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Voilà pour ce qui est des verbes actifs et passifs.

Les Neutres, que quelques Grammairiens appellent Verba intransitiva, verbes qui ne passent point au dehors, sont de deux sortes :

Les uns qui ne signifient point d'action, mais ou une qualité, comme albet, il est blanc; viret, il est vert; friget, il est froid; alget, il est transi; tepet, il est tiède; calet, il est chaud, etc.;

Ou quelque situation, sedet, il est assis; stat, il est debout; jacet, il est couché, etc.;

Ou quelque rapport au lieu, adest, il est présent; abest, il est absent, etc.;

Ou quelque autre état ou attribut, comme, quiescit, il est en repos; excellit, il excelle; præest, il est supérieur; regnat, il est roi, etc.

Les autres verbes neutres signifient des actions, mais qui ne passent point dans un sujet différent de celui qui agit, ou qui ne regardent point un autre objet, comme, diner, souper, marcher, parler.

Néanmoins ces dernières sortes de verbes neutres deviennent quelquefois transitifs, lorsqu'on leur donne un sujet, comme, ambulare viam, où le chemin est pris pour le sujet de cette action. Souvent aussi dans le grec, et quelquefois aussi dans le latin, on leur donne pour sujet le nom même formé du verbe, comme, pugnare pugnam, servire servitutem, vivere vitam, etc.

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Mais je crois que ces dernières façons de parler ne

sont venues que de ce qu'on a voulu marquer quelque chose de particulier, qui n'étoit pas entièrement enfermé dans le verbe; comme quand on a voulu dire qu'un homme menoit une vie heureuse, ce qui n'étoit pas enfermé dans le mot vivere, on a dit vivere vitam beatam; de même servire duram servitutem, et semblables; ainsi quand on dit, vivere vitam, c'est sans doute un pleonasme, qui est venu de ces autres façons de parler. C'est pourquoi aussi dans toutes les langues nouvelles, on évite comme une faute, de joindre le nom à son verbe, et l'on ne dit pas, par exemple, combattre un grand combat.

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On peut résoudre par-là cette question; si tout verbe non passif régit toujours un accusatif, au moins sous-entendu. C'est le sentiment de quelques Grammairiens fort habiles, mais pour moi je ne le crois pas. Car, 1. les verbes qui ne signifient aucune action, mais quelque état, comme, quiescit, existit, ou quelque qualité, comme, albet, calet, n'ont point d'accusatif qu'ils puissent régir; et pour les autres, il faut regarder si l'action qu'ils signifient, a un sujet ou un objet, qui puissent être différens de celui qui agit; car alors le verbe régit le sujet, ou cet objet à l'accusatif. Mais quand l'action signifiée par le verbe n'a ni sujet, ni objet différent de celui qui agit, comme, diner, prandere; souper, cœnare, etc, alors il n'y a pas assez de raison pour dire qu'ils gouvernent l'accusatif, quoique ces Grammairiens aient cru qu'on y sous

entendoit l'infinitif du verbe, comme un nom formé par

le verbe; voulant, par exemple, que curro soit ou curro cursum, ou curro currere : néanmoins cela ne paroît pas assez solide; car le verbe signifie tout ce que signifie l'infinitif pris comme nom, et de plus, l'affirmation et la désignation de la personne et du temps, comme l'adjectif candidus, blanc, signifie le substantif, tiré de l'adjectif, savoir, candor, la blạn`cheur, et de plus, la connotation d'un sujet dans lequel est cet abstrait. C'est pourquoi il y auroit autant de raison de prétendre que, quand on dit homo candidus, il faut sous-entendre candore, que de s'imaginer que, quand on dit currit, il faut sous-entendre

currere.

CHAPITRE X I X.

Des Verbes Impersonnels.

L'INFINITIF, que nous venons d'expliquer au chapitre précédent, est proprement ce qu'on devroit appeler VERBE IMPERSONNEL, puisqu'il marque l'affirmation, ce qui est propre au verbe, et la marqué indéfiniment sans nombre et sans personne, ce qui est proprement être impersonnel.

Néanmoins les Grammairiens donnent ordinairement ce nom d'impersonnel à certains verbes défectueux, qui n'ont presque que la troisième personne.

Ces

Čes verbes sont de deux sortes; les uns ont la forme de verbes neutres, comme poenitet, pudet, piget, licet, lubet, etc. les autres se font des verbes passifs, et en retiennent la forme, comme statur, curritur, amatur, vivitur, etc. Or ces verbes ont quelquefois plus de personnes que les Grammairiens ne pensent, comme on le peut voir dans la Méthode Lat. Remarques sur les verbes, chap. v. Mais ce qu'on peut ici considérer, et à quoi peu de personnes ont peut-être pris garde, c'est qu'il semble qu'on ne les ait appelés impersonnels, que parcé que, renfermant dans leur signification un sujet qui ne convient qu'à la troisième personne, il n'a pas été nécessaire d'exprimer ce sujet, parce qu'il est assez marqué par le verbe même, et qu'ainsi on a compris par le sujet, l'affirmation et l'attribut en un seul mot, comme :

Pudet me; c'est-à-dire, pudor tenet, ou est tenens me. Pœnitet me ; pæna habet me. Libet mihi; libido est mihi : où il faut remarquer que le verbe est n'ést pas simplement là substantif, mais qu'il y signifie aussi l'existence; car c'est comme s'il y avoit, libido existit mihi, ou est existens mihi : et de même dans les autres impersonnels qu'on résout par est; comme, licet mihi, pour licitum est mihi. Oportet orare, pour opus est orare, etc.

Quant aux impersonnels passifs, statur, curritur, vivitur, etc. on les peut aussi résoudre par le verbe

Z

est, ou fit, ou existit, et le nom verbal pris d'euxmêmes; comme:

Statur, c'est-à-dire, statio fit, ou est facta, ou existit.

Curritur, cursus fit; concurritur, concursus fit.

Vivitur, vita est, ou plutôt vita agitur : Si sic vivitur, si vita est talis; si la vie est telle. Miserè vivitur, cùm medicè vivitur: la vie est misérable, lorsqu'elle est trop assujettie aux règles de la Médecine. Et alors est devient substantif, à cause de l'addition de miserè, qui fait l'attribut de la proposition.

Dùm servitur libidini, c'est-à-dire, dùm servitus exhibetur libidini, lorsqu'on se rend esclave de ses passions.

Par-là on peut conclure, ce semble, que notre langue n'a point proprement d'impersonnels; car quand nous disons, il faut, il est permis, il me plaît, cet il est là proprement un relatif qui tient toujours lieu du nominatif du verbe, lequel d'ordinaire vient après dans łe régime; comme si je dis, il me plaît de faire cela, c'est-à-dire, il de faire, pour l'action ou le mouvement de faire cela me plaît, ou est mon plaisir : et partant cet il, que peu de personnes ont compris, ce me semble, n'est qu'une espèce de pronom, pour id, cela, qui tient lieu du nominatif sous-entendu ou renfermé dans le sens, et le représente de sorte qu'il est proprement pris de l'article il des Italiens, au lieu duquel nous disons le; ou du pronom latin ille, d'où nous prenons aussi

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