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se dire que d'un individu réel qui est ou déterminé ou indéterminé, c'est-à-dire, pris dans le sens particulier. Je dois donc dire l'homme est le seul animal ou un amimal qui raisonne. Par la même raison, l'on dira fort bien, il n'a point de livre qu'il n'ait lu; cette proposition est équivalente à celleci, il n'a pas un seul livre qu'il n'ait lu; chaque livre qu'il a, il l'a lu. Il n'y a point d'injustice qu'il ne commette, c'està-dire, chaque sorte d'injustice il la commet. Est-il ville dans le royaume qui soit plus obéissante? c'est-à-dire, est-il dans le royaume quelqu'autre ville, une ville, qui soit plus obéissante que, etc.? Il n'y a homme qui sache cela, c'est-à-dire, il n'y a pas un homme qui sache cela, aucun homme ne sait cela.

<< Ainsi, c'est le sens individuel qui autorise le relatif, et c'est le sens qualificatif, adjectif ou adverbial, qui fait supprimer l'article; la négation n'y fait rien, quoi qu'en dise la Grammaire générale. Si l'on dit de quelqu'un qu'il agit en roi, en père, en ami, et qu'on prenne roi, père, ami, dans le sens spécifique, et selon toute la valeur que ces mots peuvent avoir, on ne doit point ajouter qui; mais si les circonstances font connaître qu'en disant roi, père, ami, on a dans l'esprit l'idée particulière de tel roi, de tel père, de tel ami, et que l'expression ne soit pas consacrée par l'usage au seul sens spécifique ou adverbial, alors on peut ajouter qui: il se conduit en père tendre qui, car c'est autant que si l'on disait, comme un père tendre qui; c'est le sens particulier, qui peut recevoir ensuite une détermination singulière. Il est accablé de maux, de dettes, c'est-à-dire, de maux particuliers, ou de dettes particulières qui, etc. Une sorte de fruits qui, etc. Une sorte tire ce mot fruit de la généralité du nom fruit. Une sorte est un individu spécifique, ou un individu collectif. >>

M. l'abbé d'Olivet (1) doute que le pronom relatif la puisse être mis après nulle paix dans ce vers d'Esther:

Nulle paix pour l'impie: il la cherche, elle fuit.

<< Et moi je n'en doute point du tout, répond un fameux critique (2). On ne doit pas, dit Vaugelas, mettre le relatif

(1) Remarques sur Racine, page 114.

(2) Racine vengė, page 129.

après un nom sans article: règle fausse, que personne ne suit à la lettre, et qui en bien des occasions rendrait les plus belles pensées inexprimables, et nous obligerait à chercher de froides et insipides périphrases. >>

Le même critique (1) avoue que donner en spectacle funeste est une licence bien hardie; «< je n'ose néanmoins, dit-il, l'appeler barbarisme (en vers), comme M. l'abbé d'Olivet, que je ne puis pourtant accuser ici de trop de rigueur. Se donner en spectacle, regarder en pitié, ces locutions n'admettent point d'épithètes, parce qu'elles ne forment, pour ainsi dire, qu'un seul verbe composé. >>

Selon M. Du Marsais, « la vivacité, le feu, l'enthousiasme que le style poétique demande, ont pu autoriser Racine à dire:

Nulle paix pour l'impie : il la cherche, elle fuit.

Mais cette expression ne serait pas régulière en prose, parce que la première proposition étant universelle négative, et où nulle emporte toute paix pour l'impie, les pronoms la et elle des propositions qui suivent, ne doivent pas rappeler dans un sens affirmatif et individuel, un mot qui a d'abord été pris dans un sens négatif universel. Peut-être pourrait-on dire: nulle paix qui soit durable n'est donnée aux hommes.»

Selon la Grammaire générale (2), on dit affirmativement avec l'article, il a de l'argent, du cœur, de la charité, de l'ambition, au lieu qu'on dit négativement sans article, il n'a point d'argent, de cœur, de charité, d'ambition; et la raison qu'on en donne, c'est que le propre de la négation est de tout óter.

<< Je conviens, dit M. Du Marsais, que, selon le sens, la négation ôte le tout de la chose; mais je ne vois pas pourquoi, dans l'expression, cette négation nous ôterait l'article, sans nous ôter la préposition de. D'ailleurs ne dit-on pas, dans le sens affirmatif sans article, il a encore un peu d'argent, et dans le sens négatif avec l'article, il n'a pas le sou, il n'a plus un sou, il n'a plus rien de l'argent qu'il avait? Par conséquent, la véritable raison de ces façons de parler doit se tirer (1) Ibid., page 130.

(2) Présente édition, page 99.

du sens individuel et défini, qui seul admet l'article, et du sens spécifique indéfini et qualificatif, qui n'est jamais précédé de l'article.

<< Telle est la justesse d'esprit et la précision que nous demandons dans ceux qui veulent écrire en notre langue, et même dans ceux qui la parlent. Ainsi, on dit absolument dans un sens indéfini: se donner en spectacle, avoir peur, avoir pitié, un esprit de parti, un esprit d'erreur. On ne doit donc point ajouter ensuite à ces substantifs pris dans un sens général, des adjectifs qui les supposeraient dans un sens fini, et en feraient des individus métaphysiques. On ne doit donc point dire se donner en spectacle funeste, ni un esprit d'erreur fatale, de sécurité téméraire, ni avoir peur terrible. On dit pourtant avoir grand peur, parce qu'alors cet adjectif grand, qui précède son substantif, et qui perd même ici sa terminaison féminine, ne fait qu'un même mot avec peur, comme dans grand messe, grand' mère. Par le même principe, le P. Sanadon n'a pas parlé exactement quand il a dit (1): Octavien déclare en plein Sénat qu'il veut lui remettre le gouvernement de la République. En plein Sénat est une circonstance de lieu, c'est une sorte d'expression adverbiale, où Sénat ne se présente pas sous l'idée d'un être personnifié ; c'est cependant cette idée que suppose lui remettre. Il fallait dire : Octavien déclare au Sénat assemblé qu'il veut lui remettre, etc., ou prendre quelque autre tour. »

La règle de logique très-véritable que nous propose la Grammaire raisonnée (2), signifie que c'est proprement le sujet qui détermine l'extension de l'attribut dans les propositions affirmatives. Ainsi ce raisonnement : l'homme est animal, le singe est, animal, donc le singe est homme, est un raisonnement faux, parce que les deux divers sujets, homme et singe, déterminent l'attribut animal (3) à signifier deux diverses sortes d'animaux; savoir: l'animal raisonnable et l'animal irraisonnable.

(1) Vie d'Horace, page 47.

(2) Présente édition, page 99.

(3) Voyez la Logique, seconde partie, chapitre VII (page 98, présente édition).

CHAPITRE XI.

Des Prépositions.

M. l'abbé Girard appelle prépositions (1) les mots << propres à indiquer les rapports qu'on met entre les choses, pour fixer l'idée de l'une par l'idée de l'autre. » Nos Grammairiens, dit-il un peu plus haut, n'ont pas encore expliqué la nature ni l'emploi de la préposition: je n'ai garde de leur en savoir mauvais gré, mon amour-propre se trouve trop satisfait de pouvoir, après un si grand nombre d'auteurs, présenter au public mon ouvrage comme quelque chose de neuf. »

Cet habile académicien entre, sur l'emploi de la préposition, dans un détail métaphysique, dont il a quelquefois lieu de s'applaudir, il faut l'avouer; mais il n'en est pas tout-à-fait de même de ce qu'il dit sur la nature de la préposition. M. Du Marsais (2), dans son excellent Traité des Tropes, l'a beaucoup mieux définie. Voici comment il s'exprime : « La préposition supplée aux rapports qu'on ne saurait marquer, ni en latin par la terminaison, ni en français par la place des mots... La préposition marque un rapport général, une cir→ constance indéterminée, que le mot suivant détermine. »>

M. Restaut définit les prépositions « des mots qui marquent les différents rapports que les choses ont les unes aux autres, et qui ne s'emploient pas sans régime. » En parlant de l'adverbe, nous ferons voir le défectueux de cette dernière définition.

Selon M. Le Batteux (3), « les prépositions ne sont que comme des caractères séparés, pour ajouter aux substantifs la manière de signifier qui convient à l'adverbe. Dans justement, la dernière syllabe est le caractère adverbial. Placez la

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préposition avec avant le nom justice, elle donnera au nom substantif justice, la même manière de signifier que la syllabe ment à donnée au nom adjectif juste. »

M. Le Blanc assure (1) que les prépositions sont de vrais noms adjectifs. Peut-être voulait-il dire que la préposition jointe à son complément, équivaut quelquefois à un adjectif. Par exemple, de marmore équivaut à l'adjectif marmoreum; ex auro équivaut à l'adjectif aureus.

« L'usage, dit M. l'abbé Girard (2), a accordé à certaines prépositions la permission d'en régir quelquefois d'autres, c'està-dire, de les souffrir dans le complément dont elles indiquent le rapport; de façon qu'il se trouve alors un rapport particulier compris dans un général : celui-ci est énoncé par la seconde, qui par conséquent se trouve avec son propre complément sous le régime de la première. Cette permission, ditil, n'est accordée qu'à ces quatre: de, pour, excepté, hors; leur droit ne s'étend même que sur quelques-unes.

La préposition à pouvait bien être mise au nombre de celles auxquelles une pareille permission est accordée. Dans ces exemples, s'amuser à de la crême fouettée, s'attacher à de la viande solide, si l'on ne voulait point admettre d'ellipse, pourquoi faire de particule ? il n'y avait qu'à le faire préposition, exprimant un rapport particulier sous le régime de la prépo¬ sition à, exprimant un rapport général. De dispose à prendre. ce qui suit, non dans un sens absolu et général (3), mais uniquement dans un sens d'extrait. L'abbé Regnier a fait sur les prépositions inséparables des observations que M. l'abbé Girard n'aurait pas dû négliger.

La préposition ad entre dans la composition de plusieurs mols: adapter, adhérer, adopter, addition, admirer, adjectif, adverbe. Souvent d se change en la lettre qui commence le mot dont ad est inséparable; ainsi on dit accumuler, affirmer, aggréger, annexer, applanir, arriver, associer, attribuer.

Cum, préposition latine, qui signifie avec, et qui s'écrit

(1) Théorie de la parole, pages 32 et 35.

(2) Tome II, page 242.

(3) Voyez Grammaire, tome II, page 218.

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