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en latin, par exemple, on ne donnât que le même nom d'e à l'e simple, l'œ et l'œ, parce qu'on les prononce d'une même façon ; et de même à l'i et à l'y; et encore à l'o et à l'au, selon qu'on les prononce aujourd'hui en France, car les Italiens font l'au diphthongue.

Qu'on ne leur nommât aussi les consonnes que par leur son naturel, en y ajoutant seulement l'e muet, qui est nécessaire pour les prononcer: par exemple, qu'on donnât pour nom à b, ce qu'on prononce dans la dernière syllabe de tombe; à d celui de la dernière syllabe de ronde; et ainsi des autres qui n'ont qu'un seul son.

comme

Que pour celles qui en ont plusieurs, c,g, t, s, on les appelât par le son le plus naturel et plus ordinaire, qui est au c le son de que, et au g le son de gue, au t le son de la dernière syllabe de forte, et à l's celui de la dernière syllabe de bourse.

Et ensuite on leur apprendroit à prononcer à part, et sans épeler, les syllabes ce, ci, ge, gi, tia, tie, tii. Et on leur feroit entendre que l's, entre deux voyelles, se prononce comme un z, miseria, misère, comme s'il y avoit mizeria, mizère, etc.

Voilà les plus générales observations de cette nouvelle méthode d'apprendre à lire, qui seroit certainement très - utile aux enfans. Mais pour la mettre

dans toute sa perfection, il en faudroit faire un petit traité à part, où l'on pourroit faire les remarques nécessaires pour l'accommoder à toutes les langues.

SECONDE PARTIE

DE

LA GRAMMAIRE

GÉNÉRALE,

Où il est parlé des principes et des raisons sur lesquelles sont appuyées les diverses formes de la signification des mots.

CHAPITRE PREMIER.

Que la connoissance de ce qui se passe dans notre esprit, est nécessaire pour comprendre les fondemens de la Grammaire ; et que c'est de là que dépend la diversité des mots qui composent le discours.

JUSQUES ici, nous n'avons considéré dans la parole que ce qu'elle a de matériel, et qui est commun, au moins pour le son, aux hommes et aux perroquets.

Il nous reste à examiner ce qu'elle a de spirituel, qui fait l'un des plus grands avantages de l'homme au-dessus

de tous les autres animaux, et qui est une des plus grandes preuves de la raison : c'est l'usage que nous en faisons pour signifier nos pensées, et cette invention merveilleuse de composer de vingt-cinq ou trente sons cette infinie variété de mots, qui, n'ayant rien de semblable en eux-mêmes à ce qui se passe dans notre esprit, ne laissent pas d'en découvrir aux autres tout le secret, et de faire entendre à ceux qui n'y peuvent pénétrer, tout ce que nous concevons, et tous les divers mouvemens de notre âme.

si

Ainsi l'on peut définir les mots, des sons distincts et articulés, dont les hommes ont fait des signes pour gnifier leurs pensées.]

C'est pourquoi on ne peut bien comprendre les diverses sortes de significations qui sont enfermées dans les mots, qu'on n'ait bien compris auparavant ce qui se passe dans nos pensées, puisque les mots n'ont été inventés que pour les faire connoître.

Tous les philosophes enseignent qu'il y a trois opérations de notre esprit : CONCEVOIR, JUGER, RAI

SONNER.

CONCEVOIR, n'est autre chose qu'un simple regard de notre esprit sur les choses, soit d'une manière purement intellectuelle, comme quand je connois l'être, la durée, la pensée, Dieu; soit avec des images corporelles, comme quand je m'imagine un carré, un rond, un chien, un cheval..

JUGER, c'est affirmer qu'une chose que nous conce

vons est telle, ou n'est pas telle: comme lorsqu'ayant

la terre, et ce que

conçu ce que c'est que c'est deur, j'affirme de la terre, qu'elle est ronde.

que ron

RAISONNER, est se servir de deux jugemens pour en faire un troisième : comme lorsqu'ayant jugé que toute vertu est louable, et que la patience est une vertu, j'en conclus que la patience est louable.

D'où l'on voit que la troisième opération de l'esprit n'est qu'une extension de la seconde ; et ainsi il suffira, pour notre sujet, de considérer les deux premières, ou ce qui est enfermé de la première dans la seconde; car les hommes ne parlent guère pour exprimer simplement ce qu'ils conçoivent, mais c'est presque toujours pour exprimer les jugemens qu'ils font des choses qu'ils conçoivent.

Le jugement quenous faisons des choses, comme quand je dis, la terre est ronde, s'appelle PROPOSITION; et ainsi toute proposition enferme nécessairement deux termes; l'un appelé sujet, qui est ce dont on affirme, comme terre; et l'autre appelé attribut, qui est ce qu'on affirme, comme ronde: et de plus la liaison entre ces deux terines, est.

Or il est aisé de voir que les deux termes appartiennent proprement à la première opération de l'esprit, parce que c'est ce que nous concevons, et ce qui est l'objet de notre pensée; et que la liaison appartient à la seconde, qu'on peut dire être proprement l'action de notre esprit, et la manière dont nous pensons.

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