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une personne, on parle à quelqu'un ou on s'adresse à une chose comme si c'était une personne. « On nomme pour distinguer, dans le discours, les personnes qui parlent ou dont on parle ; on appelle pour faire venir, dans le besoin, les personnes à qui on adresse la parole » (1).

Quoique la plupart des Grammaires anciennes et modernes aient coutume de ne mettre le vocatif qu'au cinquième rang des cas, in quinto casu, après l'accusatif, je crois avec M. l'abbé Regnier, qu'on devrait imiter Varron et Port-Royal, qui placent le vocatif au second rang des cas, in secundo easu, immédiatement après le nominatif; «< car, dit cet excellent académicien, outre l'affinité qu'il y a entre nommer et appeler, entre nominatif et vocatif, ces deux cas ont cela de commun qu'ils régissent tous deux le verbe, et qu'ils n'en sont jamais régis. » Les premières et les troisièmes personnes sont régies par le nominatif; les secondes personnes de l'impératif et des temps des autres modes le sont par le vocatif, qui est le sujet, et qui y tient lieu de nominatif, comme le dit M. Restaut lui-même. Il parait done plus conforme aux principes raisonnés de ranger ces deux cas l'un après l'autre. Je ne sais pourquoi ce Grammairien ne donne point de vocatif aux pronoms, car quand en apostrophant une personne on lui dit, toi, viens, vous, venez, toi et vous de son propre aveu sont des vocatifs. D'ailleurs ne peut-on pas dire, ou au moins penser, que tous les pronoms personnels de la seconde personne sont sujets des secondes personnes des verbes, et ont un vocatif au lieu d'un nominatif?

DU GÉNITIF.

Je suis porté à croire qu'on définirait beaucoup mieux ce cas (2), si on disait qu'il exprime le rapport d'une chose, dont la détermination tire son origine ou sa dépendance d'une autre chose. Génitif vient de genitus, engendré, produit.

DU DATIF.

Il me semble que la définition du datif serait moins res

(1) Synon., page 255.

(2) Regnier.

treinte, et conviendrait davantage à tout le défini, si elle était conçue en ces termes : le datif signifie le rapport d'une chose à laquelle on donne, on attribue d'autres choses, datus, donné.

DE L'ACCUSATIF.

L'accusatif se nomme ainsi, parce que c'est par ce cas que l'on accuse (1), que l'on déclare, que l'on fait connaître quel est le terme d'une action où d'un rapport. Amo Deum, amor erga Deum.

DE L'ABLATIF.

On appelle ainsi ce cas d'ablatus, ôté, parce qu'il marque ordinairement séparation, division, privation, dérivation, ou transport d'une chose à une autre par le moyen des prépositions. Tous ces rapports s'expriment en latin par a, ab, e, ex, de, etc., et en français par de, du, des, quelquefois même par à: accepit à, ex, de Petro, il a reçu de Pierre; auferre aliquid alicui, ab aliquo, ôter quelque chose à quelqu'un.

Dans tous les ablatifs qu'on appelle communément absolus, imperante Cæsare Augusto, la préposition sub est sous-entendue, comme nous disons en français, sous l'empire d'Auguste; Sæpè ego correxi sub te censore libellos; Marco sub judice palles; quos decet esse hominum tali sub principe mores (2); florent sub Cæsare léges (3); uti de aliquo, de victoriá; de injuriá queri (4). Ainsi toutes les fois qu'un nom est à l'ablatif en latin, nous pouvons dire que ce nom est le terme d'une préposition exprimée ou sous-entendue.

Toutes les fois qu'en notre langue un nom est gouverné par une préposition,.. nous pouvons dire que ce nom est à l'ablatif, ou à quelqu'autre cas, excepté au vocatif et au nominatif, qui sont tous deux régissants, et jamais régis (5).

Gardons-nous bien de la méprise du P. Buffier, qui dit (6)

(1) Du Marsais.

(2) Ovid., Pers., Mart.

(3) Ovid.

(4) Cic. Cæsar.

(5) Grammaire raisonnée, page 63.

(6) N° 646.

que parmi les prépositions, les unes régissent le génitif, d'autres le datif, d'autres le nominatif. Dans les langues où les cas sont distingués par différentes terminaisons, ce n'est jamais par le nominatif qu'on exprime le régime des prépositions, c'est toujours par quelqu'un des autres cas, principalement par l'ablatif, et même par l'aceusatif; car, dit l'abbé Regnier à ce sujet (1), si les prépositions régissaient toujours l'ablatif, elles ne pourraient jamais recevoir après elles les articles de l'accusatif le, la, les: or, presque toutes reçoivent ces articles, et l'on dit très-bien : il a été puni pour les crimes qu'il avait commis; avec la douceur que je lui connais, il gagnera ceux qu'on n'a pu réduire par la violence; il est parvenu sans le secours de personne; en allant chez le ministre, il a passé devant le palais.

Observons ici que ce sont les terminaisons seules qui par leur variété constituent les cas, et doivent être appellées cas; en sorte qu'il n'y a point de cas, ni par conséquent de déclinaisons, dans les langues où les noms gardent toujours la terminaison de leur première dénomination, et que, lorsque nous disons un temple de marbre, l'âge de fer, ces mots de marbre, de fer, ne sont pas plus un génitif que les mots latins de marmore, de ferro, quand Virgile a dit templum de marmore, et Ovide ætas de duro est ultima ferro. Ainsi à et de ne marquent pas plus des cas en français que par, pour, en, sur, etc.

Les noms hébreux n'ont point de cas, il en est de même des noms français ; ils sont souvent précédés de certaines prépositions qui en font connaître les rapports; souvent aussi c'est le sens, c'est l'ensemble des mots de la phrase, qui par le mécanisme des idées accessoires, et par la considération des circonstances, donnell'intelligence des mots; ce qui arrive aussi en latin à l'égard des mots indéclinables, tels que fas, nefas,

cornu.

Les prépositions qui précèdent les noms équivalent à des cas pour le sens, puisqu'elles marquent des vues particulières de l'esprit, mais elles ne font point des cas proprement dits; car l'essence du cas ne consiste que dans la terminaison du

(1) Page 173.

nom, destinée à indiquer une telle relation particulière d'un mot à quelqu'autre mot de la proposition.

Ce n'est que par un usage arbitraire que l'on donne au nom déterminant la terminaison de l'accusatif après certaines prépositions, et la terminaison de l'ablatif, comme en latin, ou même du génitif, comme en grec, après d'autres prépositions; car au fond ce n'est que la valeur du nom qui détermine la préposition.

Nous expliquerons plus particulièrement l'usage des cas,' en parlant de l'inversion et de la construction dans la syntaxe.

CHAPITRE VII.

Des Articles.

<<< Par le moyen de l'article, on distingue la chose avant que de lui donner un nom convenable; on la particularise par un terme indéfini qui l'annonce sans la nommer, dit M. l'abbé Girard (1).

« L'article seul ne distingue pas assez, ne fait pas bien connaître les objets, continue-t-il.

<< Le nom spécifie bien précisément ce que l'article n'annonce que d'une manière vague. La dénomination ne tend qu'à faire connaître chaque objet par son nom.

« L'article (2) est un mot établi pour annoncer et particulariser simplement la chose sans la nommer, c'est-à-dire qu'il est une expression indéfinie, quoique positive, dont la juste valeur consiste à faire naître l'idée d'une espèce subsistante qu'on distingue dans la totalité des êtres pour la nommer ensuite. >>

Selon cet auteur (3), il y a une espèce d'adjectif, « dont la qualification consiste à particulariser (de même que l'article) ; »

(1) Vrais Principes de la langue française, tome 1, page 44.

(2) Ibid., page 157. (3) Ibid., page 178.

d'un autre côté, un adjectif ne nomme que le mode, « il ne nomme pas la chose ; » il y a donc une espèce d'adjectif qui est article.

La définition de M. l'abbé Girard n'expose donc pas clairement la nature et le service propre de l'article, comme il le prétend; elle n'empêche donc pas de le confondre avec un autre mot d'espèce différente. Il tombe donc ici luimême dans le défaut qu'il reproche à nos Grammairiens (1). Il ne nomme l'article « un terme indéfini, une expression indéfinie, quoique positive, » que parce que lui-même ne saurait véritablement le définir,* ni en donner une idée nette et déterminée : nous pouvons donc, pour parler comme lui, « renvoyer cette définition dans le pays des chimères. »

La Touche (2) paraît être l'auteur qui a imaginé le système des cinq déclinaisons, et qui en a fait présent à notre langue : l'auteur des Jugements se trompait donc (3), lorsqu'il annonçait et réfutait comme nouveau en 1744, un système mis au jour dès l'an 1696, et réimprimé pour la sixième fois en 1747. Dans La Touche et dans ses copistes, ce système ne fait que jeter de la confusion, causer de l'emharras, et augmenter les difficultés. M. Restaut, d'après le P. Buffier, s'est efforcé de le dégager et de l'éclaircir; mais 1° son article défini le, la, 2o son article indéfini de et à, 3° son article partitif défini, 4° son article partitif indéfini, 5o enfin son article un, une, ne satisfont la raison ni par la manière dont il les a traités, ni par la définition qu'il en a donnée. Puisque de son propre aveu le, la, les sont les seuls mots qui doivent être regardés comme de véritables articles, que ne supprimait-il les quatre autres sortes de mots auxquels il attribue cette dénomination (4)? la définition qu'il en donne serait moins défectueuse.

« L'article, dit-il, est un mot qui se met avant les noms communs ou appellatifs, pour articuler ou pour déterminer l'étendue de leur signification.» «L'usage le plus commun des articles, dit-il encore, c'est de faire connaître le genre, le nombre et le cas du nom avant lequel ils sont mis. »

(1) Vrais principes de la langue française, page 177.
(2) Tome I, page 94.
(3) Tome II, page 155.
(4) Chapitre 4 et 13.

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