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au jour depuis peu par M. l'abbé d'Olivet de la même Académie, me paraissent supérieures à tout ce que nous avons en ce genre; mais il y faut joindre ce que M. Du Marsais dit dans l'Encyclopédie sur les accidents et sur la conjugaison.

Wallis prétend que, comme les verbes anglais ne varient point leur terminaison, la conjugaison, qui fait une si grande difficulté dans les autres langues, est dans la langue anglaise une affaire très-facile; on en vient, dit-il, fort aisément à bout avec le secours de quelques mots ou verbes auxiliaires. Verborum flexio seu conjugatio, quæ in maximis linguis maximam sortitur difficultatem, apud Anglos levissimo negotio peragitur: verborum aliquot auxiliarium adjumento ferè totum opus perficitur. Cette manière de conjuguer ne paraît pas aussi facile qu'on le dit, pour un étranger qui en veut avoir une connaissance raisonnée, et qui ne se contente pas d'une simple routine.

Chaque verbe anglais semble faire une classe à part. La particule to est une espèce de préposition qui, séparée de l'article the, marque l'infinitif: de sorte qu'un nom substantif devient verbe, s'il est précédé de to seul, au lieu que to the, réunis avant un nom, sont la marque qui équivaut au datif des Latins. Par exemple, murder veut dire meurtre, homicide, mais to murder signifie tuer; lift, effort, to lift, enlever; love, amour, to love, aimer, etc. The love, l'amour, of the love, de l'amour; to the love, à l'amour; the love, l'amour; o love, o amour; from the love, de l'amour. Les noms substantifs que la préposition to rend ainsi verbes, sont la cause de la grande différence qui se trouve dans les terminaisons des infinitifs. On peut en observer presque autant qu'il y a de lettres à l'alphabet : to flea, écorcher; to rob, dérober; to find, feindre, trouver; to love, aimer; to quaff, boire à longs traits; to jog, secouer; to catch, prendre, saisir; to thank, remercier; to call, appeler; to lam, battre du plat de la lame; to run, courir; to help, aider; to wear, porter; to toss, agiter; to rest, se reposer; to know, savoir; to box, frapper à coups de poings; to marry, se marier; etc.

Ces infinitifs changent très-rarement de terminaison quand on les conjugue. Ils ont deux participes: un participe présent

toujours terminé en ing, having, ayant, being, étant, et un participe passé ordinairement terminé en ed ou d, loved, aimé; mais ces participes n'ont guère d'analogie avec les nôtres, ils sont indéclinables, et sont plutôt des noms verbaux qui se prennent tantôt substantivement et tantôt adjectivement; ils énoncent l'action dans un sens abstrait. Par exemple, your marrying signifie votre marier plutôt que votre mariant, c'est-à-dire, l'action de vous marier. Coming est le participe présent de to come, arriver, et signifie l'action d'arriver, de venir; ce que notre participe arrivant ne rend point. Les Anglais disent, his coming, son arrivée, sa venue, son action d'arriver; et l'idée qu'ils ont dans l'esprit diffère, quant ́à la forme, de la pensée que nous avons quand nous disons venant, arrivant. C'est de la différence du tour de l'imagination, ou de la différente manière dont l'esprit est affecté, que l'on doit tirer la différence des idiotismes et du génie des langues.

C'est avec l'infinitif dépouillé de la préposition to, et avec ces deux noms verbaux ou participes dont nous venons de parler, que l'on conjugue les verbes anglais par le secours de certains mots et quelques verbes auxiliaires qui sont proprement les seuls verbes. Ces auxiliaires sont to have, avoir; to be, être; to do, faire. Les personnes se marquent par les pronoms personnels i, je; thou, tu; he, il; she, elle; et au pluriel, we, nous; you, vous; they, ils ou elles sans que cette différence de pronoms apporte aucun changement dans la terminaison du nom verbal, que l'on regarde communément comme verbe.

Les Grammaires que l'on a faites jusqu'ici pour nous apprendre l'anglais, ne paraissent pas à un grammairien philosophe, fort propres à indiquer exactement la manière de conjuguer des Anglais. On rend l'anglais par un équivalent français, qui ne donne pas l'idée juste du tour littéral anglais, ce qui est pourtant le point que cherchent ceux qui veulent apprendre à fond une langue étrangère. Par exemple, on traduit cette expression i do dine, par celle-ci, je dîne; thou dost dine, tu dînes; he does dine, il dîne. I marque la première personne, do veut dire faire et dine, diner : il faudrait

donc traduire, je ou moi faire dîner, tu fais dîner, il fait dîner. Et de même on traduit there is par il y a : there est un adverbe qui veut dire là, et is est la troisième personne du singulier du présent du verbe irrégulier to be, être ; are sert pour les trois personnes du pluriel : ainsi il fallait traduire there is, là est; there are, là sont ; et observer que nous disons en francais, il y a.

Le sens passif s'exprime en anglais comme en allemand et en français, par le verbe substantif avec le participe du verbe dont il s'agit. I am loved, je suis aimé; thou art, tu es, he ou she is, il ou elle est, we are, nous sommes, you are, vous êtes, they are, ils ou elles sont, etc., loved, aimés, etc.

Aux quatre conjugaisons' latines are, ere, ere, ire, on pourrait en ajouter une cinquième appelée mixte, parce qu'elle est composée de la troisième et de la quatrième; c'est celle des verbes en ere, io; on lui donne accipere, accipio, pour paradigme ou modèle: il y a, en effet, dans ces verbes des terminaisons qui suivent legere, et d'autres audire. On dit audior, audiris, au lieu qu'on dit accipior, acciperis, comme legeris, et l'on dit accipiuntur, comme audiuntur, etc.

Si c'était la différence du présent de l'indicatif qui dût régler le nombre des conjugaisons, comme le prétend M. Vallart, il faudrait en ce cas les multiplier en latin, et plus souvent les confondre. Il y a en latin quantité de verbes dont les mêmes personnes prennent des terminaisons différentes aux mêmes temps: voilà donc autant de conjugaisons. Il faudra faire encore une nouvelle classe pour les verbes terminés de même à l'indicatif, et différemment à l'infinitif : do, dare; reddo, reddere; percutio, percutere; audio, audire, etc. Car pourquoi ces différences de verbes à l'infinitif, jointes à la ressemblance de la première personne du présent de l'indicatif, ne formeraient-elles pas des classes particulières ? Dans le système du nouveau Grammairien, j'imaginerais cent conjugaisons en latin, et peut-être dans quelque langue que ce soit.

CHAPITRE XVII.

De l'Infinitif.

Infinitif signifie proprement indéfini, indéterminé: aimer, agir, avoir, dire, faire, et tous les autres termes qui répondent à ceux-là dans chaque verbe, sont à l'infinitif, parce qu'ils n'ont d'eux-mêmes qu'une signification indéfinie, c'est-àdire, qui n'est déterminée à aucune personne ni à aucun nombre (1).

Les nations qui n'ont pas différentes inflexions dans leurs verbes, se servent de l'infinitif avec un pronom, un nom et un adverbe, ou l'équivalent, pour exprimer la personne, le nombre, le lieu, les faits et les circonstances. Exemple: moi goùter beaucoup les principes de la Grammaire raisonnée; moi vouloir mon neveu les apprendre bientôt, etc.

Les verbes de la langue franque n'ont pour tout temps que le présent de l'infinitif, dont les autres termes de la phrase ou les conjonctures modifient la signification. Ainsi, je veux, je voulais, j'ai voulu, je voudrais t'épouser, c'est, mi voleri. sposarti.

Dans la troisième édition de la Grammaire raisonnée, à la fin du texte de ce chapitre, on trouve une addition de huit lignes qui ne sont point dans la seconde édition de Port-Royal, ni dans la première édition de M. Prault. Cette faute est bien réparée.

<< Prenez tel livre de méthode qu'il vous plaira, eût-il pour titre Méthode facile, dit M. Du Marsais (2), on vous dira: lorsque dans le français il y a un que après un verbe, pour tourner le français en latin, il faut retrancher le que et mettre le substantif qui le suit à l'accusatif, et le verbe à l'infinitif au temps qu'il faut, soit au présent, si le verbe est au pré

(1) Regnier, pages 345 et 352.

(2) Exposition de sa méthode rais.; chez Ganeau, en 1722, page 44.

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sent, etc. Cette règle même se trouve suivie d'un grand nombre d'exceptions, qui sont expliquées de la même manière. N'est-il pas plus simple et plus à la portée des enfants de leur faire observer la différence du latinisme et du gallicisme? Hæc Jovem sentire deosque cunctos, spem bonam certamque domum reporto (1), etc. ; je remporte à la maison l'espérance bonne et assurée, Jupiter et tous les dieux penser ces choses. C'est une façon de parler latine; on dit en français : je retourne chez moi avec une confiance entière que Jupiter et tous les dieux ont ces sentiments. Cicéron a dit : scio illud tibi esse curæ; littéralement : je sais cela étre à soin à toi; selon le tour de la langue française : je sais que vous vous inbéressez à cela.

<< Il n'y avait point de que retranché du temps d'Horace et de Cicéron (2). Ne serait-il pas ridicule de prétendre que ces deux auteurs, pour exprimer les pensées que nous venons de rapporter, ont retranché le que, qu'ils ont mis le nom suivant à l'accusatif, le verbe à l'infinitif, etc. La raison de ces accusatifs latins est donc qu'ils forment un sens qui est le terme de l'action d'un verbe ; c'est donc par l'idiotisme de l'une et de l'autre langue qu'il faut expliquer ces façons de parler. Ce mot que est alors le représentatif de la proposition déterminative qui suit un verbe. Je dis que : que est d'abord le terme de l'action, je dis, dico quod; la proposition qui le suit est l'explication de que : je dis que les gens de bien sont estimés; et cette proposition postérieure, qui explique ou détermine le mot que, entre par ce moyen avec la proposition antérieure dans la composition d'une même période. >>

Le discours n'est qu'un tissu de plusieurs propositions: c'est pourquoi les hommes ont cherché les moyens de marquer la liaison de plusieurs propositions qui se suivent (3). Notre que français, qui répond à l'it des Grecs, fait cet oflice, comme quand on dit, je sais que Dieu est bon: que unit ces deux propositions, je sais et Dieu est bon; il marque la liaison

(1) Horace, à la fin du Poème séculaire.

(2) Du Marsais, page 43. Remarques, articles 52 et 53 de Trévoux, mai 1723. Préface, page 8.

(8) Art de parler, page 20.

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