées, non compris le caractère h: quand il marque aspiration, il a en quelque sorte les propriétés d'une consonne, puisqu'il empêche que la voyelle dont il est précédé, ne s'élide devant celle dont il est suivi. On peut donc appeler l'h aspirée consonne, et ce n'est point abuser des termes, que de lui donner cette déno

(1) Page 26.

(2) Journal des savants, avril 1745, page 722.

(3) Pages 531 et 538.

(4) Page 35.

(5) Voyez la Liste que M. Duclos donnne des consonnes, page 21.

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